"Ce soir, je suis en mesure d'annoncer aux Américains et au monde que les Etats-Unis ont mené une opération qui a tué Oussama Ben Laden (lire: Portrait), le dirigeant d'Al-Qaïda, un terroriste responsable du meurtre de milliers d'innocents", a déclaré Barack Obama lors d'une allocution solennelle à la Maison Blanche.
Ben Laden, né en 1957 à une date non précisée, a été tué à Abbottabad, une ville située à environ 80 kilomètres au nord de la capitale pakistanaise Islamabad, dans une résidence où il se cachait. Quatre autres personnes ont été tuées dans l'opération.
Un complexe bien protégé
Aucun Américain n'a été blessé dans l'opération, a indiqué Barack Obama. Selon le récit d'un responsable américain, les services de renseignement ont localisé en août 2010 le "complexe à Abbottabad", dans un quartier peuplé de militaires à la retraite, où se cachait Ben Laden.
La résidence occupe un terrain "huit fois plus grand que les autres maisons du quartier", dispose de mesures de sécurité "extraordinaires" avec des murs hauts de 5,5 mètres, des barbelés et un accès possible par "deux portails sécurisés". Ben Laden y vivait sans internet ni téléphone.
Le président américain a autorisé l'opération vendredi. L'opération commando au cours de laquelle Oussama Ben Laden a été tué a été menée en quarante minutes par des forces spéciales de la Marine américaine (Navy Seals), qui ont abattu le chef d'Al-Qaïda d'une balle dans la tête. Le commando était "prêt" à le capturer vivant s'il avait accepté de se rendre, a affirmé lundi un responsable américain sous le couvert de l'anonymat.
Le corps immergé
Lors du raid, un des fils de Ben Laden, deux messagers et une femme ont également été tués. La dépouille de Ben Laden a été immergée en mer dans un lieu non précisé, notamment pour éviter qu'une éventuelle tombe devienne un lieu de pèlerinage. La cérémonie funéraire s'est déroulée sur un porte-avions américain.
Un responsable américain a assuré que tout avait été fait pour respecter "la tradition musulmane", mais un responsable d'al-Azhar, la plus haute institution de l'islam sunnite, a souligné lundi que l'islam est "totalement contre" l'immersion en mer.
Les avertissements sur de possibles représailles se sont multipliées, et plusieurs pays ont pris des mesures pour renforcer la sécurité d'installations ou d'ambassades (lire Le chef est mort, mais Al-Qaïda survivra).
Les tests ADN ont confirmé à 99,9% qu'Oussama Ben Laden est bien mort, ont annoncé lundi deux responsables de la présidence américaine. Ils n'ont pas précisé où et comment les tests ont été réalisés.
Prudence
A l'approche du 10e anniversaire des pires attentats de l'histoire américaine, "justice est faite", a affirmé Barack Obama, tout en prévenant ses compatriotes que la nébuleuse continuerait à essayer de s'en prendre aux Etats-Unis malgré la mort de son chef.
Le département d'Etat a d'ailleurs immédiatement appelé les ressortissants américains à la prudence à l'étranger. Barack Obama a rendu hommage à l'aide du Pakistan et indiqué avoir appelé son homologue Asif Ali Zardari. Il s'agit d'un moment "historique" pour les deux pays, a-t-il dit. (lire l'encadré sur les réactions internationales dans Mort de Ben Laden).
Washington semble avoir fait cavalier seul lors de cette opération. Les Américains n'ont pas prévenu les autorités pakistanaises de l'opération et justifient la violation de la souveraineté pakistanaise par "l'obligation légale et morale d'agir", selon un haut responsable de l'administration Obama. Les autorités pakistanaises ont confirmé ensuite qu'Oussama ben Laden avait été tué au cours d'une opération menée "directement" par les forces américaines sur son sol.
Dix ans de traque
En dépit de l'invasion de l'Afghanistan fin 2001 et du renversement du régime des talibans qui abritait la direction d'Al-Qaïda, Ben Laden, dont la tête était mise à prix pour 25 millions de dollars, avait jusqu'ici échappé à la capture et même aux tentatives de localisation, en particulier dans les zones frontalières entre l'Afghanistan et le Pakistan où il était réputé avoir trouvé refuge.
Alors que des spéculations se faisaient jour sur la survie même de ce Saoudien privé de sa nationalité par Ryad, des messages audio lui étant attribués avaient été régulièrement diffusés, dans lesquels il continuait à s'en prendre aux Occidentaux.
