Jamais il n’a été aussi difficile de devenir suisse. La procédure de naturalisation est la plus dure d’Europe et l’obtention du passeport à croix blanche est un vrai parcours du combattant. A cela s’ajoute le règne de l’arbitraire : fédéralisme oblige, on a plus de chance de devenir suisse à Genève qu’à Nyon, ou pire, en Suisse alémanique ! Un système qui s’apparente à une sorte de « roulette russe », dans lequel se niche parfois une vraie xénophobie.
Il n’a jamais été aussi difficile de devenir suisse. Selon où vous êtes né, où vous êtes installé, vous n’êtes pas sûr de pouvoir devenir citoyen suisse un jour. Le passeport est certes national, la Confédération fixe un cadre pour l’obtenir, mais, fédéralisme oblige, chaque canton, chaque commune choisit ensuite sa façon de faire dans la pratique. Ce qui ouvre la porte à l’arbitraire. Dans certains villages, des faiseurs de Suisses parfois tâtillons ou carrément xénophobes sont à l’œuvre. Les commissions communales reprochent aux candidats de ne pas connaître assez bien la Suisse pour être naturalisé, d’autres fois c’est leur intégration qui est jugée insuffisante, ou leur mode de vie qui dérange. Et ce n’est pas près de changer puisque la loi s’est encore durcie depuis le 1er janvier 2018 de cette année. Ce qui en fait la procédure de naturalisation la plus restrictive d’Europe.
En Suisse, sur les deux millions d’étrangers qui vivent ici, donc un quart de la population, on estime que 900'000 personnes remplissent les critères pour obtenir la nationalité suisse. Pourtant, très peu d’entre elles demandent ce fameux passeport à croix blanche. Pourquoi ? La procédure est la plus dure d’Europe, il faut vivre ici depuis dix ans, connaître le pays sur le bout des doigts. Et depuis le 1er janvier de cette année, la loi fédérale est encore plus restrictive, il faut avoir un permis C, passer un test de langue écrit, ne pas être à l’aide sociale depuis trois ans.
Ces exigences écartent de facto des candidats, en dissuadent d’autres, qui préfèrent ne pas se lancer dans ce parcours du combattant. Et chaque canton, chaque commune continue d’appliquer en plus ses propres règles. Quand le pouvoir d’attribuer la nationalité suisse est confié à des élus communaux sourcilleux, voire xénophobes, l’arbitraire est souvent au rendez-vous. Elue et fille d’immigrés, Ada Marra qualifie la procédure de « roulette russe ». Qu’est-ce que devenir suisse, qui décide et comment ? Reportage au cœur d’un petit pays qui a peur pour son identité…
Générique
Un reportage de Madeleine Brot et Laurent Nègre
Image : Christian Jaquenod Son : Santi Serra Montage : Raphaelle Jeanmonod