Sorties CD: le retour manqué Skunk Anansie

Groupe emblématique des années 90, Skunk Anansie n'échappe pas au syndrome de la reformation. Neuf ans après s'être quittés pour privilégier des carrières solo, les quatre Britanniques ont repris les armes pour donner naissance à leur 4e album, "Wonderlustre".

Toujours emmené par Skin, la chanteuse au crâne reluisant, Skunk Anansie s'engage sur une pente glissante, celle du renouveau. Une pente casse-gueule. A écouter les 12 titres ultra calibrés (entre deux minutes et demie et quatre minutes), "Skunk Anansie" semble ignorer ce que le rock a généré en 10 ans et se retrouve largué avec des morceaux trop convenus pour surprendre.

L'innovation au point zéro

Après le nerveux et bien envoyé "God Loves Only You", premier titre prometteur, les Britanniques livrent une soupe insipide,  une musique stéréotypée dont les accords de guitare se comptent sur les doigts d'une main. Et quand le groupe ne navigue pas entre Bon Jovi et U2, il ose de rares digressions qui passent par des chemins déjà empruntés par Gossip, Killers, Anouk et j'en passe.

Du déjà vu, donc. Dans une interview promo,  Skin déclare avoir voulu "prendre des risques, se montrer original". Nos oreilles ont franchement du mal à y croire à l'écoute de ce pauvre "Wonderlustre".

Gonzales fais son cinéma

Musicien polyvalent s'il en est, Chilly Gonzales, alias Jason Charles Beck, n'est jamais rassasié de nouvelles aventures. Après avoir multiplié les casquettes dans le monde de la musique, (MC, producteur et recordman du concert le plus long de l'histoire avec plus de 27h au compteur de son piano, etc.), le Canadien s'attaque désormais au cinéma.

L'artiste a en effet co-écrit et produit "Ivory Tower", belle surprise du dernier festival de Locarno. Non content de s'être taillé un rôle à sa mesure dans ce long métrage réalisé par Adam Traynor, Gonzales en a écrit la bande originale avec Boys Noize.

Pop, électro, piano: une musique hybride

"Ivory Tower", du film éponyme, emmène l'auditeur dans le monde rival de 2 frères joueurs d'échec au moyen d'une musique pop qui semble destinée à un lounge bar. Une musique qui recèle des bribes de hip hop et un emballage électro arrangé par le Berlinois Boys Noize.

Car oui, Gonzales s'est mis au rap, ou plutôt au slam, sur "I'm Europe" et "The Grudge", pièce maîtresse de l'album rythmée, comme tous les autres mor- ceaux d'ailleurs, par le piano, ins- trument favori du Montréalais. L'oeuvre, ingénieuse et cohérente, fait sens indépendamment de son pendant fil- mique. Une belle réussite.

Syd Matters, petit bijou hexagonal

Un songwriting impeccable, des arrangements d'orfèvre, un chanteur d'exception. Cumulant ces qualités depuis ses premiers pas avec le déjà très poignant "A Whisper And A Sigh", Syd Matters remet le couvert avec "Brotherocean".

Le quintet emmené par Jonathan Morali, qui avoue s'inspirer davantage de la littérature que du monde musical, offre en effet un nouveau bijou d'écriture folk, une échappée dans un monde fra- gile et harmonieux à la fois. Pour les jours d'automne à venir, Syd Matters offre le compagnon idéal d'une balade en forêt. Ou comment vivre dans une apaisante mélancolie...

Patrick Suhner