Qu'est-ce que la famine?
Il n'existe pas de définition exacte du terme famine, mais l'organisation de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a développé plusieurs critères nécessaires pour déclarer l'état de famine: un taux de mortalité supérieur à deux personnes par jour sur 10'000 (celui de la Somalie atteint 7,4), une malnutrition touchant plus de 30% de la population, une disponibilité de l'alimentation très inférieure à 2100 kilo calories par jour et par personne, moins de 4 litres d'eau par jour et par personne et une perte effective totale des moyens d'existence.
L'appel du FAO contre la famine et L'état de la situation selon le Programme alimentaire mondial
Quels sont les pays touchés?
La famine actuelle touche plusieurs Etats de la Corne de l'Afrique. La situation est particulièrement critique en Somalie, où l'ONU a décrété formellement l'état de famine dans plusieurs régions du sud, le Bakool, le Bas Shabelle, le Balaad et le Moyen Shabelle. L'Ethiopie, le Kenya, le Soudan, l'Ouganda et Djibouti sont aussi touchés. On ne connaît pas vraiment la situation en Erythrée, pays ultra-fermé et trou noir en matière d'informations.
Les géofiches des Etats concernés
Combien de personnes sont frappées?
La sécheresse et la famine ont déjà fait des dizaines de milliers de morts et menacent 12 millions de personnes dans la Corne de l'Afrique. En Somalie, près de la moitié des 10 millions d'habitants sont en situation de crise alimentaire et 350'000 sont gravement menacés. Plus de 29'000 enfants de moins de cinq ans sont morts dans ce pays depuis 3 mois et 700'000 autres sont menacés à court terme. En Ethiopie, le nombre de personnes ayant besoin d'une assistance humanitaire est passé de 2,8 à 3,2 millions depuis le début de l'année. Le nombre d'enfants victimes de la malnutrition aiguë en Ethiopie, Kenya et Somalie est estimé à plus de 2 millions, dont la moitié risquent la mort si une aide urgente ne leur est pas apportée.
L'évaluation de la situation par Médecin sans frontières
Quelles causes?
La pire sécheresse depuis plus de 60 ans affecte la région. L'ONU avait déjà signalé une situation dramatique en mai. La Corne de l'Afrique a connu deux saisons consécutives de précipitations nettement inférieures à la moyenne. Les récoltes ont été ravagées et la terre durement affaiblie. La mortalité du bétail est toujours plus importante et 90% des animaux n'ont pas survécu dans certaines régions. Cette situation devrait perdurer au moins jusqu'à la fin de l'année.
Le regard du portail d'informations afrik.com sur la sécheresse
Des causes sous-jacentes?
Les conflits armés, en Somalie surtout, aggravent encore la situation, rendant l'accès aux vivres très difficile et inégal. Dans ce pays, les régions du sud sont contrôlées par les insurgés islamistes shebab, qui en interdisent l'accès aux organisations internationales comme le Programme alimentaire mondial. Les rares ONG autorisées sont soumises à un contrôle très strict. Certains estiment qu'il faut tout de même travailler avec les shebab, au risque de leur donner une légitimité, d'autres pensent qu'il faut éviter tout soutien à ces groupes se réclamant d'Al-Qaïda. L'ONG Survival International a aussi dénoncé la vente de terres agricoles à des entreprises occidentales qui produisent des cannes à sucre et des palmiers à huile destinés à fabriquer des agrocarburants.
Le point de vue de l'ONG Survival International
Le drame des réfugiés
Conflits politiques et famine conduisent des populations importantes à fuir, aggravant encore le problème, car les réfugiés se retrouvent dans des camps aux conditions d'hygiène souvent précaires et où la nourriture manque également. Un quart de la population de la Somalie a ainsi été déplacé depuis 20 ans. Plus de 1200 réfugiés somaliens arrivent chaque jour à Dadaab, dans l'est du Kenya, qui est devenu le plus grand camp de réfugiés au monde. Le complexe accueille 380'000 personnes, quatre fois plus que prévu initialement. Certains doivent habiter dans des abris de fortune, hors des limites du camp et sans accès aux vivres. Près de 70'000 personnes ont convergé vers la capitale Mogadiscio en quête de nourriture et d'eau en juillet, 40'000 y ont trouvé refuge et 30'000 autres sont regroupés dans des camps de fortune. Des centaines de milliers d'autres réfugiés fuient également vers l'Ethiopie.
Le Haut commissariat aux réfugiés suit de près la situation
Quels besoins financiers?
