L’ancien brigadier Hans-Peter Wüthrich est au bénéfice d’un "congé de préretraite" depuis fin 2009. Il touche donc l’entier de son salaire, comme le prévoit l'ordonnance sur le personnel de la Confédération. Cela représente environ 200'000 francs par an. Or, au mois d’avril, ce collaborateur est également devenu consultant pour l’armée suisse, dépendant du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS).
Les services d’André Blattmann ont en effet signé avec lui un contrat pour la somme de mille francs par jour, avec un plafond à 45'000 francs. L’armée paie donc le brigadier à double. Une fois en tant qu’employé et une fois en tant que consultant.
Payé à double
Le gradé crée sa société de conseil et l’inscrit au registre du commerce en novembre 2009. A cette période, il fait également ses adieux officiels à ses camarades et critique même, dans la Thurgauer Zeitung, le manque de moyens de l’armée. Quelques mois plus tard, celle-ci devient l’un des premiers clients de "Hans Peter Wüthrich Education GmbH". Le DDPS lui demande d’effectuer du lobbying pour accompagner les réflexions sur l’avenir de l’institution.
Problème: elle le paie encore comme salarié au bénéfice d’un congé. Le brigadier n’entrera en effet en préretraite - à distinguer du "congé de préretraite" - qu'à la fin de l'année, lorsqu'il atteindra ses 61 ans.
Contacté par la TSR, le porte-parole de l’armée reconnaît les faits. Il admet qu'en principe "il convient d’éviter de confier un mandat à une personne en congé de préretraite". Mais, pour lui, les compétences, les contacts et surtout la disponibilité d’Hans-Peter Wüthrich expliquent qu'il ait été mandaté. "Car le rapport (auquel il contribue) doit être bouclé dans un laps de temps très court".
Un précédant problématique
Ces nouvelles révélations sont troublantes. Car elles suivent de peu la mise au jour par la TSR d'une autre affaire. Pendant plus d'un an, un consultant, ancien camarade d’armée d’André Blattmann, a bénéficié d'un mandat de conseil en informatique pour plus de 700’000 francs alors que, selon les normes de l'Organisation mondiale du commerce, une mise au concours est nécessaire pour un mandat atteignant une telle somme.
Le DDPS a mis fin à ce mandat le 30 juin. Mais jusqu'alors, ni André Blattmann, le chef de l'armée, ni Ueli Maurer, conseiller fédéral en charge du département, n'ont jugé le cas problématique alors qu'ils étaient au courant. Pour Ueli Maurer, cette "exception" était nécessaire. Le ministre UDC a défendu le comportement d'André Blattmann par le fait que "toute autre décision aurait été beaucoup plus chère" et par la nécessité de trouver une solution rapide aux dysfonctionnements du système informatique de l'armée.
Pierre Gobet avec gh