On aime les appeler les « Frouzes » ou les « Shadocks ». Ils sont environ 200'000 français ou binationaux qui vivent en Suisse, et plus de 160'000 frontaliers viennent y travailler quotidiennement. Depuis quelque temps, une partie des Romands se lâchent et n'hésitent pas à s'en prendre ouvertement à ces voisins jugés envahissants, arrogants, profiteurs et trop nombreux. Jamais l'ambiance n'est parue aussi tendue, au point qu'il n'est pas excessif de parler de véritable xénophobie, telle que l'ont vécue les Italiens dans les années 70 et les Kosovars plus récemment. L'élection de Donald Trump à la présidence américaine a créé une onde de choc à travers les Etats-Unis et le monde entier. Car peu d'observateurs lui donnaient une chance ces derniers jours, tant il a accumulé les déclarations choquantes et les bourdes. Pourtant, dans l'Amérique profonde des petits Blancs, touchée de plein fouet par la mondialisation, la détestation de Hillary Clinton a fait le lit du discours populiste de Trump. Reportage chez ses électeurs, dans une petite ville du Tenessee.
Frontaliers, chronique de la haine ordinaire/ Bienvenue au pays de Trump
Frontaliers, chronique de la haine ordinaire
On aime les appeler les "Frouzes" ou les "Shadocks". Ils sont environ 200'000 Français ou binationaux à vivre en Suisse et plus de 160'000 frontaliers viennent y travailler quotidiennement. Depuis quelque temps, une partie des Romands se lâche et n’hésite pas à s’en prendre ouvertement à ces voisins jugés envahissants, arrogants, profiteurs et trop nombreux. Jamais l’ambiance n’est parue aussi tendue, au point qu’il n’est pas excessif de parler de véritable xénophobie, telle que l’ont vécue les Italiens dans les années 70 et plus récemment les Kosovars.
C’est en tout cas l’avis d’une journaliste française résidant en Suisse. Au printemps dernier, Marie Maurisse dénonçait dans un livre polémique intitulé "Bienvenue au paradis" le racisme anti-français des Romands. Grand mal lui a pris, c’est un tombereau d’insultes qu’elle a récolté.
Y a-t-il pourtant une part de vérité dans son constat? Temps Présent a voulu examiner de plus près les dires de la journaliste à la lumière de l'actualité.
Car si l’antagonisme entre les Romands et leur grand voisin français a toujours existé, il semble avoir pris une tournure nouvelle ces dernières années. Signe des temps, la francophobie, comme la germanophobie figurent désormais comme nouvelles catégories dans le rapport de la Commission fédérale contre le racisme.
Une crispation que certains expliquent par la libre-circulation et un marché du travail et du logement tendus dans l’Arc lémanique. Rien qu’à Genève, le nombre de frontaliers a triplé en 15 ans. On reproche aux Français de voler le travail des Suisses et par-dessus tout avec une certaine arrogance. Une détestation ordinaire, qui se manifeste de manière particulièrement virulente sur les réseaux sociaux au gré de l’actualité.
A Genève cet été, ce qui devait être une simple nomination à la tête de l’école de patinage de la ville s’est transformée en cabale anti-française contre Vanessa Gusmeroli, choisie en lieu et place du champion suisse Stéphane Lambiel. Une affaire sportive et administrative aussitôt instrumentalisée par certains partis politiques sous l’angle de la nationalité.
La francophobie prend parfois un tour plus tragique. En août 2011, un employé des Transports Publics Genevois (TPG) abattait son chef français. Quel rôle le sentiment anti-frontalier a-t-il joué dans ce fait divers tragique? Cinq ans après le drame, les langues se délient. Temps Présent a pu constater que chez certains, la haine est toujours là.
Rediffusion le vendredi 11 novembre 2016 à 10h25 sur RTS Deux.
Générique
Un reportage de Xavier Nicol et Valérie Teuscher
Image : Jeanne Gerster Son : Beat Lambert Montage : Emmanuelle Eraers