Le gouvernement doit choisir laquelle des trois options suivantes il entend soumettre au Parlement: statu quo avec un éventuel remplacement anticipé des trois centrales atomiques les plus anciennes, non-remplacement des centrales existantes à la fin de leur période d'exploitation ou abandon anticipé du nucléaire.
Pour la coalition "Sortons du nucléaire", qui a appelé à manifester dimanche, seul le dernier scénario est acceptable. Dans une lettre au Conseil fédéral, elle exige également une promotion des énergies renouvelables et la mise hors service immédiate des plus anciens réacteurs, soit les deux de Beznau et celui de Mühleberg.
"La catastrophe de Fukushima a changé entièrement le débat sur l'énergie. La politique et l'économie de l'électricité ne peuvent plus ignorer cela", ont affirmé les organisateurs, qui s'attendaient à compter 10'000 manifestants. Or c'est le double de personnes, selon l'estimation du commandant de la police cantonale argovienne, qui ont répondu à l'appel de 150 partis de gauche et associations écologistes.
Venus des quatre coins de la Suisse mais également des pays voisins, ils ont emprunté les trains spéciaux qui les ont déposés tout au long de la journée à proximité de Beznau.
Jeunes et anciens militants
Dans la matinée, quelque 6000 personnes ont pris part à une marche de protestation longue de 10 km et 4000 autres à une seconde marche, de 3 km. Dans les cortèges colorés et bon enfant, les militants anti-nucléaires de la première heure côtoyaient de nombreux jeunes et des familles entières. Leurs banderoles affichaient des slogans tels que "stop au nucléaire", "nucléaire un avenir de cafard" et "non merci aux centrales nucléaires".
Le plus long des deux cortèges est passé symboliquement peu avant midi devant la petite île sur l'Aar qui abrite les deux réacteurs de Beznau. Aucun incident n'a été signalé par la police argovienne, qui avait déployé un important dispositif et qui suivait la manifestation à partir d'un hélicoptère civil.
Les deux cortèges se sont ensuite rejoints en début d'après-midi dans un champ près de Kleindöttingen, village à proximité de Beznau. Rejoints par d'autres, les manifestants étaient au final près de 20'000.
Message de Fukushima
Sous une ligne à haute tension et avec le panache de vapeur émanant de la centrale de Beznau pour toile de fond, les opposants à l'atome ont d'abord écouté des messages en provenance de Berne, d'Allemagne et d'Autriche mais également de Fukushima.
Plusieurs politiciens socialistes et écologistes ont ensuite pris la parole pour dénoncer le nucléaire, appelant à tirer les conséquences de la catastrophe japonaise. Le chansonnier alémanique Aernschd Born, déjà engagé dans les années 1970 contre la construction d'une centrale à Kaiseraugst, est aussi monté sur scène.
L'an dernier, une marche similaire à proximité de la centrale de Gösgen (SO) avait réuni quelque 4500 personnes. Avec 20'000 participants cette année, la manifestation est la plus importante sur la question du nucléaire depuis juin 1986 lorsque, peu après la catastrophe de Tchernobyl, environ 30'000 personnes avaient défilé à Gösgen.
L'AVIS DES PARTIS
Alors que l'avenir du nucléaire en Suisse se joue en partie mercredi, les partis gouvernementaux mettent la pression sur leurs représentants au Conseil fédéral.
Trois variantes sont sur la table: statu quo avec un éventuel remplacement anticipé des trois centrales atomiques les plus anciennes, non-remplacement des centrales existantes à la fin de leur période d'exploitation et abandon anticipé du nucléaire.
"Nous avons clairement besoin d'une décision portant sur le deuxième scénario", affirme dimanche dans la SonntagsZeitung Christophe Darbellay, président du PDC, le parti de la ministre de l'Energie Doris Leuthard. Selon lui, seule cette solution permet une sortie ordonnée de l'atome avec d'autres sources d'énergie. Le président du PBD, Hans Grunder, plaide pour la même solution.
Sans se prononcer explicitement pour l'un ou l'autre scénario, le président du PLR Fulvio Pelli fixe quatre critères pour une prise de décision: la sécurité de l'approvisionnement énergétique de la Suisse, la protection de l'environnement, des prix pour le courant électrique acceptables et une production sûre.
Pour le président de l'UDC Toni Brunner, la décision finale doit revenir au peuple. En attendant, le Conseil fédéral ne doit pas prendre de décision préalable mercredi et maintenir les demandes d'autorisations générales pour de nouvelles centrales, déclare Toni Brunner.
Seul le président du PS Christian Levrat exige une sortie anticipée du nucléaire, soit d'opter pour le troisième scénario. "Dans ce cadre, une durée maximale d'utilisation de toutes les centrales doit être fixée", revendique-t-il. Rappelant que le premier réacteur suisse, Beznau I, date de 1969, le PS évalue cette durée à 40 ans au maximum. Le premier scénario n'est soutenu par aucun président de parti. De même, l'idée d'un moratoire n'entre pour eux pas du tout en ligne de compte. Ils sont aussi unis pour dire que les entreprises électriques ont besoin d'investissements pour la sécurité.
agences/mej/vkiss
Leuthard voudrait une sortie du nucléaire
Selon la NZZ am Sonntag, la conseillère fédérale Doris Leuthard, en charge du DETEC, souhaiterait donner "un signal clair" quant au nucléaire. Selon les rumeurs à Berne, elle aurait même changé d'avis et serait prête à proposer d'abandonner l'énergie atomique.
Cette proposition pour sortir du nucléaire se trouverait actuellement sur la table de ses collègues conseillers fédéraux et comprendrait trois points centraux: premièrement, les centrales existantes continueraient de fonctionner jusqu'à la fin de leur période d'exploitation prévue, deuxièmement, aucune nouvelle centrale ne serait construite dans le pays et, enfin, troisièmement, Doris Leuthard voudrait faire avancer la transformation de la fourniture d'énergie en Suisse.
Pour cela, elle propose des pistes de discussion sur la construction de centrales à gaz, sur le développement de l'énergie hydraulique et sur la promotion des énergies renouvelables, notamment.
Doris Leuthard souhaiterait donc non seulement proposer un retrait anticipé de l'énergie nucléaire, mais aussi un rejet de l'idée avancée par le monde de l'économie pour un moratoire sur la construction de nouvelles centrales nucléaires en Suisse.
Le Conseil fédéral doit se pencher mercredi sur la question du nucléaire en Suisse.