Alain Tanner, Claude Goretta, Michel Soutter, Jean-Louis Roy et Jean-Jacques Lagrange, du petit au grand écran. Portraits.
Il était une fois...
... le "Groupe 5". Tout a débuté dans les années 1960. Ils étaient cinq et travaillaient tous comme réalisateurs à la Télévision Suisse Romande. Ils ont uni leurs forces pour tourner des longs métrages de fiction et ont été produits par la TSR. Ils s'appelaient Alain Tanner, Claude Goretta, Michel Soutter, Jean-Louis Roy et Jean-Jacques Lagrange. Ils ont incarné la "Nouvelle Vague" romande avec leurs films emblématiques d'une époque, d'un style... "La dentellière", "La Salamandre", "L'invitation", "L'inconnu de Shandigor". Un cinéma artisanal, tourné en 16 mm. Ils ont fait jouer Jean-Luc Bideau, Bulle Ogier, Serge Gainsbourg, Marie Dubois, Jacques Dufilho, Miou-Miou. Aujourd'hui, Ursula Meier, Lionel Baier, Jean-Stéphane Bron et Frédéric Mermoud ont pris la relève du Groupe 5, créé en 1968.
DU PETIT AU GRAND ECRAN
Les cinq cinéastes sont tous réalisateurs à la Télévision Suisse Romande. Ils mènent leur carrière cinématographique en parallèle. Ils tournent pendant leur temps libre. L'expérience professionnelle nourrit l'expérience cinématographique, et vice-versa. C'est ainsi que Claude Goretta réalise "Le Fou" en trois semaines, pendant ses vacances, en 1969. Dans l'interview ci-contre, Alain Tanner revient sur les raisons qui justifient l'existence du Groupe 5 et les co-productions avec la TSR.
Jean-Louis Roy
Jean-Louis Roy commence sa carrière à la Télévision Suisse Romande en 1954. D'abord cameraman, il touche au montage avant de devenir réalisateur. En 1970, il tourne "Black-out" dans le cadre du Groupe 5. Dès 1972, il privilégie le reportage. Il réalise "L'Indien des Acacias" en 1972, La "Maison des souvenirs" l'année suivante et "Romands d'amour" en 1983. En 2006, il prend sa retraite.
Le public romand connaît surtout Jean-Louis Roy pour ses reportages inoubliables pour le magazine Temps Présent. Pourtant, le réalisateur genevois a exploré des horizons variés tels que le divertissement et surtout la fiction. Avec les autres cinéastes du Groupe 5, il a bénéficié de la grande liberté que la Télévision Suisse Romande balbutiante offrait à cette génération pour produire des oeuvres marquantes, comme "Black-out" ou "L'inconnu de Shandigor". Le point dans le documentaire de Bertrand Theubet ci-contre.
L'inconnu de Shandigor
Cette mosaïque d’intrigues manifeste ouvertement le refus de jouer le jeu du suspense ou du romanesque linéaire: le sujet se déplace et c’est au cœur de la poésie que nous trouvons son centre de gravité. Roy, comme Franju, nous emmène au bord du réalisme fantastique et, parfois, comme Stanley Donen, il fait virer l’action du côté du ballet
Trois bandes rivales – des Soviétiques, des Américains et des... chauves – s'intéressent de très près à l'Annulator, un engin capable de désamorcer les forces nucléaires mises au point par le savant Herbert von Krantz...
Pour son premier long métrage, dont il est aussi le scénariste, Jean-Louis Roy invente une sorte de "James Bond revu par Dürrenmatt", un sujet de science fiction transcendé par une écriture personnelle, en avance sur son temps, et qui lorgne aussi du côté de la bande dessinée.
Le tournage, à Genève et à Barcelone, réunit un casting international, notamment Serge Gainsbourg qui compose et interprète une chanson originale, Bye bye, Mister Spy. Le père du réalisateur, Alphonse Roy, compositeur et membre de l’Orchestre de la Suisse romande, crée le reste de la musique.
D’abord nommé Atomic-Mac puis Le Bal du Mal, le film reçoit finalement le titre de L’Inconnu de Shandigor et représente la Suisse au Festival de Cannes en 1967. Il passe ensuite à Locarno en août et sort sur les écrans en octobre.
