Roman Polanski est libre depuis midi. Il peut voyager où il veut, a annoncé Eveline Widmer-Schlumpf. Le bracelet électronique, que portait Roman Polanski depuis le 4 décembre, date de son assignation à résidence à Gstaad, lui a été enlevé lundi à 12H00, a précisé la ministre.
Le cinéaste aurait depuis quitté son chalet, selon une employée du cinéaste. "Il n'est plus là. Je peux vous assurer que M. Polanski n'est plus dans son chalet", a-t-elle répété plusieurs fois en restant sur le pas de porte de la maison située à la sortie de Gstaad et qui était assiégée lundi après-midi par une trentaine de journalistes, photographes et cameramen.
L'employée de Roman Polanski a toutefois refusé d'indiquer à quelle heure le cinéaste était sorti du chalet. Une voiture est sortie du garage vers 14H30, sans toutefois que l'on puisse distinguer, en raison des vitres arrière teintées, si des passagers étaient installés à l'arrière.
Un vice de procédure?
L'Office fédéral de la justice (OFJ) a demandé le 3 mars 2010 aux autorités américaines de lui faire parvenir, à titre de complément à la demande, le procès-verbal d'une audition du procureur Roger Gunson, alors chargé du dossier, menée le 26 janvier 2010.
Ce document devait permettre de confirmer que le juge avait bien assuré aux représentants des parties, lors d'une séance le 19 septembre 1977, que les 42 jours que Roman Polanski avait passés dans la division psychiatrique d'une prison californienne couvraient la totalité de la peine d'emprisonnement qu'il devait exécuter. Si ces faits sont avérés, la demande d'extradition est dénuée de fondement.
Mais le 13 juin 2010, le Département américain de la justice a refusé de donner suite à la demande de l'OFJ. Il se fondait sur une ordonnance du tribunal concluant à la confidentialité de ce procès- verbal.
"Dans ces conditions, on ne saurait exclure avec toute la certitude voulue que Roman Polanski ait déjà exécuté la peine prononcée autrefois à son encontre et que la demande d'extradition souffre d'un vice grave", a indiqué Eveline Widmer Schlumpf. Vu ces incertitudes, la demande d'extradition doit être rejetée.
"Les Etats-Unis ne peuvent pas faire appel de la décision de la Suisse", a-t-elle ajouté. Le cinéaste peut en principe présenter une demande de dédommagement, mais la ministre doute qu'il fasse usage de cette possibilité car il a lui-même allongé la procédure en multipliant les recours.
Principe de la bonne foi
En repoussant au final la demande d'extradition américaine la Suisse n'a subi aucune pression, que ce soit du côté des Etats-Unis ou de celui de la France ou de la Pologne, a déclaré la ministre de la justice. Reste qu'on ne peut pas toujours séparer politique et juridique, a-t-elle noté. "Il faut trouver une solution juridique qui soit politiquement irréprochable".
La conseillère fédérale a aussi avancé le principe de protection de la bonne foi. Tout le monde savait que Roman Polanski séjournait régulièrement en Suisse depuis l'achat de son chalet à Gstaad (BE) en 2006. Des années se sont écoulées sans que Washington ne demande de l'extrader. Et jamais, avant septembre 2009, la Suisse n'a effectué de contrôle après l'inscription du cinéaste dans le registre suisse des signalements de personnes. Le cinéaste ne se serait certainement pas rendu au Festival du film de Zurich s'il craignait que ce voyage ait des conséquences juridiques, a fait valoir l'OFJ.
Pas d'erreur et pas d'indemnisation
Pour la ministre de la justice, il n'est toutefois pas question de parler d'une erreur de la Suisse en septembre. Tout au plus cette affaire aura provoqué un changement dans la procédure: désormais les décisions concernant les extraditions reviennent à la direction de l'OFJ, voire à Eveline Widmer-Schlumpf.
La Suisse n'estime pas non plus devoir indemniser Roman Polanski pour la longueur de la procédure. Cette dernière s'explique par la volonté des avocats du cinéaste d'épuiser leurs recours juridiques aux Etats-Unis en demandant un jugement pas contumace de leur client, a justifié la ministre.
Et d'affirmer aussi que la décision était indépendante de la personne concernée. "Nous aurions tranché dans le même sens s'il s'agissait de Monsieur Tout-le-monde". La conseillère fédérale a également tenu à souligner qu'il en allait uniquement des aspects juridiques de la procédure d'extradition. Berne ne dit pas si Roman Polanski "est coupable ou non coupable".
agences/os
Roman Polanski adresse un "immense merci"
Le cinéaste franco-polonais Roman Polanski a dit lundi soir un "immense merci" à tous ceux qui l'ont soutenu. Il a ajouté qu'il ne s'exprimerait pas publiquement après la décision de la justice suisse de ne pas l'extrader vers les Etats-Unis, dans une déclaration transmise à l'AFP par son avocat Hervé Temime.
"Je veux seulement remercier du fond du coeur tous ceux qui m'ont soutenu et leur faire part aujourd'hui de ma grande satisfaction. A tous un immense merci", a-t-il souligné. Interrogé par l'AFP, Me Temime a refusé de donner des indications sur l'endroit où se trouvait le réalisateur du "Pianiste". Dans la soirée, des photographes et journalistes de télévision l'attendaient devant sa résidence à Paris.
Les Etats-Unis expriment leur "déception"
Les Etats-Unis ont précisé qu'ils continueraient à chercher à ce que "justice" soit faite dans cette affaire. "Nous sommes déçus", a déclaré à la presse le porte-parole du département d'Etat Philip Crowley. "Le viol d'une fille de 13 ans par un adulte (...) est un crime", a-t-il ajouté. "Nous continuerons à chercher justice dans cette affaire et nous allons étudier nos possibilités".