Au lendemain de la mort du chef d'Al-Qaïda Oussama Ben Laden tué par un raid américain à Abbottabad au Pakistan (lire Mort d'Oussama Ben Laden ), le monde oscillait mardi entre joie libératrice et appels à la prudence. Révélateurs de cet état d'esprit, les médias se montrent hésitants et sceptiques quant au réel impact de la mort du terroriste (lire Mort de Ben Laden). Au Pakistan, la mort même de Ben Laden est remise en question.
La surprise de cette annonce a en effet vite fait place au doute à Abbottabad . "Personne n'y croit. Nous n'avons jamais vu aucun Arabe ici", assure un habitant. L'annonce de Washington de l'immersion par l'armée américaine du corps du chef d'Al-Qaïda en mer d'Oman, conjuguée à l'absence de preuves de sa mort, a renforcé cette incrédulité.
De nombreux habitants considèrent que "les Etats-Unis ont organisé l'opération pour quitter l'Afghanistan. Ils affirment qu'Oussama est mort, comme ça ils ont une excuse pour partir". "
Selon un étudiant, "Obama a fait ça exprès, juste avant le 10e anniversaire du 11 septembre, et pour gagner les prochaines élections". D'Islamabad, l'analyste politique Imtiaz Gul prévient : "Tant que les Américains ne présenteront pas de preuves" de la mort de Ben Laden, "tout cela restera sujet à caution", notamment au Pakistan.
Ambassades américaines fermées
Cette augmentation de la tension entre les eux pays a poussé les Etats-Unis à ordonner la fermeture "jusqu'à nouvel ordre" de l'ambassade d'Islamabad et des consulats de Peshawar, lahore et Karachi au Pakistan.
"Ils sont fermés pour les affaires courantes au public, notamment pour les visas, mais demeurent ouverts pour toutes autres affaires et pour les services d'urgence aux citoyens américains", précise un communiqué.
"Nous avons pris cette mesure pour la sécurité du public, nous aviserons le public en temps voulu et la situation sera réexaminée régulièrement", a précisé le porte-parole de l'ambassade américaine à Islamabad.
Le Pakistan enquête sur ses "ratés"
L'ambassadeur du Pakistan aux Etats-Unis a par ailleurs annoncé lundi qu'Islamabad lancerait une "enquête complète" sur les ratés de ses services de renseignement dans leur traque d'Oussama ben Laden. Les Etats-Unis n'avaient rien dit du raid avant sa conclusion dimanche (lire: Mort de Ben Laden).
Mais le président pakistanais Asif Ali Zardari a insisté sur le fait que le Pakistan "avait pris sa part" de travail. "Bien que les événements de dimanche n'étaient pas le fruit d'une opération conjointe, une décennie de coopération et de partenariat entre les Etats-Unis et le Pakistan ont mené à l'élimination d'Oussama ben Laden synonyme de menace permanente contre le monde civilisé".
Le Président Zardari n'a cependant pas donné d'explications détaillées sur le fait de savoir comment Ben Laden a réussi à vivre pendant des années sans être repéré à Abbottabad, un lieu de villégiature populaire à flanc de coteau avec des généraux pakistanais en retraite à quelques encablures de la capitale Islamabad.
Oussama ben Laden (lire: Portrait) a été tué à Abbottabad, ville située à environ 50 kilomètres au nord de la capitale pakistanaise, dans une villa où il se cachait. Il a été tué d'une balle dans la tête par des membres des forces spéciales de la Marine américaine, les Navy Seals.
Pas armé lors de l'assaut
Autre interrogation autour de l'opération, la Maison Blanche a fait machine arrière lundi soir au sujet des déclarations du conseiller du président Obama pour l'antiterrorisme selon lesquelles Oussama ben Laden s'est servi d'une femme comme bouclier humain, une femme ayant été tuée au cours d'échanges de coups de feu..
Selon un haut responsable de la Maison Blanche, ses informations se sont révélées dépassées lorsque des personnes impliquées dans l'opération ont été interviewées, la femme étant morte dans une autre partie de la maison.
La Maison Blanche a de plus déclaré qu'Oussama ben Laden n'était pas armé lors de l'assaut du commando dans sa résidence. Elle a également rajouté réfléchir à l'utilité de diffusion de la photo de la dépouille d'Oussama Ben Laden, jugée "atroce".
L'annonce de la mort de l'homme le plus recherché au monde avait provoqué une vague de joie aux Etats-Unis, où des milliers de personnes se sont spontanément rassemblées en pleine nuit dans les grandes villes du pays, notamment sur les lieux des attentats du 11 Septembre et devant la Maison Blanche (lire Etats-Unis).
Mais les avertissements sur de possibles représailles se sont multipliées et plusieurs pays ont renforcé leurs mesures de sécurité (lire Après la mort de Ben Laden).
agences/vkiss/mren