JEAN-LOUIS ROY EN QUELQUES DATES
1938 Naissance à Genève
1954 Premières collaborations avec la Télévision suisse romande. Travail comme cameraman, monteur puis réalisateur. Reportages, dramatiques et fictions TV jusqu’en 2006
1957 Diplôme de photographe
1959 Création avec François Bardet et Jacques Rial des Films de l'Atalante
1960 Talou, avec Lucie Avenay, Marcel Merminod et Raymond Barrat Téléfilm
1964 Happy End Rose d'or au Festival de Montreux Moyen métrage TV
1967 L'Inconnu de Shandigor, avec Serge Gainsbourg, Jacques Dufilho, Marie-France Boyer et Ben Carruthers En compétition au Festival de Cannes
1970 Black-out, avec Marcel Merminod et Lucie Avenay
1972 L'Indien des Acacias Documentaire TV
1973 La Maison des souvenirs Documentaire TV
1980 Talou, avec Lucie Avenay, Marcel Merminod et Raymond Barrat Fiction TV
1983 Romands d’amour Documentaire TV
2001 Portraits passion Documentaire TV
2020 Décès
D'UN JOUR À L'AUTRE
Retrouvez Jean-Louis Roy dans cette archive datant de 1961 de l'émission Carrefour. Il raconte le tournage de son film "D'un jour à l'autre" sélectionné pour le festival de Locarno. On y voit aussi des extraits du film.
Alain Tanner
Je ne veux pas un gros budget, je veux un travelling!
Auteur de films politiques à succès dans l’après 68, comme "La salamandre" ou "Jonas qui aura 25 ans en l’an 2000", il s’est rapidement imposé dans le monde entier avec son regard décalé et provocateur sur la Suisse. Récompensées par de nombreux prix, les fictions de Tanner demeurent des œuvres de référence. Jacob Berger brosse le portrait du cinéaste dans la vidéo ci-contre.
FILMOGRAPHIE
1957 Picadilly la nuit
1961 Ramuz, passage d'un poète
1962 L'école
1964 Les Apprentis
1966 Une ville à Chandigar
1968 Docteur B, médecin de campagne
1969 Charles mort ou vif Léopard d'or au Festival de Locarno
1971 La Salamandre
1973 Le Retour d'Afrique
1974 Le Milieu du monde
1976 Jonas qui aura 25 ans en l'an 2000
1978 Messidor
1981 Les Années lumière Grand prix au Festival de Cannes
1983 Dans la ville blanche César du meilleur film francophone
1985 No Man's Land
1987 Une flamme dans mon cœur
1987 La vallée fantôme
1989 La femme de Rose Hill
1991 L'Homme qui a perdu son ombre
1992 Le Journal de Lady M.
1995 Fourbi
1998 Requiem
1999 Jonas et Lila, à demain
2002 Fleur de sang
2004 Paul s'en va
MAI 68 À PARIS
Les archives ont réuni dans un dossier un choix de documents tournés par Alain Tanner dans les années 1960 pour la TSR, à l'époque où il devient la figure de proue du Nouveau cinéma suisse. Derrière les exigences du reportage, l'ombre de la fiction… En mai 68, l'équipe de Continents sans visa, emmenée par Alain Tanner et Jean-Pierre Goretta est à Paris. À voir ci-contre.
Claude Goretta
Ce qui m’a guidé, c’est le besoin d’aller chercher une forme de vérité sur le terrain, de ne pas me contenter de découvrir le monde à travers mes lectures. Mes films parlent presque toujours de gens simples qui ont une sensibilité plus riche que les moyens de l’exprimer, à l’image du personnage de Pomme joué par Isabelle Huppert dans La dentellière.
Son regard tendre sur les femmes et leur évolution après les années 1960 est au cœur de son œuvre. Ses qualités de découvreur de jeunes comédiens comme Isabelle Huppert, Nathalie Baye ou Gérard Depardieu en font un metteur en scène reconnu dans le monde entier. Dominique de Rivaz brosse son portrait dans le documentaire ci-contre.
FILMOGRAPHIE
1957 Picadilly la nuit Court métrage avec Alain Tanner
1961 Inventaire chez Jacques Prévert Court métrage
1964 Le Paysan ouvrier Court métrage
1966 Jean-Luc persécuté
1967 Micheline, 6 enfants...
1969 Vivre ici
1969 Le Jour de noces Court métrage
1970 Le Fou
1972 Le Temps d'un portrait Téléfilm
1973 L'Invitation
1974 Pas si méchant que ça
1975 Passion et mort de Michel Servet Téléfilm
1976 La Dentellière
1978 Les Chemins de l'exil ou Les dernières années de Jean-Jacques Rousseau Téléfilm
1979 Bonheur toi-même
1981 La Provinciale
1983 La Mort de Mario Ricci
1985 Orfeo
1987 Der Bericht des Polizisten Téléfilm
1987 Si le soleil ne revenait pas
1988 Les Ennemis de la mafia
1991 L'Ombre
1991 Visages suisses
1991 Maigret et la grande perche Téléfilm
1993 Maigret et les caves du Majestic Téléfilm
1993 Goupi mains rouges Téléfilm
1994 Le Chagrin des Belges
1995 Maigret a peur Téléfilm
1996 Le Dernier Chant
1997 Le Dernier Été
2000 Thérèse et Léon
2004 La Fuite de Monsieur Monde Téléfilm
2006 Sartre, l'âge des passions Téléfilm
JACQUES PREVERT
Entre 1962 et 1978, Claude Goretta pratiqua à la Télévision Suisse Romande toutes les disciplines de la création filmée. Les archives de la RTS lui ont consacré un dossier, qui présente un choix de documents parmi les reportages et les portraits réalisés par ce cinéaste tendre et critique sur la réalité sociale de ses années de télévision. Parmi ceux-ci, ce document de Continents sans visa dédié à Jacques Prévert.
