Le premier s’est mis au diapason des mouvements des montres qu’il crée depuis plus de vingt ans, il est horloger indépendant dans la Vallée de Joux et ses créations s’arrachent au Japon. Les seconds sont des cinéastes de montagne, des trappeurs d’images toujours à l’affût pour capturer les plus beaux instants de la vie sauvage, même si cela implique souvent de se mettre à son rythme. Le temps pourrait ainsi être le fil conducteur de Paju cette semaine, d’autant plus que le jardin que nous visitons nous emmène à l’époque du siècle des Lumières, dans les allées propices à la promenade du Château de Prangins.
Complications sans compromis - Les yeux du paradis
Complications sans compromis
Philippe Dufour est considéré par les amateurs de haute horlogerie comme probablement le plus talentueux horloger du moment et pourtant il n’en est pas moins quasiment inconnu du grand public. Il faut dire que Philippe Dufour, né dans les années cinquante à la Vallée de Joux, a choisi de devenir indépendant en 1989 pour créer ses propres modèles de montres. Depuis, il a ainsi créé trois calibres.
Philippe Dufour entre à l’âge de 15 ans, et un peu malgré lui, à l’école technique du Sentier pour devenir horloger. Contre toute attente, il se passionne très vite pour ce métier et en sort diplômé en 1967. Immédiatement, il a l’opportunité de travailler pour une grande marque de la Vallée où il parfait sa formation.
Après avoir travaillé pour les plus prestigieuses enseignes horlogères, non seulement à la Vallée mais aussi à l’étranger, notamment aux Caraïbes, il lance sa propre affaire de restauration de montres anciennes dans un atelier du Brassus. C’est en s’inspirant de celles-ci que Philippe Dufour décide en 1989 de créer ses propres créations et devient horloger indépendant.
En 1992, il fait sensation à la Foire de Bâle en présentant un modèle inédit de montre-bracelet grande sonnerie répétition minutes. Quelques années plus tard, il présente sa seconde montre, la Duality. Une montre qui fonctionne avec deux cœurs. Sa renommée devient alors mondiale auprès des amateurs de haute horlogerie. Afin d’atteindre une clientèle plus large, il développe en 2000 la Simplicity. Une montre "toute simple" comme son nom l’indique, mais dont le degré de finition est tel, qu’il lui faudra 12 ans pour en fabriquer 200.
Autant dire qu’avec une production aussi confidentielle, son carnet de commande ne désemplit pas et que ses clients sont obligés d’attendre souvent des années pour acquérir enfin leur précieux garde-temps. Au Japon, où il compte ses plus fidèles amateurs, il est d’ailleurs considéré comme une véritable star.
En vingt ans, il aura donc créé trois calibres. « C’est déjà pas mal pour un seul homme », nous confia-t-il non sans une certaine fierté. Son secret : de la patience, une exigence sans compromis et une bonne dose d’humilité. Son regret : n’avoir malheureusement pas réussi à constituer une équipe autour de lui.
C’est donc seul, dans une ancienne classe de l’école primaire du Solliat, à deux pas du Sentier, qu’il travaille inlassablement. On y trouve quantité de vielles machines récupérées ici et là, souvent au prix de la fonte, mais malheureusement sans mode d’emploi. Patiemment, il a redécouvert les techniques anciennes. Du polissage à l’anglage, en passant par les décorations, chaque pièce est réalisée à la main avec un souci du détail hors du commun.
Constatant la disparition progressive de ce fameux "tour de main" dans l’industrie horlogère moderne, Philippe Dufour a initié en 2012, avec les horlogers indépendants Robert Greubel et Stephen Forsey, le projet "Naissance d’une montre" visant à "sauvegarder, perpétuer et transmettre l’excellence du savoir-faire horloger pour les générations futures". Car, comme il aime à le dire: "les cimetières sont remplis de secrets. Aujourd’hui j’ai envie de transmettre, avant qu’il ne soit trop tard… ".
Un reportage de Pascal Magnin
Jardin du château de Prangins
Bâtisse majestueuse, surplombant le Léman, s’accordant même un regard au passage vers le Mont-Blanc, le Château de Prangins a été construit dans les années 1730 dans un style d’inspiration française. Autour, un domaine de 5 hectares comprenant parc et jardins et côté village, un jardin potager constitué de variétés anciennes.
Les yeux du paradis
Ce sont des trappeurs d’images: depuis plus de 30 ans, les Lapied parcourent le monde de la montagne pour capturer les plus beaux moments de la vie sauvage. Rencontre avec cette famille de cinéastes, dans leur fief du Valsavarenche, au coeur du Parc naturel du Grand Paradis dans le Val d’Aoste.
Pour Anne, Erik et Véronique Lapied, le cinéma de montagne est devenu un mode de vie, une expérience existentielle. Parce que ce sont le temps et les saisons qui comptent avant tout, ils travaillent à plusieurs réalisations en parallèle : que ce soit dans le massif italien du Grand Paradis où ils passent leurs hivers au plus proche de la vie sauvage, dans les montagnes de Savoie où ils récoltent les pratiques et les coutumes du monde alpin ou même en Himalaya, quand il s’agit de suivre des caravanes de yaks, les Lapied sont en quête d’une sorte de perfection du naturel.
Lauréats de nombreux prix internationaux, ils présentent leurs films en pratiquant un cinéma itinérant pour aller à la rencontre des spectateurs. Rut des bouquetins, vol des gypaètes, chamois ensevelis sous les avalanches, marmottes renaissantes: la nature est à la fête au cœur du Parc naturel du Grand Paradis dans le Val d’Aoste.
Un reportage de Pascal Rebetez