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Suisses enlevés: les talibans souhaitent un échange

La condamnation d'Aafia Siddiqui en septembre 2010 avait soulevé une vague d'indignation au Pakistan.
La condamnation d'Aafia Siddiqui en septembre 2010 avait soulevé une vague d'indignation au Pakistan.
Les talibans pakistanais souhaiteraient échanger le couple de Suisses qu'ils retiennent en otage contre une scientifique pakistanaise détenue aux Etats-Unis, a indiqué jeudi leur numéro 2 Wali-Ur Rehman. Ce dernier a assuré que les deux touristes étaient en bonne santé.

"Le couple suisse est aux mains du Mouvement des talibans du Pakistan (TTP). Ils se trouvent dans un lieu très sûr", a déclaré Wali-Ur Rehman, numéro deux du principal mouvement taliban pakistanais, allié à Al Qaïda.

Wali-Ur Rehman a indiqué que le TTP voulait "les échanger contre Aafia Siddiqui", une scientifique pakistanaise emprisonnée aux Etats-Unis pour avoir tenté de tirer sur des soldats américains en 2008 en Afghanistan, alors qu'elle était détenue pour ses liens présumés avec Al-Qaïda. Elle a été condamnée à une peine de 86 ans de prison (lire ci-contre).

Otages bien traités

"Nous relâcherons le couple suisse si les Etats-Unis libèrent Aafia Siddiqui. La rançon n'est pas une option. Leur libération sera possible en échange de la liberté pour Aafia Siddiqui", a ajouté Wali-Ur Rehman. Les talibans pakistanais, dont les enlèvements contre rançon sont une source de revenus régulière, ont plusieurs fois affirmé dans le passé vouloir libérer des otages en échange de la libération d'Aafia Siddiqui. Ils ont toutefois fini par les relâcher sans obtenir gain de cause sur ce dossier.

La "monnaie d'échange" du couple suisse est une scientifique pakistanaise détenue aux Etats-Unis, a révélé Waliur Rehman, no 2 des talibans. [SAOOD REHMAN]
La "monnaie d'échange" du couple suisse est une scientifique pakistanaise détenue aux Etats-Unis, a révélé Waliur Rehman, no 2 des talibans. [SAOOD REHMAN]

"Si les Américains ne sont pas prêt à la libérer, notre conseil (choura) prendra une décision à propos des Suisses", a conclu Wali-Ur Rehman sans faire de commentaires sur les différentes décisions possibles. Il a encore indiqué que les otages "sont en très bonne santé" et détenus séparément. "Nous leur donnons de la nourriture correcte et ils n'ont jamais été malades depuis qu'ils sont entre nos mains", a-t-il ajouté.

Une région dangereuse

Le couple était parti au Pakistan pour un voyage privé. Il a été enlevé le 1er juillet par des hommes armés alors qu'il voyageait dans le district de Loralai, à 170 km à l'est de Quetta, la capitale de la province du Baloutchistan. Un porte-parole des talibans a annoncé une semaine plus tard que les Suisses avaient été transférés dans la province voisine du Waziristan-Sud.

Les deux Suisses venaient d'Inde, selon les autorités locales, et se rendaient probablement en Iran, un trajet suivi par un certain nombre de touristes européens dans un sens comme dans l'autre avec leurs camping-cars, malgré les avertissements des autorités pakistanaises et des sites internet des ministères des Affaires étrangères de leurs pays.

Le district de Loralaï est infesté de gangs criminels, de rebelles séparatistes, mais aussi de talibans pakistanais et afghans. Ces zones tribales semi-autonomes sont le bastion du TTP, qui a fait allégeance à Al-Qaïda et mène, depuis quatre ans, une campagne meurtrière d'attentats dans tout le pays pour dénoncer l'alliance stratégique, dans la région, du gouvernement pakistanais avec les Etats-Unis.

No comment du DFAE

Consulté par l'ats, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a indiqué vendredi avoir "pris note de ces informations répercutées par les médias", sans vouloir les commenter. Comme il l'avait fait le 2 juillet, le DFAE réaffirme que l'ambassade de Suisse à Islamabad "est en contact permanent avec les autorités locales" au sujet de cet enlèvement, et qu'une task force a été mise sur pied afin de coordonner les activités des services impliqués, notamment l'Office fédéral de la police (fedpol) et le Service de renseignement de la Confédération (SRC).

ats/afp/sbo

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Portrait de la scientifique pakistanaise

Aafia Siddiqui, spécialiste en neurosciences, a fait ses études aux Etats-Unis au prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT). Elle a été condamnée en 2010 à New York à 86 ans de prison pour avoir tenté de tirer en 2008 sur des militaires américains alors qu'elle était détenue et interrogée en Afghanistan.

Peu après son arrestation en juillet 2008 pour ses liens présumés avec Al-Qaïda, des officiers américains et des agents du FBI étaient venus lui rendre visite. Elle se serait alors emparée d'une arme et aurait tiré deux coups de feu, sans blesser personne. L'un des officiers avait alors répliqué, la blessant à la poitrine.

Bien qu'elle n'ait pas été inculpée de terrorisme, l'accusation l'avait décrite comme une terroriste en puissance, qui prévoyait de faire sauter une bombe à New York.

Aafia Siddiqui, qui vivait au Pakistan, avait disparu en mars 2003 avec ses trois enfants, et l'on ignore où elle se trouvait pendant cinq ans. Ses proches pensent qu'elle a été arrêtée au cours d'une des nombreuses opérations menées à l'époque par l'armée pakistanaise contre Al-Qaïda, puis livrée aux Américains.

Des groupes de défense des droits humains estiment qu'elle a pu être secrètement emprisonnée et torturée sur la base américaine de Bagram, en Afghanistan, entre 2003 et 2008. L'armée américaine dément. Au cours de son procès, elle a fait allusion à ces rumeurs, disant lors d'une de ses invectives: "Si vous aviez été dans une prison secrète (et si) vos enfants avaient été torturés..."