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Interactions entre médicaments et aliments: gare au curcuma et au lait

Gros plan sur des médicaments avec un yahourt en fond. [Depositphotos - Elen_Heilin]
Interactions médicaments et aliments: gare au curcuma et au lait! / On en parle / 16 min. / le 2 février 2022
Des aliments parfois inattendus peuvent interagir avec les médicaments selon les prescriptions, comme le curcuma et le lait. Quels sont les risques? Le point avec Jules Desmeules, médecin chef du service de pharmacologie et toxicologie cliniques des HUG.

Pamplemousse, curcuma, orange, réglisse, chou, brocoli ou encore millepertuis: des aliments consommés au quotidien qui représentent pourtant un risque pour la santé s’ils sont consommés en même temps que certains médicaments.

"Nous devrions nous méfier de certaines interactions entre aliments et médicaments", explique Jules Desmeules, médecin en chef du service de pharmacologie et toxicologie cliniques des HUG, interrogé par la RTS. "L’interaction signifie qu'il y a une modification de l’effet des médicaments lorsqu’on ingère de la nourriture. Cette modification se traduit soit par un excès d’efficacité, soit par une toxicité, ou encore par une inefficacité du médicament en question."

Des aliments à éviter

Comment cette interaction a-t-elle lieu? "En ce qui concerne l’alimentation, il faut que les substances aient une interaction directe entre elles, physique ou chimique", précise le médecin. "Par exemple, tous les produits contenant du calcium, comme les produits laitiers, sont susceptibles d’interférer avec certains antibiotiques en les précipitant dans le tube digestif avant même qu’ils ne soient absorbés. Résultat: l’antibiotique est inefficace." Les antibiotiques classiques comme les tétracyclines, et les quinolones utilisés par exemple pour les infections urinaires, sont concernés. Il en va de même pour les hormones prises de manière artificielle comme les hormones thyroïdiennes.

Peut-on tout de même continuer à manger ce type d’aliments durant la prise de ces médicaments? Jules Desmeules est affirmatif: "Oui, mais il faut décaler la prise du médicament d’au moins deux heures pour éviter la rencontre des deux substances. Généralement, cela est explicité dans la notice d’emballage du médicament. Les pharmaciens et pharmaciennes sont également très informés, et les médecins devraient aussi prévenir les patientes et patients lors de la prescription de médicaments."

Du côté des fruits, les agrumes comme le pamplemousse, l’orange amère et le citron vert sont parfois à éviter. "Ils bloquent certains cytochromes, les enzymes nous permettant de mieux digérer et éliminer les médicaments." Idem avec le curcuma, qui a l’effet inverse en rendant les cytochromes trop efficaces. Jules Desmeules ajoute cependant que la littérature est contrastée à ce propos: "Les médicaments à marge thérapeutique étroite comme les anticoagulants, qui doivent être pris en quantités précises, sont concernés."

Les cas particuliers: brocoli, millepertuis et réglisse

Le brocoli et le millepertuis, conseillés lors d’états dépressifs, sont capables d’activer les cytochromes, qui risquent alors d'éliminer la pilule contraceptive. "C’est un cas particulier, car la durée de l’effet peut être très longue. Des grossesses surprises peuvent surgir", précise Jules Desmeules.

Quant à la réglisse, elle peut entraîner de l’hypertension artérielle en cas de grande consommation: "Lorsqu'on est face à un patient qui a une hypertension artérielle, on s’interroge souvent s’il n’a pas une consommation excessive de réglisse. Son effet mime celui de maladies faisant qu'on réabsorbe trop de sel et d’eau, ce qui peut provoquer des hypertensions artérielles."

Des boissons potentiellement néfastes

L’alcool est évidemment à déconseiller lorsqu'on prend des médicaments de manière générale. Un antibiotique en particulier, destiné à traiter les infections digestives, doit absolument être pris sans consommer d’alcool: le metronidazole, ou flagyl. Dans le cas contraire, les risques de chute et de montée de tension artérielle sont élevés.

Mieux vaut également se passer de thé et de café. "Le café est un excitant, et tout médicament qui excite va être accéléré par le café", précise le médecin. "Quant au thé vert, il peut lui aussi avoir des inductions enzymatiques. Si l’on est sous l'effet de certains anticoagulants, mieux vaut éviter le thé vert, suspecté d’interactions médicamenteuses."

Jules Desmeules se veut cependant rassurant, et rappelle que tout est affaire de doses: si les aliments ‘problématiques’ sont consommés en quantité raisonnable, les risques sont moindres.

Sujet radio et propos recueillis par Marie Tschumi

Adaptation web: ms

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