Karin Keller-Sutter monte au front contre l'initiative pour des multinationales responsables
L'initiative populaire "entreprises responsables - pour protéger l'être humain et l'environnement" veut obliger les entreprises ayant leur siège en Suisse à respecter les droits humains et les normes environnementales internationales. Et ceci, que leurs activités commerciales se déroulent aussi bien sur sol helvétique qu'à l'étranger.
Les multinationales devront aussi répondre des dommages causés par leurs filiales, mais pas par leurs fournisseurs ou leurs sous-traitants. Les PME ne seront pas concernées, sauf en cas d'activité à haut risque comme le commerce d'or ou de diamants.
Règles uniques au monde
"Ces règles si étendues en matière de responsabilité seraient uniques au monde", a pointé Karin Keller-Sutter devant la presse réunie à Berne. Et elles iraient bien trop loin, selon la ministre en charge de la justice et de la police.
Les entreprises suisses, qui doivent déjà répondre des dommages qu'elles causent à l'étranger, en seraient désavantagées par rapport à leurs concurrents, a-t-elle poursuivi. L'initiative menace ainsi les emplois et la prospérité en Suisse, mais aussi les investissements d'entreprises suisses dans les pays émergents et en développement.
"L'initiative est excessive, elle va beaucoup trop loin" a répété dans Forum la conseillère fédérale. "C'est une nouvelle notion dans le droit suisse. C'est unique, la Suisse ferait cavalier seul et en période de crise, ce n'est pas une bonne idée d'infliger ces règles de responsabilité que personne dans le monde ne connaît", a encore déclaré Karin Keller-Sutter.
"Ce n'est pas un choix entre l'économie et l'éthique, on peut avoir les deux avec le contre-projet du Parlement", a-t-elle conclu.
Contre-projet
S'il est contre l'initiative, le gouvernement tient toutefois à renforcer la responsabilité des entreprises et à créer davantage de transparence en matière de droits humains et d'environnement. C'est pourquoi il soutient le contre-projet du Parlement.
La réforme, adoptée par une majorité de centre-droit à l'issue d'une longue bataille, ne réglemente pas explicitement la responsabilité de la maison-mère pour les entreprises contrôlées à l'étranger. Les obligations se réduiraient à un devoir de diligence dans les domaines "minerais de conflit" et "travail des enfants". Seules les "sociétés d'intérêt public" devraient rendre un rapport.
Le contre-projet n'entrera en vigueur que si l'initiative est rejetée. Il n'introduit pas de nouvelles normes, mais il prévoit de nouvelles obligations. Un "non" à l'initiative n'affaiblirait donc pas la protection des droits humains et de l'environnement, souligne la conseillère fédérale. Un "non" à l'initiative est en réalité un "oui" à de nouvelles obligations pour les entreprises.
Soutiens prestigieux
L'initiative a été déposée en octobre 2016 par plusieurs dizaines d'organisations non gouvernementales. Elle est soutenue par la gauche, une partie du camp bourgeois et plusieurs personnalités, comme les ex-ministres Ruth Dreifuss et Micheline Calmy-Rey ou l'ancien sénateur Dick Marty. La campagne d'affichage a été lancée mardi.
Pragmatique et raisonnable, le texte a un but préventif, aux yeux de ses partisans. La mondialisation a des effets négatifs sur les droits humains et l'environnement. L'économie suisse doit défendre sa réputation et prendre ses responsabilités. Selon les partisans, le contre-projet du Parlement n'apporte aucune amélioration.
ats/fgn