Un drôle de match a commencé en Suisse. D'un côté, les nouveaux retraités, issus du baby-boom, la période la plus féconde de l'histoire. Ils raccrochent, depuis cinq ans, par cohortes entières, avec des conditions de départ héritées de l'âge d'or de l'économie helvétique. De l'autre, la génération montante, relativement peu nombreuse, qui affronte un monde du travail toujours plus dur, un coût de la vie jamais atteint, et qui est destinée à financer l'assurance vieillesse des premiers... Le pays saura-t-il éviter un conflit de génération?
Le baby-boom, connu de la plupart des pays occidentaux, a été précoce en Helvétie. Le taux de fécondité se redresse dès le début des années quarante et va mettre au monde durant les vingt-deux années allant de 1946 à 1968 la génération la plus nombreuse que la Suisse ait portée. Plus de 3 millions de personnes. Or, cette génération est atteinte par la limite d’âge: les premiers baby-boomers ont commencé à quitter la vie active voici cinq ans. Le mouvement va se poursuivre encore durant les dix-sept ans qui viennent. Le baby-boom se change en papy-boom.
Au demeurant, l’arrivée de cette vague de nouveaux retraités est une bonne nouvelle, notamment pour l’économie. Ils sont en meilleure santé que leurs prédécesseurs. Ils ont fait une grande partie de leur carrière durant les Trente Glorieuses et la plupart d’entre eux ont pu se constituer un deuxième pilier digne de ce nom. Ils quittent ainsi la vie active avec de bonnes conditions de départ. Le marketing les courtise, leur dynamisme et leur curiosité font marcher plus d’une entreprise touristique ou culturelle.
Malheureusement, ce formidable boom des plus de 65 ans s’accompagne d’un déclin relatif tout aussi spectaculaire du nombre des individus en âge de travailler. Le rapport de dépendance entre les vieux et les jeunes est en train de s’inverser. Alors qu’au début du XXe siècle, il y avait beaucoup plus de jeunes que de vieux, beaucoup plus d’actifs que de retraités, la part des jeunes ne cesse de décroître. On est tombé de huit actifs pour un retraité à 3,5 actifs pour un retraité aujourd’hui. Selon toutes probabilités, il n’y aura plus que 2 actifs par retraité à l’horizon 2050. L'assurance vieillesse de populations nombreuses reposera ainsi sur les épaules de jeunes actifs peu nombreux. En Suisse comme ailleurs, le système de prévoyance sociale dépend d’un contrat de solidarité entre générations.
La génération montante acceptera-t-elle longtemps d’honorer le contrat? Aujourd’hui, elle ne donne aucun signe de vouloir se rebiffer. Mais ses conditions d’existence, même en Suisse, se péjore d’année en année. L’accès au marché du travail se complique. Les salaires suffisants pour affronter le coût de la vie helvétique sont de plus en plus difficiles d’accès. Quant aux conditions de départ à la retraite, elles se dégradent à vue d’œil. La comparaison du train de vie des retraités avec celui des jeunesses actives pose un problème d’un genre nouveau. Sans que personne n’en soit responsable, une nouvelle fracture sociale est en train d’apparaître.
Rediffusion le 5 septembre 2016 à 15h30 sur RTS Deux.
Générique
Un reportage de Jacques de Charrière et Florence Fernex
Image : Yvan Illi Son : Lancelot Champendal Montage : Robert Mabillard