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Le procureur Daniel Zappelli sera rappelé à l’ordre

Daniel Zappelli, le procureur genevois, le 19 mai 2010
Daniel Zappelli, procureur général genevois, sera admonesté, voire averti par ses pairs
Daniel Zappelli est l’objet d’une procédure disciplinaire devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) dans le cadre d’une affaire de blanchiment liée à l’Angola. Le plus haut magistrat du canton sera rappelé à l'ordre par ses pairs pour avoir entravé l’enquête.

Selon une information de la TSR,  le CSM, composé de 11 magistrats et avocats, s’apprête à trancher entre deux options : soit sanctionner le procureur général Daniel Zappelli, sous la forme d’un avertissement, soit lui adresser une simple admonestation.

Une note compromettante

Fin mars 2009, au cours d’une perquisition, le juge d’instruction Yves Aeschlimann, qui enquête sur un vaste réseau de détournement de fonds au bénéfice du président angolais et d’un de ses ministres, tombe sur une étrange note dans les bureaux genevois d’un financier français. Son contenu était révélé par Le Temps du 6 octobre 2009: "Le procureur général est hostile à cette poursuite et il est prêt à se saisir d’un élément qui lui permettrait d’intervenir."

La note, formellement attribuée à un avocat français, précise qu'il faut que "cet élément lui parvienne rapidement avant qu’on s’enfonce dans des détails et des révélations et qu’il n’ose plus intervenir, ne soit plus en mesure de le faire en conséquence de ce qui aurait été découvert".

Tentative d’empêcher l’instruction genevoise

Cette note est alors remise au Conseil supérieur de la magistrature. L’organe disciplinaire n’a pu entendre l’auteur de la note,  formellement attribuée à un avocat français. Une sous-commission du CSM s’est par contre penchée sur le comportement général du procureur Zappelli et son empressement à se débarrasser de ce dossier.

Le magistrat a notamment tenté de dessaisir la justice genevoise de l’enquête (voir encadré). À l’arrivée, les faits devraient valoir au procureur général un rappel à l’ordre du CSM, qui pourrait être rendu public mi-juillet.

Agathe Duparc

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Chronologie des faits

- Fin 2008. En perquisitionnant les bureaux du banquier François Rouge, sur demande de la justice française dans le cadre d’une affaire de banditisme, le juge d’instruction genevois Yves Aeschlimann découvre un réseau de détournement de fonds au profit du président angolais José Eduardo Dos Santos et de l’un de ses ministres.
Alors que le procureur général Daniel Zappelli est absent de Genève, le procureur Claudio Mascotto ouvre une procédure sur cette affaire de détournement de fonds.

- Fin mars 2009, le juge Yves Aeschlimann découvre la note manuscrite, non signée et non datée, qui pointe la "passivité" du procureur général à l’égard du réseau de détournement.

- Le 6 juillet 2009, Daniel Zappelli écrit au Ministère public de la confédération (MPC) pour que l’enquête, pourtant très avancée à Genève, soit transférée à Berne. Le MPC accepte cette requête.

- Novembre 2009, la Chambre d’accusation genevoise estime qu’un transfert tardif de l’enquête à Berne contreviendrait au principe de célérité et d’efficacité de la procédure.

- Mi-février, le Tribunal pénal fédéral (TPF) de Bellinzone désavoue Daniel Zappelli en reconnaissant la compétence de la justice genevoise.

- À ce jour, un recours est pendant devant le Tribunal fédéral.

Plusieurs dossiers sensibles à la trappe

Au Palais de justice, plusieurs magistrats affiment, sous couvert d’anonymat, que Daniel Zappelli a depuis, le début de son mandat en 2002, classé de manière intempestive plusieurs dossiers sensibles.

- Décembre 2004: classement d’une partie de la procédure "Angolagate 1" qui porte sur de vastes détournements de fonds dans le cadre de la restructuration de la dette angolaise envers la Russie, et implique Pierre Falcone et Arcady Gaydamak, tous deux condamnés à Paris.

- Août 2008: Classement de la procédure dirigée contre Benazir Buttho, Ali Asif Zardari et Jens Schlegenmilch

Trois ONG - l'Action Place financière suisse, la Déclaration de Berne et Global Witness - ont à plusieurs reprises dénoncé, "l'inertie" du Procureur général Daniel Zappelli (voir lien ci-contre).

Réélu le 20 avril 2008 pour un second mandat de six ans, le procureur général de Genève se retrouvera en janvier 2010 à la tête d’un super Ministère public qui devrait notamment absorber les 17 juges d’instruction.