Des phtalates interdits en Suisse retrouvés dans 15% des produits des commerces jurassiens
Trois ans après l’étude du laboratoire cantonal de Bâle-Ville, menée dans plusieurs cantons, qui avait sonné l’alarme concernant la présence de phtalates dans les produits en plastique souple vendus dans le commerce, la situation n’a pas beaucoup changé. C’est ce que semblent révéler de nouvelles analyses menées dans le canton du Jura, qui n’avait pas été inclus dans l’étude de 2021.
Le laboratoire cantonal de Bâle-Ville, en collaboration avec l’Office de l’environnement, a une nouvelle fois analysé les concentrations de phtalates dans les produits en plastique souple vendus dans plusieurs commerces du canton. Sur les 75 produits sélectionnés aléatoirement – tongs, matériaux d’emballage, tapis de bain, trousses de maquillage ou encore cadenas de vélos –, 11 contenaient des concentrations en phtalates interdites supérieures à ce qu’autorise la législation suisse. Ces produits ont depuis été retirés de la vente.
En effet, depuis juillet 2020, les objets contenant un ou plusieurs des phtalates interdits (phtalate de bis(2-éthylhexyle) (DEHP), phtalate de dibutyle (DBP), phtalate de diisobutyle (DIBP)) à une concentration de 0,1% ou plus ne peuvent plus être mis sur le marché.
Des substances volatiles et dangereuses
Stéphanie Lazzara, collaboratrice scientifique à l’Office de l’environnement du canton du Jura, rappelle dans l’émission On en parle ce que sont les phtalates: "Ces substances se trouvent dans les plastiques pour leur apporter de la souplesse et/ou de l’élasticité. Les quatre phtalates interdites en Suisse sont toxiques pour la reproduction. Ils nuisent à la fertilité et au futur enfant à naître. Ils peuvent également altérer le système hormonal. […] Lors de la fabrication des objets, les phtalates sont ajoutés aux matières plastiques sans liaison chimique, simplement en étant dissous. Les phtalates migrent ensuite sur le produit et sa surface. En cas de contact avec la peau, il y a un transfert direct. De plus, si l’on pose l’objet sur un bureau par exemple, il y aura une émission de ces phtalates dans l’air. L’exposition quotidienne et répétée aux phtalates est donc problématique."
Aujourd’hui, la situation ne s’est pas améliorée, bien au contraire. "D’après la campagne effectuée par le canton de Bâle-Ville il y a deux ans, le taux d’objets contenant des phtalates est supérieur aujourd’hui, précise Stéphanie Lazzara. C’est regrettable, car la législation est entrée en vigueur depuis deux ou trois ans. Les fabricants et les importateurs sont pourtant tenus de mettre sur le marché des produits qui ne mettent pas la santé des consommateurs et consommatrices en danger. C’est ce qu’on appelle le devoir d’autocontrôle."
Des labels ‘sans phtalates’ peu sûrs
Dans le commerce, il existe des produits étiquetés 'sans phtalates'. Ce label est-il digne de confiance? "Lors de la campagne, nous avons rencontré des logos ‘sans phtalates’ différents les uns des autres. Nous nous sommes renseignés, et il n’y a pas d’organe officiel qui délivre ces logos. Ils sont donc apposés librement par les fabricants. Nous n’avons pas testé de produits avec ces logos", explique la chercheuse.
Y a-t-il un moyen d’éviter d’acheter des produits contenant des phtalates? "Selon l’analyse des produits que nous avons testés au hasard, rien ne permet d’indiquer si un objet contient des phtalates ou non – que ce soit la couleur ou l’odeur. Cependant, si le temps le permet, il est possible de demander cette information au magasin, qui a légalement 45 jours pour répondre", conclut Stéphanie Lazzara.
Sujet radio: Frédérique Volery
Adaptation web: Myriam Semaani