Destruction du patrimoine: la nouvelle guerre des djihadistes?
L'émission du 25 avril 2015
Depuis le début de l'année, un nouveau genre de vidéos de propagande du groupe auto-proclamé État islamique circule sur le web. Des images qui ont fait le tour du monde et qui montrent les combattants de Daech en train de détruire des oeuvres archéologiques.
Armés de masses, de marteaux piqueurs et même de bulldozers, ils ont détruit les oeuvres du musée de Mossoul et ont attaqué des cités antiques assyriennes comme celle de Nimroud qu'ils ont tout simplement rasée en invoquant la nécessité de détruire tout signe d'idolâtrie. Un désastre archéologique selon tous les spécialistes et un "nettoyage culturel", comme l'a déclaré la directrice de l'UNESCO. Les oeuvres qui ne sont pas détruites sont pillées et écoulées au marché noir.
Comment expliquer cette volonté de Daech de faire disparaître le patrimoine culturel? Quels sont les actes de même nature que l'on peut identifier dans l'histoire? Geopolitis décrypte les destructions et les pillages perpétrés aujourd'hui dans cette région considérée comme le berceau de la civilisation.
L'invité: Marc-André Haldimann, docteur en archéologie, Université de Berne.
Bonus de l'émission
Le contexte
Le reportage
En 1954, la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit arméest adoptée à La Haye, Pays-Bas. Elle fait suite aux destructions massives infligées au patrimoine culturel au cours de la seconde guerre mondiale. Entrée en vigueur le 7 août 1956, la Convention compte aujourd'hui 126 États parties dont la Syrie et l’Irak.
L’agence onusienne intervient dans la mesure de ses moyens pour rappeler aux États parties l’importance du respect de ladite Convention. Mais les théâtres de guerre actuels n’opposent pas des États, cela rend le travail de l’UNESCO encore plus complexe.
Alep, Syrie - Destruction de souks
À l’éclatement du conflit en Syrie, l’UNESCO a sonné l’alerte quant à l’importance de préserver le patrimoine culturel de Syrie. Au lendemain de l’incendie de souks classés à Alep au mois de septembre 2012, l’UNESCO réagissait ici par la voix de Véronique Dauge, chef de l’unité des États Arabes, pour rappeler le devoir des États de respecter les conventions internationales. (1 min 18 sec)
Contenu externe
Ce contenu externe ne peut pas être affiché car il est susceptible de collecter des données personnelles. Pour voir ce contenu vous devez autoriser la catégorie Réseaux sociaux.
AccepterPlus d'info
"La culture est en première ligne du conflit"
Suite à la diffusion des images montrant les combattants de Daech en train de détruire les oeuvres exposées au musée de Mossoul en Irak au début de l'année 2015, la directrice générale de l’UNESCO a tenu une conférence de presse pour rappeler l’engagement de l’agence onusienne et annoncer la création d’une coalition globale contre le trafic illicite des biens culturels. (1 min 53 sec)
Contenu externe
Ce contenu externe ne peut pas être affiché car il est susceptible de collecter des données personnelles. Pour voir ce contenu vous devez autoriser la catégorie Réseaux sociaux.
AccepterPlus d'info
Le site archéologique de Nimroud avant sa destruction
Nimroud était une cité antique assyrienne située au bord du Tigre dans le nord de l’Irak. Elle a été détruite par les combattants de l’organisation État islamique en ce début d’année 2015. Début mars, l’UNESCO a publié cette vidéo qui permet de voir certaines des oeuvres archéologiques qui s’y trouvaient. Une dernière trace en images d’une cité qui fût fondée il y a plus de 3000 ans. (1 min 32 sec)
Contenu externe
Ce contenu externe ne peut pas être affiché car il est susceptible de collecter des données personnelles. Pour voir ce contenu vous devez autoriser la catégorie Réseaux sociaux.
AccepterPlus d'info
Campagne contre le trafic illicite
Les oeuvres archéologiques sont aussi l'objet de pillages. Face à l’ampleur du trafic de biens culturels, l’UNESCO a réalisé une série de spots de campagne pour sensibiliser notamment sur le cas de la Syrie. Accédez ici aux pages du site de l’UNESCO consacrées à ce problème. (38 sec)
Contenu externe
Ce contenu externe ne peut pas être affiché car il est susceptible de collecter des données personnelles. Pour voir ce contenu vous devez autoriser la catégorie Réseaux sociaux.
AccepterPlus d'info
En plus...
L'invité
Marc-André Haldimann,a mené des études d'histoire générale, d'archéologie classique et d'archéologie gallo-romaine à l'Université de Genève, et est docteur en archéologie gallo-romaine de l'Université de Lausanne. Il a dirigé des fouilles pendant 23 ans en Suisse Romande, en France et en Jordanie avant de devenir Conservateur en chef du Département d'archéologie au Musée d'art et d'histoire de Genève pendant huit ans.
Auteur de nombreuses publications et d'expositions consacrées entre autre à l'archéologie de la Bande de Gaza et des religions du Liban, Il est depuis Chercheur associé à l'Université de Berne, expert fédéral pour l'archéologie méditerranéenne et expert auprès de l'UNESCO pour le patrimoine syrien.
Mémoire du passé, le patrimoine culturel se voit prodiguer des soins attentifs. Tout est mis en oeuvre pour en sauvegarder les vestiges, à l’image des temples égyptiens d’Abou Simbel préservés des eaux du barrage d’Assouan. Cependant ces trésors culturels, fragiles, sont rattrapés par les aléas de l’histoire: ainsi les Bouddhas de Bamiyan en Afghanistan furent mutilés avant même leur destruction par les talibans. Et les oeuvres d’art, convoitées pour leur simple valeur marchande, font l’objet, aujourd'hui comme hier, de pillages.
Abou Simbel sauvé des eaux
Le site égyptien d'Abou Simbel comporte deux temples édifiés par Ramses II au XIIIe siècle avant J.-C. Pour sauver ces deux trésors archéologiques de la montée des eaux provoquée par la construction du barrage d'Assouan, une vaste opération est menée en 1965. Les deux temples sont sciés et découpés, puis entièrement remontés dans la même région. Ce reportage suit l’avancée de ces travaux d’une complication extrême.
Le royaume d’Afghanistan, sur la Route de la soie, fut une région disputée où se succédèrent invasions et religions. Le patrimoine du pays s’y est enrichi: les archéologues français travaillent ainsi en 1965 à la mise à jour des vestiges d’un monastère bouddhiste. Avant même leur destruction en 2001 par les Talibans, les mutilations subies par les Bouddhas géants de Bamiyan taillés dans la falaise entre le 2ème et le 5ème siècle de l’ère chrétienne témoignent cependant de la fragilité des trésors culturels.
En 1972 en Italie, le patrimoine national est victime d’un véritable pillage. Les malfrats ont la vie facile: les oeuvres d'art sont nombreuses et peu répertoriées, les musées et les églises ne sont pas sécurisés, et les politiques ne se préoccupent pas de cette délicate question.
En 2002, les paysans afghans appauvris par une période de sécheresse n’ont trouvé d’autres expédients pour vivre que de piller les antiquités du site de Balkh pour les vendre. Poteries, bijoux, pièces, le moindre vestige de la célèbre cité antique s’apprête ainsi à quitter l'Afghanistan.