"Ces informations ont débouché au cours de la semaine dernière à des centaines d'opérations policières dans le monde, de la Nouvelle-Zélande à l'Australie en passant par l'Europe et les États-Unis, avec des résultats impressionnants", a déclaré Jean-Philippe Lecouffe, directeur adjoint des opérations à Europol, lors d'une conférence de presse.
"Plus de 800 arrestations, plus de 700 lieux perquisitionnés, plus de 8 tonnes de cocaïne", a-t-il énuméré.
Plus de 100 vies sauvées
Pour parvenir à ce résultat, les polices de plusieurs pays d'Europe, des Etats-Unis, d'Australie et de Nouvelle-Zélande ont révélé qu'elles contrôlaient l'application baptisée "AN0M", dont se servaient des malfaiteurs du monde entier pour communiquer de façon cryptée. Ils ont décrit l'opération comme "la plus sophistiquée au monde" contre le crime organisé.
"Au cours des 18 derniers mois, le FBI a fourni aux organisations criminelles plus de 300 appareils cryptés dans plus de 100 pays qui nous ont permis de surveiller leurs communications", a expliqué le directeur adjoint du FBI, Calvin Shivers, aux journalistes au siège d'Europol à La Haye.
"Plus de 100 menaces mortelles ont été déjouées", a ajouté Calvin Shivers.
Opération "Bouclier de Troie"
Baptisée "Bouclier de Troie", l'opération a permis aux enquêteurs de 16 pays d'observer des membres de la mafia, des syndicats criminels asiatiques ou encore des gangs de motards hors-la-loi échanger sur des ventes de stupéfiants, des activités de blanchiment d'argent ou même des projets d'assassinats. Selon le Premier ministre australien Scott Morrison, il a "infligé un coup dur au crime organisé, non seulement dans ce pays, mais qui aura un écho dans le monde entier".
Des médias australiens rapportent que plusieurs services de police auraient participé à la distribution de ces téléphones à des suspects connus, y compris à un Australien recherché pour trafic de drogue et en cavale en Turquie. En plus d'obtenir la capacité de décrypter des messages en temps réel, ils sont parvenus à encourager des malfaiteurs à recourir à des téléphones cryptés équipés d'AN0M.
Ces appareils ne permettaient pas de passer des appels, ni de consulter des e-mails et n'avaient pas de fonction GPS, mais permettaient juste d'envoyer des messages à d'autres téléphones AN0M. Ils ne pouvaient s'acheter que sur le marché noir et impliquaient d'avoir un code transmis par un autre utilisateur.
Des "influenceurs criminels"
"Un criminel devait connaître un autre criminel pour obtenir ce matériel", a expliqué la police australienne dans un communiqué. "Les appareils ont circulé et leur popularité a grandi parmi les criminels. Ils avaient confiance dans la légitimité de l'application, car de grandes figures du crime organisé se portaient garants de son intégrité".
"Ces 'influenceurs criminels' ont mis la police fédérale australienne dans la poche revolver de centaines de délinquants présumés", s'est félicité le chef de la police australienne Reece Kershaw dans le communiqué. "Au final, ils se sont passé les menottes les uns aux autres en adoptant et en faisant confiance à AN0M et en communiquant ouvertement avec, sans savoir que nous les écoutions tout le temps".
Centaines d'arrestations rien qu'en Australie
En Australie seule, cette opération, qui a duré trois ans, a permis d'inculper 224 personnes d'un total de plus de 500 chefs d'accusation, de fermer six laboratoires de fabrication de drogue, de saisir une grande quantité d'armes, ainsi que 45 millions de dollars australiens (31 millions de francs) en liquide.
"Des centaines de personnes ont été arrêtées hors d'Australie", a également ajouté la police australienne. La police néo-zélandaise a pour sa part annoncé l'interpellation de 35 personnes, notamment pour trafic de drogue et blanchiment d'argent.
afp/ther/vic
Autre infiltration en amont
Cette opération est la conséquence de l'infiltration préalable par le FBI de systèmes similaires de communications cryptées, "Phantom Secure" et "Sky Global". Elle avait permis aux policiers américains d'accéder aux communications de dizaines de milliers d'utilisateurs, y compris de grandes figures du crime organisé.
"La fermeture de ces deux plateformes de communications cryptées a créé un vide sur le marché", a expliqué la police néo-zélandaise. Pour combler ce vide, le FBI aurait alors opéré son propre système d'appareils cryptés, baptisé AN0M. Dans le même temps, des rumeurs sur la prétendue vulnérabilité d'un système concurrent baptisé "Ciphr" auraient été lancées.