Le pôle de création numérique en action

Portée par la RTS, la SSR, la HEAD/HES-SO Genève, le GIFF, Virtual Switzerland et Créatives+, avec l’accompagnement de la Ville et du Canton de Genève, une Fondation pour la création numérique a été constituée en automne 2021. Aujourd’hui le pôle se concrétise avec l’entrée en fonction de son nouveau directeur Emmanuel Cuénod qui présentera les résultats d'une enquête menée auprès de la branche ainsi que ses premières actions dans le cadre du Geneva Digital Market, volet professionnel du GIFF. Il nous livre en primeur ses intentions.

5 questions à Emmanuel Cuénod

Nouveau directeur du Pôle de création numérique

Emmanuel Cuénod, vous entrez en fonction ces jours-ci, quelles vont être vos premières tâches ?

Structurer et informer. Le 9 novembre, nous allons présenter les premiers axes stratégiques et opérationnels du pôle à la branche, lors d’une session du Geneva Digital Market, le rendez-vous professionnel du Geneva International Film Festival (GIFF).

Deux jours plus tard, je serai au Centre suisse de la presse pour discuter avec les médias romands de l’impact des nouvelles technologies sur l’information et de la manière dont les créateurs numériques peuvent être mobilisés sur ces questions. Les semaines suivantes seront consacrées à nouer les premiers partenariats stratégiques et à construire le pôle au niveau administratif et logistique. Il s’agira par ailleurs de fédérer les milieux concernés autour d’un positionnement commun sur le prochain Message Culture, dont le processus de consultation est en cours. Pour mémoire, cette feuille de route stratégique est destinée à fixer les grands axes de l’encouragement fédéral à la culture jusqu’en 2028. 

Concrètement, à quoi servira ce pôle de création numérique ? Est-ce qu’il financera des projets ? Où se trouvera-t-il physiquement ?

Le pôle a pour vocation de rapprocher les acteurs de la culture et de l’innovation et de stimuler l’écosystème de la création numérique. A ce titre, le financement de projets constitue naturellement l’une de ses missions premières. Nous travaillons cependant sur des modèles novateurs d’encouragement, des modèles que l’on pourrait qualifier d’« intégrés », dans le but d’arriver à des solutions plus dynamiques que ce qui se fait pour d’autres disciplines artistiques, où les besoins de réactivité au niveau des soutiens sont moindres.

On retrouvera cette plasticité dans le fonctionnement du pôle. Outre un bureau permanent à Genève, sa direction sera présente chaque semaine dans un canton romand différent. Cette présence pourra s’étoffer en fonction des projets mis en place et de la demande. La liste des espaces partenaires retenus pour accueillir le pôle sera communiquée fin 2022. 

Vous allez rendre prochainement les résultats d’une étude menée auprès de la branche : pouvez-vous déjà nous livrer quelques pistes ?

Les résultats de l’étude seront présentés par Virtual Switzerland, qui a été mandaté par le Conseil de fondation du pôle pour réaliser cette analyse. Grâce à elle, nous disposerons d’une photographie précise de l’écosystème romand et de ses besoins. Mon travail consistera à traduire les demandes les plus récurrentes de la branche en programmes d’accompagnement concrets, toujours en positionnant le curseur au plus près des réalités du terrain et en plaçant l’intérêt général au centre de nos actions. A ce titre, il est indispensable que le pôle puisse être un partenaire pour l’ensemble des acteurs et actrices de la création numérique romande, quel que soit leur niveau de reconnaissance ou la spécificité de leur pratique.

Le pôle est porté par la RTS, la SSR, la HEAD/HES-SO Genève, le GIFF, Virtual Switzerland et Créatives+, avec l’accompagnement de la Ville et du Canton de Genève… Quels seront leurs rôles respectifs ?

Les membres du Conseil de fondation travaillent à un niveau stratégique. Leurs expériences, leurs visions du numérique, sont complémentaires. Cette complémentarité est essentielle pour s’assurer que les propositions de la direction du pôle sont en phase avec les réalités parfois très diverses auxquelles sont confrontés les créatrices et créateurs numériques. 

Le Canton de Genève et la Ville de Genève ont pour leur part confirmé leur présence au sein du comité programmatique du pôle. Ils agiront comme forces de proposition. D’autres représentants de collectivités publiques, d’institutions partenaires et du terrain seront amenés à les rejoindre ces prochains mois. 

Est-ce que le pôle dispose déjà d’un agenda d’actions concrètes en 2023 ?

Il est en cours d’élaboration. Nous en dévoilerons les contours le 9 novembre. Cela dit, il faudra aussi se souvenir que Rome ne s’est pas faite en un jour. 2023 sera avant tout une année de consolidation, où nous mettrons à l’épreuve certains modèles, qu’il s’agira ensuite d’amender. Apporter des solutions constructives et durables à un secteur aussi innovant et protéiforme que la culture numérique demandera d’ailleurs une bonne dose de pragmatisme. Il faudra savoir résister aux injonctions purement tendancielles, tout en restant perméable à la nouveauté. Il faudra être bienveillant, tout en demeurant critique. Il s’agira aussi de conscientiser les enjeux fondamentaux qui traversent nos sociétés. La durabilité du digital, la protection des données, le « brain drifting » (soit le fait que les talents dans lesquels nous avons collectivement investi à travers de la formation et des soutiens se voient contraints de partir à l’étranger pour poursuivre leur carrière) ou la fracture numérique sont autant de paramètres que nous devons prendre en compte lors de l’élaboration de nos actions.

Contexte

Pourquoi un pôle de création numérique ?

L’ensemble de la branche audiovisuelle faisant face aux enjeux de la numérisation et s’emploie à se réinventer au prix d’une mutation profonde impliquant narrations, métiers, outils et infrastructures. La Suisse dispose de talents reconnus dans la création de contenu numérique, cependant par manque de soutien, ces talents ne parviennent pas suffisamment à se déployer dans leur propre pays. En conséquence, la Suisse romande sous-exploite les talents qu’elle a contribué à former dans ses propres écoles.

A l’automne 2021, la direction de la RTS a appelé de ses vœux la création d’un pôle de création numérique, basé à Genève, pour faciliter cette transformation à travers la coopération entre actrices et acteurs relevant les mêmes défis. " [...] Nous avons besoin de nous inscrire dans un écosystème fécond et de travailler avec les talents romands, les écoles, les maisons de production, les startups, la production indépendante, avec des lieux comme le GIFF pour offrir de la visibilité aux projets et bien sûr avec les autorités qui rendent cela possible. La RTS, en tant que média, peut constituer ce lien entre les créatrices et créateurs et le public." Pascal Crittin, directeur de la RTS.