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Casseroles vendues à la volée: gare à l'arnaque

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Un exemple type de batteries de cuisine exposées sur le web.
Dans toute la Suisse, des internautes dénoncent une escroquerie portant sur des lots d'ustensiles de cuisine. Un réseau européen de vendeurs itinérants fait passer des produits de qualité très médiocre pour du matériel professionnel.

Méfiez-vous du "Hollandais à la batterie de cuisine". La mise en garde semble incongrue mais court sur les forums. Des internautes de toute la Suisse y dénoncent une escroquerie portant sur des casseroles et des couteaux : croyant acheter du matériel de qualité professionnelle à bon prix, ils ont en réalité acquis des produits de très mauvaise facture.

Sur la page Facebook de Darius Rochebin, des habitants des cantons de Fribourg, Genève, Vaud ou du Valais décrivent le même scénario : au volant d'une berline immatriculée aux Pays-Bas ou en Allemagne, le vendeur vous aborde sur un parking et prétend revenir d'une foire. Une partie de sa marchandise lui est restée sur les bras. Pour s'épargner des frais de douane, il se dit prêt à la brader. Argumentaire léché, allure enjôleuse, le démarcheur vous annonce le prix de base pour une batterie de cuisine : plus de 2000 francs. Mais pour vous, il peut descendre à 800 francs.

"J'ai été approché par un homme qui voulait me vendre des couteaux, à côté de Montreux" raconte Tom, qui n'a pas été dupe. "Il a expliqué venir d'une présentation au Montreux Palace (dont je n'avais pas du tout entendu parler) et vouloir se débarrasser de sa marchandise avant de repartir en Hollande. Quelques jours plus tard, je suis retombé sur lui sur un parking! Quand je lui ai demandé pourquoi il était encore là avec ses couteaux, il a paru très mal à l'aise." Ilana a quant à elle eu affaire à un de ces vendeurs près de Genève. Si elle non plus n'a pas cédé aux boniments, elle reconnaît ne pas s'être méfiée d'emblée.

ilanatemoin
ilanatemoin / Info en vidéos / 1 min. / le 28 juillet 2011

"Un produit de très mauvaise qualité"

Le "prix d'ami" est loin de la valeur réelle des produits. "C'est un produit de très mauvaise qualité, en aucun cas utilisé par les professionnels, martèle Carl Burkhardt, gérant d'une boutique genevoise d'ustensiles de cuisine, à qui nous avons montré une de ces casseroles achetées à la volée. Elle ne porte pas d'indication de provenance, alors que c'est obligatoire. Je ne serais pas surpris qu'elle ait été fabriquée en Asie. En tout cas, elle ne vaut pas plus de 20 francs, grand maximum".

Les fabricants de ces ustensiles savent manier l'art de la poudre aux yeux. Casseroles en acier inoxydable, donc lourdes, couteaux épais à l'aspect travaillé… Le tout emballé avec minutie et assorti d'une garantie à vie. "Le poids n'est en aucun cas un gage de qualité, avertit Carl Burkhardt. Les produits utilisés par les professionnels aujourd'hui sont très légers. La garantie à vie est, quant à elle, absurde en soi. Aucun fabricant sérieux ne garantit à vie ses casseroles ou ses couteaux car ce sont des produits utilisés au quotidien."

Arnaque à la casserole.
Arnaque à la casserole. / Info en vidéos / 1 min. / le 29 juillet 2011

Swissler Royal, Swilling Royal, Steigenberger, Carl Weill, Schuman Solingen… Ces ustensiles sont présentés sous de nombreuses marques différentes. Certaines ont été listées en 2008 par le CRIOC, une association de consommateurs belge. "C'est assez classique, estime Anaïs Deville, juriste au CRIOC. Multiplier les marques permet de brouiller les pistes ; il est probable que toutes ces appellations aient une durée de vie assez courte." Pour semer davantage la confusion, certaines misent sur la proximité avec des marques réellement professionnelles. Il est aisé de prendre les couteaux vendus sous la marque Berghaus pour des couteaux Berghoff, reconnus pour leur qualité.

Aucun point de vente, achat en ligne impossible

Reste à comprendre comment s'organise l'arnaque. On sait qu'Internet lui sert d'appui. Chaque marque possède un site "officiel", où les produits sont affichés à des prix exorbitants. De quoi donner aux acheteurs l'impression d'avoir fait une affaire. Etrangement, il s'agit surtout de sites vitrines, tous conçus sur le même modèle : on vous garantit une livraison dans toute l'Europe, mais aucun ne permet d'acheter en ligne, ni ne mentionne de point de vente.

En nous annonçant comme journaliste, nous avons en vain cherché à parler au gérant de Swissler Royal, une de ces sociétés basée à Stans (Nidwald). En nous présentant comme acheteur potentiel, nous avons pu poser nos questions au patron de la société Steigenberger, basée en Allemagne. "Notre site est en maintenance, c'est pourquoi vous ne pouvez pas commander en ligne, nous apprend l'homme. Mais adressez-nous un fax et nous traiterons votre commande." Il se vante presque de disposer de démarcheurs dans toute l'Europe. Nous demandons comment les contacter. Notre interlocuteur élude : "Ne vous inquiétez pas, ils sauront toujours vous trouver, même en Suisse. Tout est possible."

"Il s'agit probablement de réseaux s'attaquant aux pays limitrophes", avance la juriste du CRIOC en Belgique. Le SECO tient à rappeler que les vendeurs itinérants doivent être munis d'une autorisation spéciale, délivrée par le canton dans lequel ils circulent. Cependant, les organismes officiels dont le Bureau des consommateurs, le SECO et les associations de consommateurs suisses n'ont à ce jour pas donné l'alerte. Ils se contentent de recommander aux consommateurs les règles de prudence de base.

Pauline Turuban

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Cherchez le Hollandais...

Comme souvent dans ce genre d'affaire, la riposte vient de la base avant d'être relayée par les institutions. Face à ce qui semble être une escroquerie essaimant à l'échelle européenne, les internautes s'organisent et échangent des témoignages sur les forums.

En Allemagne, un blogueur se faisant appeler "Komander" a quant à lui eu une idée hors du commun : créer un site dédié à l'arnaque (voir lien ci-dessous), dont le but est de suivre les vendeurs à la trace. Le blog "Der Holländer mit dem Topfset" ("Le Hollandais à la batterie de cuisine") a vu le jour en décembre 2008.

Komander y invite les internautes à signaler la date et le lieu où ils ont croisé les vendeurs de batteries de cuisine. Une sorte de "Où est Charlie ?" justicier et collaboratif. Le concept a rapidement pris : plus de 500 signalements ont été postés sur le blog depuis sa création. Les vendeurs auraient sévi un peu partout en Allemagne, aux Pays-Bas et même en Serbie. D'après le site, le dernier "Hollandais" signalé en Suisse aurait été croisé en Tessin le 26 juillet dernier.