L'équipe de Pierre-André Michaud, médecin-chef de l'Unité multidisciplinaire de santé des adolescents au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), a analysé des données de l'étude SMASH de 2002. Soit un échantillon de 7429 étudiants et apprentis de 16 à 20 ans: 3385 filles et 4044 garçons ayant répondu valablement à un questionnaire ad hoc.
Sur ce total, 2515 jeunes (35%) ont indiqué avoir consommé au moins une substance psychoactive illégale au cours du mois précédent. Parmi eux, 850 étaient des consommateurs occasionnels (cannabis exclusivement au maximum deux fois par mois), 1227 des consommateurs réguliers (cannabis au moins trois fois par mois) et 438 des poly-consommateurs (cannabis et au moins une autre substance illicite).
Résultats: 44% des filles et 50% des garçons ont rapporté au moins une conséquence négative de leur consommation. Ces conséquences étaient réparties en quatre domaines, scolaire, personnel (blessures, perte de biens), relationnel (parents, amis, enseignants, collègues ou participation à des rixes) et sexuel (sexe non désiré, non protégé).
Poly-consommateurs plus touchés
Sans surprise, ce sont les poly-consommateurs qui ont signalé le plus d'effets négatifs dans les quatre domaines. Près de 54% ont rapporté des problèmes relationnels, 38% des problèmes individuels et 34% des soucis scolaires. Et avec 22%, c'était de loin le groupe ayant connu le plus de difficultés sur le plan sexuel.
Dans ce domaine, les consommateurs occasionnels et réguliers étaient respectivement 3% et 6% à évoquer des effets négatifs. Chez les seconds, les difficultés les plus fréquentes se situaient surtout à l'école (31%) et dans le relationnel (30%), devant l'individuel (23%). Les consommateurs occasionnels, eux, ont également signalé des difficultés dans ces trois domaines, mais dans des proportions nettement plus basses, variant entre 11% et 13%.
Il ressort donc clairement de l'étude que les problèmes perçus augmentent avec la consommation, 27% des consommateurs occasionnels, 54% des consommateurs réguliers et 73% des poly-consommateurs en rapportant au moins un dans une catégorie.
Piste de prévention
Pour les spécialistes, ces résultats devraient encourager les professionnels de la santé à explorer avec les jeunes concernés non seulement leur mode de consommation mais aussi leur perception de ses conséquences néfastes. Cela pourrait augmenter l'efficacité des interventions préventives scolaires ou médicales.
Les adolescents ayant tendance à rejeter les informations venant de sources officielles, les convaincre que les effets négatifs de ces substances "ne sortent pas de l'imagination des adultes" mais de la bouche des intéressés eux-mêmes pourrait être une piste de prévention efficace, concluent les chercheurs. Et cela "en particulier en Suisse, où les jeunes ont tendance à considérer le cannabis comme une substance naturelle beaucoup moins nocive que le tabac".
ats/vkiss
Précisions par rapport à d'autres études
Jusqu'ici, seules de rares études s'étaient penchées sur la perception des effets négatifs de la consommation de drogue par les adolescents eux-mêmes. Une recherche américaine notamment a également mis en évidence un taux assez élevé d'adolescents admettant des problèmes liés à leur usage de drogue. L'étude lausannoise fait le même constat et apporte des précisions.
Par rapport aux consommateurs occasionnels, les consommateurs réguliers ont un risque de deux à trois fois plus élevé d'être confrontés à des problèmes relationnels ou scolaires, alors que la hausse des difficultés personnelles et sexuelles est insignifiante.
Chez les poly-consommateurs en revanche, le risque est non seulement plus élevé dans les trois premiers domaines, mais la hausse sur le plan sexuel est "abrupte", écrivent les chercheurs dans "Swiss Medical Weekly". Un constat lié probablement à l'effet sexuellement inhibant ou désinhibant d'autre substances que le cannabis, selon eux.