Après dix mois de discussion, le gouvernement a fini par approuver la proposition lancée l'an dernier par le ministre de la défense. Une "décision pragmatique", selon le principal intéressé. Pour la forme, Ueli Maurer a affirmé devant la presse regretter de ne pas pouvoir acheter de nouveaux avions.
La décision sur le remplacement des avions a fait couler beaucoup d'encre dans les médias ces derniers mois. Ueli Maurer n'a cessé de souffler le chaud et le froid sur ses intentions. L'automne dernier, il avait annoncé sa volonté de repousser cet achat, faute de moyens suffisants. Le gouvernement a plusieurs fois ajourné sa décision.
Entre 3,5 et 4,8 milliards
Les moyens financiers font défaut, a rappelé Ueli Maurer. L'acquisition de 22 engins aurait coûté entre 3,5 et 4,8 milliards de francs. Pendant huit ans, il aurait fallu bloquer tous les autres achats pour dégager un tel montant, ce qui aurait été "irresponsable", de l'avis du ministre qui rappelé que la priorité allait à l'élimination des "énormes" lacunes constatées dans la logistique.
Il n'est en outre pas possible de compter sur des crédits supplémentaires en raison de la situation financière de la Confédération. L'idée d'un achat par étapes a été écartée. Cela coûterait 30% plus cher, avec en plus le risque de voir la technologie évoluer plus vite que le rythme des commandes, a expliqué Ueli Maurer.
Plusieurs années
Sur le fond, le gouvernement tient encore à remplacer les 54 Tiger. Mais sa décision ne sera pas prise avant plusieurs années. Et "sûrement pas l'année prochaine". Les services de Hans-Rudolf Merz et d'Ueli Maurer vont examiner d'ici la fin de la législature quand et combien la Confédération pourra dépenser.
A la question de savoir où trouver l'argent, le ministre de la défense n'a pas voulu donner de réponse définitive. Et de souligner qu'il s'agissait en premier lieu de savoir quelles sommes le politique souhaite verser pour la sécurité et quelles priorités il pose. Le rapport sur l'armée que le Conseil fédéral adoptera prochainement devrait permettre de clarifier le débat.
Fin de l'appel d'offre
Le gouvernement va devoir mettre fin à l'appel d'offres auquel ont répondu le consortium européen EADS avec l'Eurofighter, le Suédois Saab avec le Gripen et le Français Dassault avec le Rafale. Les dommages devraient être limités - l'opération a coûté quatre millions jusqu'ici -, a précisé Ueli Maurer.
Côté sécurité aérienne, les 33 F/A 18 suffisent à assurer les missions de police. Pas de problème donc pour la tenue de conférence internationales.
La partie deviendrait plus compliquée dans les engagements nécessitant une "capacité à durer", à savoir une surveillance de l'espace aérien sur plusieurs semaines ou mois comme lors des guerres en Irak ou dans les Balkans.
No comment des avionneurs
Les avionneurs concernés ont été avares en commentaires. Le groupe d'aéronautique et d'armement Ruag, bénéficiaire de contrats pour l'entretien des avions de combat, déclare être en mesure d'assurer le fonctionnement de la flotte de Tiger et des F/A-18 pour les années à venir.
Le Suédois Saab dit respecter la décision du gouvernement suisse et maintenir son offre. Dassault Aviation n'entend pas commenter la décision du Conseil fédéral tandis qu'EADS n'avait toujours pas fait connaître sa prise de position en fin de journée.
ats/sbo
Des réactions contrastées
La décision du Conseil fédéral d'ajourner l'acquisition de nouveaux avions de combat suscite des réactions contrastées. Alors que les partis bourgeois regrettent ce choix, le Parti socialiste (PS) et le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) s'en réjouissent.
Pour l'UDC, la décision du gouvernement est regrettable mais compréhensible. "C'est le résultat de décisions erronées et d'une politique d'achat fausse de la part du DDPS durant les dix dernières années", écrit le parti sur son site Internet. Aujourd'hui, les moyens pour une sécurité aérienne adéquate du pays manquent, estime-t-il. Le parti dédouane cependant Ueli Maurer de toute faute, estimant que le départ du chef de l'armement Jakob Baumann, coresponsable de cette situation, est parfaitement normal.
Le PDC estime qu'il s'agit d'une mauvaise décision tant du point de vue politico-économique que sécuritaire. Toujours reporter les décisions dénote d'une absence de vision. La décision du gouvernement est en outre "un exemple parfait de la marge de manoeuvre d'un ministre dont le parti pousse ouvertement et sans cesse dans le sens de l'opposition", a déclaré à l'ATS Marianne Binder, porte-parole des démocrates-chrétiens.
Le PS se félicite de ce coup d'arrêt. "Nous avons toujours combattu cet achat, à l'heure où la Confédération met en place des programmes d'économies et des coupes dans l'assurance chômage ou dans les lignes de transports publics régionales", a dit Jean-Yves Gentil, porte-parole du parti. Et le PS sera d'autant plus soulagé quand cette décision sera définitive, car le parti est convaincu que la Suisse n'a pas besoin de ces appareils.
"C'est une victoire d'étape", s'est réjoui Frédéric Durand, secrétaire romand du GSsA". "C'est une preuve que notre initiative, qui demande un moratoire de dix ans, tombait juste, car il n'y a pas d'urgence à acquérir ces avions pour la sécurité de la Suisse".