Michel Soutter
Michel Soutter (1932-1991) a d'abord été auteur-compositeur-interprète dans les cabarets-caves de Genève et de Paris. C'est en 1961 qu'il entre comme réalisateur à la Télévision Suisse Romande. Il devient réalisateur en 1964. Il a été membre du jury du Festival de Cannes en 1974.
Ses scénarios atypiques, profondément poétiques, vont surprendre par leur originalité et lui attirer la complicité d’acteurs reconnus: Jean-Louis Trintignant, Delphine Seyrig, etc. Décryptage de la riche carrière du cinéaste disparu en 1991 grâce à des témoignages bouleversants dans le documentaire d'Emmanuelle de Riedmatten à voir ci-contre.
FILMOGRAPHIE
1965 Gustave Roud, poète Téléfilm
1965 Mick et Arthur, Moyen métrage
1966 La Lune avec les dents
1968 Haschisch
1969 La Pomme
1969 La Folle Journée Téléfilm
1970 James ou pas
1971-1972 Les Arpenteurs
1972 Les Nénuphars Téléfilm
1972 La Chatte sur les rails Téléfilm
1973 Ce Schubert qui décoiffe Téléfilm
1974 L'Escapade
1977 Repérages
1979 Moment avec Albert Cohen Téléfilm
1981 L'Amour des femmes
1983 Adam et Ève
Téléfilm
1986 Signé Renart
1989 Condorcet Série TV
1991 Le Film du cinéma suisse Documentaire
MICHEL SOUTTER À NEW YORK
Dans cette archive, carte blanche à Michel Soutter, comme le voulait l'émission À vous… Le cinéaste tourne une fiction poétique sur le retour à Genève d'un voyageur parti à New York. Rêves, fantasmes et textes sur la sexualité et sur les relation entre les hommes et les femmes se succèdent dans son esprit.
Jean-Jacques Lagrange
Jean-Jacques Lagrange est né à Genève en 1929. Il suit des études de sociologie avant d'entrer à Radio-Genève, où il est responsable de la continuité. En 1954, il fait partie de l'équipe expérimentale de la Télévision Genevoise, qui deviendra la TSR, puis de la rédaction de Continents sans visa, lancé en 1959, avec Alexandre Burger comme rédacteur en chef, Claude Goretta, Jean-Claude Diserens, François Bardet, Gilbert Bovay comme réalisateurs et trois journalistes, Jean Dumur, François Enderlin et Jean-Pierre Goretta (frère de Claude). En 1963, Jean-Jacques Lagrange réalise le premier long métrage filmé de la TSR, Le doute, avant de créer, en 1968, le Groupe 5 avec Claude Goretta, Alain Tanner, Michel Soutter et Jean-Louis Roy.
Figure incontournable de la Télévision Suisse Romande, Jean-Jacques Lagrange a produit et réalisé des dizaines de fictions, de dramatiques et de reportages, autant de témoignages sur la Suisse et le monde. Dans le laboratoire créatif des débuts de la télévision, Lagrange a été un pionnier. Ses incursions dans l'univers de la fiction sont autant de regards critiques sur une société parfois sclérosée.
JEAN-JACQUES LAGRANGE EN QUELQUES DATES
1929 Naissance le 26 juin à Genève
1952 Licence en sociologie à l'Université de Genève
1953 Entrée à Radio Genève. Participe à la création de la Télévision genevoise
1954 Réalisateur à la Télévision suisse romande jusqu'en 1994 avec 660 émissions dont 50 dramatiques vidéo et 9 téléfilms, des reportages et des documentaires
1968 La dernière campagne de Robert Kennedy Documentaire TV International Emmy Award
1980 Ballade au pays de l'imagination Documentaire TV de création
1981 Merette, avec Anne Bos, Jean Bouise, Isabelle Sadoyan, Patrick Lapp et François Simon Téléfilm
1991 La Vierge noire, avec Micheline Dieye et Pierre Banderet Téléfilm
1992 La Confession du pasteur Burg, d'après Jacques Chessex, avec Frédéric van den Driesche, Vanessa Larré et Jean-Marc Bory Téléfilm
LA DERNIÈRE CAMPAGNE DE KENNEDY
Entre mai et juin 1968, Jean-Jacques Lagrange, Jean Dumur, André Gazut et Charles Champod, respectivement réalisateur, journaliste, cameraman et ingénieur du son, suivent, pour l'émission Continents sans visa, la campagne de Robert Kennedy. Ce documentaire a reçu un Emmy Award en 1969 et le Prix Spécial du Jury au CIRA à Cannes en 1969.