Les Etats-Unis maintiennent encore aujourd'hui 130'000 soldats en Afghanistan pour combattre l'insurrection qui s'y poursuit, et mènent des opérations clandestines au Pakistan, notamment des frappes de drones.
Très vite dimanche soir, alors que la nouvelle se répandait comme une traînée de poudre aux Etats-Unis et dans le monde, via notamment les réseaux sociaux sur internet, des centaines, puis des milliers de personnes se sont rassemblées à New York et à washington dans une ambiance de fête.
Lors de son intervention dimanche soir, Barack Obama a révélé avoir été mis au courant par son équipe de renseignement en août dernier de la possibilité d'une piste menant à Ben Laden. "Il a fallu plusieurs mois pour remonter ce fil. J'ai rencontré mon équipe de sécurité nationale à de nombreuses reprises pour développer davantage de renseignements relatifs à une localisation de Ben Laden dans un complexe de bâtiments en plein coeur du Pakistan", a ajouté Barack Obama.
"Et finalement, la semaine dernière, j'ai déterminé que nous avions suffisamment de renseignements pour agir, et ai autorisé une opération destinée à capturer Oussama Ben Laden et à le présenter devant la justice", a encore dit le président américain.
"Aujourd'hui (dimanche), les Etats-Unis ont lancé une opération ciblée contre ce complexe au Pakistan. Une petite équipe d'Américains l'a menée avec un courage et une habileté extraordinaires", a indiqué Barack Obama. "Après un échange de coups de feu, ils ont tué Oussama Ben Laden et ont récupéré son corps", a dit le président américain.
agences/lan
LE TWEET QUI A FAIT LA GLOIRE D'UN PAKISTANAIS
Un consultant en informatique d'Abbottabad au Pakistan est devenu sans le vouloir une star d'internet lundi, après avoir à son insu relaté en direct sur Twitter le raid américain qui a tué Oussama Ben Laden.
Sohaid Athar, qui twitte sous le nom de "ReallyVirtual", a commencé par envoyer des messages rédigés sur le ton de la plaisanterie pour se plaindre des nuisances sonores provoquées par un bruit d'hélicoptères inhabituellement matinal.
"Va-t-en hélicoptère avant que je ne sorte ma tapette géante", a-t-il twitté avant toute une série de messages décrivant en temps réel le souffle d'une puissante explosion, le crash d'un hélicoptère, l'agonie d'une famille, le bouclage du quartier et les militaires perquisitionnant chaque maison.
Direct sur le raid
Ce n'est qu'après qu'il a fait le lien entre ce remue-ménage dans son quartier et l'annonce par le président américain Barack Obama de la mort de Ben Laden dans un raid militaire ciblé contre une villa d'Abbottabad. "Oups, maintenant je suis le type qui a blogué en direct sur le raid contre Oussama sans le savoir", a-t-il lancé.
Le consultant pakistanais, dont les messages ont été soigneusement relayés par d'autres usagers de Twitter, a été ensuite assailli de courriels et de demandes d'interview par les médias. Le nombre de personnes inscrites pour suivre les messages qu'il envoie sur son compte a explosé à plus de 15'000.
"Les gens ici n'utilisent pas Twitter parce qu'ils ne se rendent pas compte de l'attention que cela peut recevoir", a commenté Athar, qui se décrit lui-même comme un simple utilisateur sans signe particulier, sauf d'avoir été réveillé quand le raid a été déclenché.
Le cliché du cadavre de Ben Laden était un faux
La photo représentant le visage tuméfié d'un homme présenté comme étant Oussama Ben Laden, diffusée lundi par les télévisions pakistanaises et reprise dans le monde entier, était un faux, ont admis les médias pakistanais qui l'ont retirée de l'antenne.
Plusieurs chaînes privées avaient affiché la photo en précisant cependant qu'elles ne pouvaient certifier qu'il s'agissait du chef d'Al-Qaïda. "C'était en fait une fausse photo, elle avait déjà circulé sur internet en 2009", a expliqué à l'AFP Rana Jawad, le chef du bureau d'Islamabad de Geo TV, la chaîne la plus populaire du Pakistan.
"Nous avions indiqué en la diffusant qu'elle ne pouvait pour l'heure être authentifiée, nous avons pu ensuite vérifier et nous l'avons retirée de l'antenne", a-t-il conclu. Toutes les autres chaînes l'ont également fait disparaître de leurs écrans. Elle montrait le visage ensanglanté et partiellement défiguré d'un homme arborant une barbe noire hirsute.