En 1988, à 20 ans, la libanaise Soha Béchara tentait d'assassiner le chef de la millice supplétive d'Israël dans le sud Liban occupé. Son acte lui coûtera 10 ans dans une des pires prisons du monde. Installée à Genève depuis sa libération, Soha Béchara retourne au Liban accompagnée d'une équipe de Temps Présent. La guerre a-t-elle radicalisé les jeunes ? Seront-ils nombreux à risquer, comme elle, une opération suicide ? Icône de la résistance, la jeune femme nous ouvre notamment les portes des milieux proches du Hezbollahz.
Au Liban, Soha Béchara est considérée comme l'incarnation même de la résistance. A 20 ans, cette chrétienne, membre du parti communiste libanais, s'infiltre dans l'Armée du Liban Sud (ALS) et tire par deux fois sur son chef, Antoine Lahad. Ce dernier survivra, alors que Soha Béchara passera dix années dans la tristement célèbre prison de Khiam, où elle subira l'isolement et la torture. Elle sera libérée en 1998, deux ans avant le retrait des troupes israéliennes, et s'installera à Genève.
Bien qu'elle ne partage pas les thèses du Hezbollah, du fait de son séjour à Khiam, Soha Béchara a droit au respect de ses dirigeants et à l'accès aux zones contrôlées par le « parti de Dieu ». Avec les caméras de Temps Présent, Soha nous emmène ainsi dans le Sud-Liban, où malgré la présence renforcée des casques bleus de l'ONU et de l'armée libanaise, le Hezbollah continue à faire la loi. Dans les villages chiites détruits par les bombardements, Soha rencontre des femmes qui ont été emprisonnées avec elle et dont les fils sont déjà prêts à prendre les armes. Dans la région tout le monde considère en effet que la paix n'est qu'une trêve et qu'un jour ou l'autre, les bombes tomberont à nouveau. Pas question pour l'heure du désarmement du Hezbollah. Cap sur Beyrouth, dans les quartiers plus occidentalisés, où étrangement on en vient quasi à soutenir un Hezbollah qui représente l'unique force de résistance face à la menace israélienne. Enfin, une halte à Khiam, l'ancienne geôle qui s'était transformé en musée, dont les bâtiments - et les symboles - ont été rasés par les raids israéliens.
La violence engendre la violence. La guerre visant à anéantir le Hezbollah a fait naître de nouveaux résistants. Et même dans un Liban toujours divisé, Israël semble d'ores et déjà avoir perdu la bataille idéologique.
L'AIEP DONNE RAISON A TEMPS PRESENT
L'Autorité Indépendante d'Examen des Plaintes a rejeté à l'unanimité la plainte d'un groupe de téléspectateurs contre le reportage « Soha, retour au pays du Hezbollah » diffusé le 26 octobre 2006 dans Temps Présent. Contrairement à ce qu'affirmaient les plaignants, l'AIEP a estimé que le public était parfaitement capable, à partir de cette émission, de se faire une opinion personnelle sur le sujet traité et sur les événements qui ont ensanglanté la région en 2006.
Temps Présent avait décidé de consacrer un reportage au Liban immédiatement après le conflit qui a opposé l'armée israélienne principalement au mouvement chiite libanais « Hezbollah » en été 2006. Cette guerre avait mis en évidence l'importance politique et militaire du rôle du Hezbollah au Liban. De l'avis des producteurs de Temps Présent, il y avait un grand intérêt à mieux faire connaître ce mouvement au public suisse. Le Hezbollah est une formation discrète dont l'approche est difficile. Temps Présent avait donc décidé de suivre au Liban une figure bien connue de la résistance à l'occupation israélienne, Soha Bechara, qui devait favoriser les contacts avec le mouvement chiite. Grâce à S.Bechara, Anne-Frédérique Widmann et Jean-Bernard Menoud ont effectivement pu rencontrer plusieurs membres du Hezbollah et décrire le fonctionnement et l'influence du « parti de Dieu » au sud du Liban. Dans sa forme le reportage est une immersion dans une zone de conflit peu après une guerre et donne largement la parole aux habitants de cette région directement touchée par les conséquences des affrontements. Il ne s'agit pas d'un dossier prétendant aborder tous les aspects de crise proche orientale. Des observateurs neutres comme les représentants de l'ONG Human Rights Watch viennent apporter un point de vue indépendant sur les violations des droits de l'homme commis par l'ensemble des belligérants pendant cette guerre.
Les plaignants contestaient cette approche. Pour eux le reportage donne une image trop positive du Hezbollah et de S.Bechara. Il aurait du inclure d'autres interlocuteurs ou documents qui élargiraient le propos. Sans ces éléments complémentaires, le téléspectateur ne pouvait pas se faire une opinion personnelle sur le sujet.
L'AIEP a rappelé l'autonomie de la TSR dans ses choix éditoriaux y compris les angles choisis pour traiter les sujets qu'elle aborde dans ses reportages. Pour l'Autorité, il s'agit effectivement avant tout de déterminer si le téléspectateur a pu être manipulé et sciemment induit en erreur par une émission. Concernant la plainte contre « Soha, retour au pays du Hezbollah », c'est à l'unanimité que les membres de l'AIEP ont conclu que ce n'était pas le cas pour deux raisons. Premièrement l'approche développée par Temps Présent dans le cadre de ce reportage a été très clairement exposée aux téléspectateurs. Deuxièmement, au moment de la diffusion de cette émission, le public était déjà bien informé sur le sujet puisque tous les médias avaient abondamment commenté le conflit libanais. Selon l'AIEP, les téléspectateurs pouvaient donc tout à fait situer ce reportage dans ce contexte général et se forger une opinion.
Daniel Monnat
Rédacteur en chef
des magazines TSR.
Générique
Un reportage de Jean-Bernard Menoud et Anne-Frédérique Widmann
Image : Walther Hug Son : Ottorino Cavadini Montage : Chantal Dall Aglio