Zoug est le paradis fiscal helvétique par excellence. Des entreprises comme Glencore y font prospérer leurs bénéfices, des bénéfices réalisés dans le monde entier. Dans quelles conditions ? Depuis quelques mois, la multinationale helvétique provoque la tempête en Colombie. Copropriétaire d'immenses mines de charbon, Glencore est accusée d'être indirectement responsable de l'expulsion de villageois et de violations des droits de l'homme. Enquête sur la face sombre de la prospérité helvétique.
Zoug, le havre d'innombrables holdings et sociétés boîtes aux lettres. Sa prospérité actuelle, Zoug la doit aux commerçants de matière première, les traders. Leur maître mot : la discrétion. Ces hommes invisibles sont à la fois spéculateurs et spécialistes en métaux, en matière premières ou en produit pétroliers. C'est grâce aux traders que Zoug est devenue une des plus grandes places commerciales du monde.
Au cœur de cette caste argentée, figure l'empire Glencore. Regroupant toutes les anciennes société de Marc Rich, un goldenboy recherché par la justice américaine pour évasion et fraude fiscale, conspiration et commerce avec l'ennemi (l'Iran de Khomeny des années 80), qui avait été gracié par Bill Clinton en 2001. Aujourd'hui, Glencore est l'entreprise suisse qui pèse le plus lourd. L'an passé, elle a réalisé un chiffre d'affaire de 90 milliards de francs, plus que Novartis et même que Nestlé.
Ses affaires, et donc ses bénéfices, Glencore les réalise aux quatre coins du globe, dont la Colombie. Glencore y est co-propriétaire des mines de charbon du Cerrejon, l'une des plus grandes mines à ciel ouvert du monde. Pour assurer l'agrandissement de la mine, des villages entiers ont été rasés, et leurs habitants expropriés par la force, avec la complicité des autorités et de l'armée. A Bogota, le syndicat des mineurs, mené par son président Francisco Ramirez, accuse donc Glencore, de corruption et de violation graves des droits de l'homme. L'autre affaire qui défraye la chronique, c'est le cas du peuple indien Wayùu qui a été chassé des terres qu'il occupait depuis la nuit des temps par les paramilitaires colombiens. Un massacre dans lequel une unité de l'armée est elle-même impliquée, une unité habituellement « employée » par la mine pour surveiller ses installations...
Retour à Zoug. Debora Barros Fince, la représentante des Wayùu, qui a elle-même perdu des proches dans le massacre de son village, a décidé de venir en personne au siège de Glencore pour que la compagnie réagisse aux événements qui entachent l'exploitation de la mine. Elle tente également d'interpeller le parlement zougois pour qu'il intervienne auprès de la société incriminée. Mais à Zoug, l'heure n'est pas à l'autocritique. Le gouvernement prépare une nouvelle baisse d'impôts pour les holdings. A croire que l'Etat veut encourager les entreprises qui, comme Glencore, semblent fermer les yeux sur la précarité et la violence.
Générique
Un reportage de Frank Garbely et Mauro Losa
Image : Patrice Cologne Son : Gianni Del Gaudio Montage : Christian Bonvin