Tous criminels, trafiquants de drogue, violents, profiteurs...! Le cliché blesse les nombreux Kosovars qui se disent victimes de préjugés.
Ils sont 200'000 en Suisse et représentent la 2ème communauté étrangère après les Italiens, mais avant les Espagnols ou les Portugais. Qui sont-ils ? Comment vivent-ils ? Leur réputation de violence correspond-elle à la réalité ? Pourquoi ne retournent-ils pas au Kosovo ? Temps Présent est allé à leur rencontre, en Suisse et au Kosovo. Plongée dans une communauté déchirée entre adaptation au monde contemporain et attachement aux valeurs traditionnelles...
Ils parlent l'albanais, revendiquent l'indépendance pour leur province et ne veulent pas entendre parler de la Serbie-Monténégro, à laquelle ils sont pourtant rattachés. Les premiers Kosovars sont arrivés en Suisse dans les années 70, des hommes pour la plupart. Ils représentaient alors une main-d'œuvre bon marché, dont la venue avait été négociée avec le gouvernement de Belgrade, capitale de la Yougoslavie de l'époque. Puis, au début des années 90, une partie de la population a été contrainte à l'exil pour fuir le régime de Milosevic, puis les horreurs de la guerre et rallier les camps de réfugiés en ex-Yougoslavie. D'autres ont rejoint leur mari ou père en Suisse. Envolé le rêve du retour, les voilà installés durablement, avec un nouveau défi : réussir leur intégration.
Aujourd'hui, les Kosovars représentent donc la deuxième communauté étrangère en Suisse. Et force est de constater que - à l'instar des Italiens, des Espagnols et des Portugais avant eux - ils cultivent leur racines tout en revendiquant leur intégration dans la société suisse. Exemples à l'appui : Kadri Mustafa gère les stocks, organise le chargement des camions et planifie les livraisons dans une entreprise de matériaux de construction pour laquelle il travaille depuis 16 ans ; Sofije Hoxha est étudiante et candidate à Miss Suisse 2005 ; Tefik Rashiti est garagiste et conseiller municipal à Nyon, président de la section nyonnaise du POP; Lisa Malaj est assistante sociale, vice-présidente de l'Université populaire albanaise, et milite pour l'égalité des femmes kosovares.
Parmi les valeurs propres aux Kosovars, l'on trouve la notion de clan, de solidarité, qui représente une de leurs principales forces. Solidarité envers la famille restée au pays également, puisqu'un village martyr comme Raçak a pu renaître de ses cendres grâce au travail des nombreux émigrés de toute l'Europe. Un atout qui a cependant un revers, puisque la culture clanique en fait une communauté autarcique, les Kosovars ne se mariant souvent qu'entre eux. La loi du clan peut même se transformer en véritable spirale lorsqu'il sert les intérêts de malfaiteurs particulièrement bien organisés, notamment dans le trafic d'héroïne.
L'autre choc des cultures concerne le statut de la femme. Souvent cloîtrées dans leur appartement, confinées aux tâches ménagères et ne parlant que l'albanais, ce sont elles qui paient le plus lourd tribut aux traditions. Des situations qui restent pourtant anonymes et qui cachent parfois des drames : deux Kosovares racontent, l'une l'enlèvement de son enfant par son frère avec la complicité du clan, l'autre son mariage forcé lors de ses vacances au pays.
A l'heure où le statut définitif du Kosovo est en pleine négociation, au-delà des préjugés, Temps Présent lève le voile sur les forces et les travers d'une communauté qui oscille entre tradition et intégration et qui est dorénavant indissociable de la Suisse d'aujourd'hui et de demain.
Générique
Un reportage de Dominique Clément et Roland Tillmanns
Image : Jean-Dominique De Weck Son : Raphaël Crohas Montage : Dan Marcocci