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Surveillance des banques: la recette suisse

Eugen Haltiner, Président de la FINMA
Eugen Haltiner, Président de la FINMA
Contrairement à d'autres pays, la Suisse fait confiance à des anciens de la banque et de la finance pour gouverner son autorité de surveillance des banques, la FINMA. Portrait de l'institution et comparaison internationale.

Sollicitée pour mettre fin aux bonus astronomiques des banquiers, pour mieux réguler les banques suite à la crise, désavouée par la justice dans l'affaire des noms de clients transmis aux autorités américaines, l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) a connu une première année mouvementée. Mais qui se cache derrière le gendarme des banquiers et financiers suisses? Contrairement à l'Allemagne par exemple, les autorités helvétique font essentiellement confiance à d'anciens employés des grandes entreprises du secteur pour jouer ce rôle.

Ainsi cinq des neuf membres du conseil d'administration - l'organe stratégique de l'institution, qui s'occupe notamment des affaires les plus importantes - ont travaillé dans des banques ou des services financiers de compagnie d'assurance (voir encadré).

L'exemple présidentiel

Exemple le plus marquant, Eugen Haltiner, le président lui-même, a notamment travaillé pendant 26 ans pour UBS, avant et après la fusion avec SBS. Jean-Pierre Ghelfi, ancien vice-président de la Commission fédérale des banques (l'ancêtre de la FINMA), conçoit que cela puisse «poser des questions en terme de conflit d'intérêt». Mais «toute la difficulté provient du fait qu'il faut des personnes extrêmement qualifiée dans le secteur ; il peut s'agir de professeurs d'université mais il faut aussi des gens qui ont de la pratique, que l'on va naturellement chercher dans les banques. Il faut trouver un équilibre entre théoriciens et praticiens», confie-t-il à tsrinfo.ch.

Directeurs issus du privé

Du côté de la direction, qui assure la surveillance et gère les affaires courantes, Mark Branson, après un long parcours dans la finance, a travaillé depuis 2006 pour UBS avant de devenir, le 1er janvier 2010, directeur de la division "Banque" de la FINMA.

Au sein de la direction élargie, outre Mark Branson, 5 des 6 membres qui gèrent les dossiers bancaires ont travaillé à un moment ou à un autre dans des entreprises privées actives dans les domaines bancaires ou financiers. Kurt Bucher, par exemple, chargé de la surveillance des banques et des gérants de fortune, fut employé par SBS et Crédit Suisse, tandis que David Wyss, chargé de veiller à la bonne application des normes et de mettre fin aux infractions, a travaillé pour UBS et l'Association suisse des banquiers.

Des pouvoirs limités

Les pouvoirs de la FINMA sont limités. Sur le dossier des bonus et rémunérations qui revient sur le tapis, Jean-Pierre Ghelfi rappelle que «la FINMA n'a pas le pouvoir de fixer les rémunérations, seulement de fixer des principes à moyen terme.»

Ce rapport de force, selon l'économiste Charles Wyplosz, est autant une question de légitimité qu'une question de droit. «La FINMA, sous-calibrée pour faire face au deux géants bancaires que sont Credit Suisse et UBS et manque donc d'autorité morale et technique. Il faut des gens de grandes expériences qui ne se laissent pas intimider», explique-t-il.

Le professeur d'économie voit donc d'un bon œil que d'anciens employés de grands instituts financiers passent à la FINMA. Deux conditions à cela : «Il est impératif qu'il y ait un équilibre entre banquiers, juristes, économistes dans l'institution et que les anciens banquiers aient changé d'allégeance.» Autrement dit: qu'ils roulent désormais pour la surveillance et plus pour les entreprises.

Pratiques différentes à l'étranger

D'autres États évitent tout risque en terme d'allégeances multiples puisqu'ils confient la surveillance des banques à des dirigeants ne venant pas du sérail de la finance. Ainsi, en Allemagne, ni Jochen Sanio, le président de la Bafin (gendarme allemand des banques), ni aucun membre de la direction n'a exercé dans des entreprises actives dans le secteur durant sa carrière.

En France, les membres de la direction de l'Autorité de Contrôle Prudentiel sont pour la plupart issus de la finance privée mais le président Claude Noyer a fait toute sa carrière au service de l'État. Idem en ce qui concerne Jean Guill, directeur général de la Commission du secteur financier luxembourgeois. Pour l'expert Jean-Pierre Ghelfi, cela n'a pas empêché la Suisse de «se sortir au moins aussi bien que les autres de la crise.» Reste qu'ailleurs, cette crise a remis en cause le poids des financiers et banquiers dans les questions économiques.

Tybalt Félix

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Le Conseil d'administration de la FINMA en un coup d'oeil

Les 5 membres du Conseil d'administration qui ont travaillé dans des entreprises privées :

Président : Eugen Haltiner. Ancien employé d'UBS pendant 33 ans

Vice-présidente : Monica Mächler. Ancienne employée de la compagnie Zurich puis membre de la direction de Zurich Financial Services

Paul Müller. Ancien employé de la Bâloise et d'Helvetia

Charles Pictet. Ancien associé de la Banque Pictet & Cie pendant 36 ans.

Bruno Porro. Ancien employé de la Compagnie Suisse de Réassurances pendant 27 ans

Les 4 autres membres :

Vice-président : Daniel Zuberbühler, juriste et économiste

Anne Héritier Lachat, Docteur en droit

Sabine Kilgus, juriste

Jean-Baptiste Zufferey, juriste