Le financement de l'aide pour cette crise reste en l'état insuffisant. Un milliard de dollars ont déjà été promis par la communauté internationale mais les Nations unies affirment avoir un "besoin urgent de 1,4 milliard de dollars supplémentaires". La FAO a estimé qu'il fallait 1,6 milliard de dollars, dont une bonne partie très rapidement. L'Union africaine, qui a déjà débloqué 500'000 dollars, a reporté au 25 août une conférence, initialement prévue le 9 août, destinée à lever des fonds d'urgence. Une première conférence internationale d'urgence s'était réunie la semaine dernière à Rome mais les ONG ont critiqué les donateurs pour la faiblesse de leur engagement. Les sommes promises ou versées par les contributeurs n'ont pas toutes été dévoilées. Certaines ONG dénoncent le manque d'engagement des Etats occidentaux dans ce drame. Ces derniers jours, la Banque mondiale a annoncé l'octroi de 500 millions de dollars, l'Union européenne de 228 millions, la France de 30 millions. Les donateurs craignent toutefois un détournement de ces aides, en Somalie surtout.
La Chaîne du Bonheur a lancé un appel aux dons
Quelles solutions pratiques?
Après des années de sous-investissements, il s'agit en premier lieu de soutenir l'agriculture afin de rendre ce secteur moins sensible aux sécheresses et permettre aux plus pauvres de se nourrir eux-mêmes. Au niveau immédiat, le Programme alimentaire mondial mis en place un pont aérien d'aide pour Mogadiscio. Une vingtaine d'organisations internationales sont parvenues à maintenir leurs programmes dans ces régions, notamment le Comité international de la Croix rouge, qui a accru fortement son aide dans les régions du centre et du sud. Des opérations de vaccination contre contre la poliomyélite et la rougeole ont aussi été mises en place.
Les solutions à la famine en Afrique de l'Est, selon l'ONG Oxfam
Et la Suisse?
La Confédération a décidé fin juillet de libérer 4,5 millions de francs supplémentaires pour soutenir cette région. Depuis le début de l'année, la Suisse, qui s'engage par le biais de de l'aide humanitaire, a déjà versé près de 14 millions. La présidente de la Confédération Micheline Calmy-Rey s'est rendue le 3 août dans le camp de réfugiés de Daddab, au Kenya. Première dirigeante d'un gouvernement étranger sur place, la Genevoise s'est dit bouleversée et a déclaré vouloir intensifier l'engagement suisse dans la Corne de l'Afrique.
Le dossier du DFAE sur la famine en Afrique de l'Est
Frédéric Boillat
Dernières grandes famines en Afrique
1967-1970 - Nigeria: La guerre du Biafra ou guerre civile du Nigeria a entraîné la mort de un à deux millions de personnes, près de la moitié à cause du dénuement et de la famine dans lesquels sont plongées les populations civiles. Cette guerre voit aussi la création de l'ONG Médecins sans frontières, sous l'impulsion des French doctors, comme Bernard Kouchner.
1984-1985 - Ethiopie: La sécheresse et les conflits politiques génèrent une énorme famine, notamment dans le nord du pays. Au moins un million de personnes ont perdu la vie, selon l'ONU. L'impact des images de morts et d'agonisants entraîne un immense élan de solidarité dans le monde, mobilisant gouvernements et opinions publiques, jusqu'aux vedettes de la chanson (concerts Live Aid). L'Ethiopie avait connu en 1973-1974 une autre grande famine (200'000 morts), contribuant à la chute du régime d'Haïlé Sélassié, qui avait caché à son peuple et à la communauté internationale l'étendue du drame.
1991-1992 - Somalie: La chute du président Mohamed Siad Barre devant l'arrivée des rebelles, en 1991, suivie d'une guerre civile dévastatrice, plonge le pays dans l'anarchie et une famine qui coûte la vie à quelque 220'000 personnes. L'insécurité s'est poursuivie jusqu'à aujourd'hui.
1998 - Soudan: Une famine, provoquée par la sécheresse de 1997 et par les combats qui ont rendu impossible la culture des terres, touche un million de personnes dans le sud du Soudan. Quelque 350'000 personnes sont menacées.
2003 - Soudan/Darfour: Le début d'une guerre civile au Darfour (dans l'ouest du Soudan) provoque une grave crise humanitaire en raison de l'insécurité à laquelle s'ajoutent la sécheresse et des mauvaises récoltes.
2000-2006 - Corne de l'Afrique: La région connaît quatre grandes sécheresses pendant cette période. En 2000, plus de 13 millions de personnes sont affectées dans sept pays: l'Ethiopie, la plus touchée avec 10 millions de personnes, selon l'ONU, le Kenya, la Somalie, l'Erythrée, l'Ouganda, Djibouti et le Soudan. En 2006, la sécheresse menace de famine 11 millions de personnes. Le nord du Kenya, le sud de l'Ethiopie et de la Somalie sont particulièrement touchés, les populations nomades ayant perdu jusqu'à 70% de leurs troupeaux.
Appel de la Chaîne du Bonheur
Près d'un mois après avoir ouvert un compte spécial pour lutter contre la crise alimentaire en Afrique de l’Est, la Chaîne du Bonheur continue sa récolte de dons.
Les organisations d’entraide suisses partenaires de la Chaîne du Bonheur sont actives sur place et procèdent aux premières mesures d’urgence, a-t-elle fait savoir.
A ce jour, 14'921'012 francs ont été collectés.
Les dons peuvent être adressés sur le Compte postal 10-15000-6.