Que l’on soit petit ou grand, les écrans ont tendance à nous absorber. Comment gérer la consommation d’écran au quotidien? Quels sont les points positifs des applications, jeux et réseaux sociaux et à l’inverse quels sont les travers dont il faut se méfier?
Anne-Emmanuelle Ambresin, pédiatre et cheffe de la Division interdisciplinaire de santé des adolescents du CHUV à Lausanne, distille ces conseils au fil des âges.
Une série proposée par Frédérique Volery dans l'émission "On en parle" sur La Première.
Anne-Emmanuelle Ambresin est formelle: tant que les tout-petits ne parlent pas, il ne faut pas les exposer aux écrans, qui n'apportent "aucun bénéfice. Au contraire, ils amènent un haut risque par rapport au développement du langage et au développement affectif de l'enfant, qui sont extrêmement importants à cette période de la vie." Une interaction intense avec les parents, en particulier leur visage et leur regard, est donc nécessaire.
La spécialiste comprend cependant la tendance du recours aux écrans pour calmer, "voire hypnotiser" les nourrissons lors d'une crise dans un restaurant par exemple. "Avant les années 2000, on gérait les enfants dans les restaurants et les salles d'attente sans les écrans. On amenait des crayons pour le coloriage, des petites voitures, des Legos, etc." Elle ajoute que le fait de s'arrêter pendant une discussion entre adultes pour faire attention à ce que font les enfants et interagir avec eux fait également partie des besoins fondamentaux des tout-petits. "Dans le cas contraire, on risque de faire taire les enfants en les 'nourrissant' avec l'écran", conclut Anne-Emmanuelle Ambresin.
Episode 2
Les enfants de 4 à 12 ans: la rencontre avec le numérique
"Les enfants de cet âge sont capables d'apprendre de tout types de supports: des livres, des jeux et sur des écrans, qui contiennent beaucoup de programmes pédagogiques et créatifs", explique Anne-Emmanuelle Ambresin. Utilisés de cette manière, les écrans seraient à priori positifs pour le développement des enfants. En revanche, il faut les accompagner. "Entre 4 et 12 ans, on ne peut pas fonctionner seul face aux écrans. Idéalement, ces écrans ne sont pas connectés à internet".
Les applications, vidéos ou jeux choisis risquent cependant de contenir des publicités. La spécialiste conseille d'opter pour des supports sans publicités, surtout pour les plus jeunes. "Cet aspect publicitaire est problématique pour toute la population mineure parce que c'est un moyen de la formater et de la préparer à la consommation." En revanche, laisser un ou une enfant devant un DVD dont on connaît le contenu, par exemple lors d'un repas de famille où les adultes sont très occupés, est tout à fait envisageable.
Episode 3
Les jeunes ados de 12 à 14 ans: la vie avec le numérique
Les écrans et leurs réseaux sociaux sont de puissants catalyseurs de la socialisation. Un rôle d'autant plus important lors de l'adolescence, où les jeunes se cherchent par rapport à leurs pairs. Pourtant, à cet âge, les jeunes ados ne sont pas censés avoir accès aux réseaux sociaux selon la réglementation européenne. Malgré cela, "il y a énormément de jeunes entre 12 et 14 ans ayant accès aux réseaux sociaux. Étant donné leurs enjeux, il est recommandé de les y introduire pas à pas, précise Anne-Emmanuelle Ambresin. Il est donc important de leur apprendre leur fonctionnement et leur utilisation". Whatsapp est souvent le premier réseau social des jeunes, qui y ajoutent leurs amis et forment un groupe de classe.
Mieux vaut cependant retarder l'arrivée des autres réseaux sociaux, contenant plus de risques. Idéalement, il faudrait aussi instaurer des règles par rapport au temps d'écran. "Il est possible de travailler avec des logiciels limitant le temps passé sur le téléphone, par exemple dans les paramètres et les préférences de l'appareil. Avec la permission de l'ado, pourquoi ne pas s'asseoir ensemble et regarder comment il utilise son téléphone?" Ainsi, on peut lui demander ce qu'il pense de certaines situation. Anne-Emmanuelle Ambresin cite l'exemple du groupe de classe sur Whatsapp de son ado. "En lisant les communications, j'ai été interpellée par la violence du langage que les élèves utilisaient entre eux. En tant qu'adulte, on peut donner des repères aux jeunes, qui ne sait pas encore ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. C'est aux parents d'apprendre aux jeunes le comportement à adopter en ligne."
Episode 4
Les ados de 15 à 18 ans: l’autonomie avec le numérique
Dès 15 ans, les jeunes développent leur esprit critique. Ils et elles abordent donc les écrans différemment, en choisissant quel contenu consommer. Les réseaux sociaux peuvent aussi les aider à affirmer leur identité sexuelle. "Les réseaux sociaux sont en effet une source d'information excellente si l'on arrive à trier les bonnes des mauvaises sources, précise Anne-Emmanuelle Ambresin. En clinique, beaucoup de jeunes trans viennent me voir en me disant avoir vu une vidéo sur les réseaux sociaux qui les a aidés à comprendre leur mal-être." Les réseaux permettent aussi de tisser des liens entre intérêts communs et de stimuler l'engagement des jeunes pour des causes qui les touchent, comme le climat.
De l'autre côté de la force, les réseaux sociaux peuvent aussi avoir un effet pervers en mettant en évidence des contenus similaires à ceux précédemment consommés. Un effet d'autant plus dangereux à cet âge selon la médecin. "Cette pression des contenus orientés par rapport à notre profil, qui nous ressemblent et qui nous conviennent, font que nous nous accrochons aux réseaux sociaux. Par exemple, le temps d'attention des jeunes est en diminution depuis quelques années. Il est à présent de 8 secondes. Les entreprises utilisent ces données pour faire en sorte que les jeunes ne décrochent pas des réseaux sociaux."
Episode 5
Les adultes: le numérique omniprésent dans le quotidien
Lorsqu'on est adulte, le numérique fait aussi partie du monde du travail. Cela devient alors une contrainte. "Nous passons des heures, non-volontaires, face à des choses non-ludiques comme des e-mails. Cela n'est pas stimulant et ne produit pas de dopamine", précise Anne-Emmanuelle Ambresin. Le temps passé sur les écrans est alors justifié par le travail. "Certes, mais écrire des e-mails assis sur un banc avec sa famille nécessite de mieux compartimenter travail et famille, les moments où l'on fonctionne sans cette invasion-là."
Le jeu, les réseaux sociaux, la pornographie et le shopping en ligne sont aussi très présents dans le temps d'écran des adultes, car ce sont de puissants moteurs de dopamine. "Certaines activités, peuvent aussi à terme devenir problématiques pour les relations sociales ou les finances." Il est donc nécessaire de faire de la prévention contre les addictions aussi chez les adultes.