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Un journaliste de la RSR entre clandestinement en Syrie

Dimanche 31 juillet 2011: dans les rues de Hama, les barricades montées par les habitants de Hamah ne vont pas résister aux tanks et soldats des forces de sécurité. [Gaëtan Vannay]
Dimanche 31 juillet 2011: dans les rues de Hama, les barricades montées par les habitants ne vont pas résister aux tanks et soldats des forces de sécurité. - [Gaëtan Vannay]
Alors que les autorités syriennes refusent tout visa pour les médias, Gaëtan Vannay, le chef de la rubrique internationale, a pu entrer clandestinement dans ce pays et passer dix jours à Hama, ville située au centre du pays, devenue le coeur de la contestation contre le régime de Bachar El Assad. Hama est aujourd'hui totalement contrôlée par l'armée et coupée du monde. Gaëtan Vannay est le seul journaliste étranger à avoir pu se rendre sur place. Il témoigne des réalités de la contestation sur place.

Dimanche matin à 4h30, les "Allah u akbar" ont commencé à retentir dans toute la ville. C'est le cri d'alerte des veilleurs qui surveillent les entrées de la ville. Les mosquées ont pris le relais avec, en arrière fond, les tirs des forces de sécurité du régime. Les habitants, ceux qui voulaient défendre la ville, sont descendus dans la rue. Ils étaient armés de bâtons, de couteaux, de cocktails Molotov pour certains.

Les tanks ont écrasé les premières barricades provisoires mises en place pour protéger la ville avec des matériaux de construction. Ces chars avançaient, accompagnés des forces de sécurité- ces forces qui sont là pour protéger le régime. Ils tiraient de manière indiscriminée sur tout ce qui bougeait. Les bilans ont été de 100 à 120 morts pour cette seule journée de dimanche. Les chars se sont positionnés en des lieux stratégiques pour tirer sur les maisons et tout ce qui passait dans leur ligne de mire.

Manifestations pacifiques

Auparavant, j'ai passé dix jours sur place et je n'ai pu constater que des manifestations pacifiques. Tous les soirs, quelques centaines, voire un millier de personnes se rassemblaient. Il y avait aussi les manifestations du vendredi, après la prière, qui réunissaient plusieurs dizaines de milliers manifestants. Elles étaient toujours festives, de nouvelles chansons contre le régime apparaissaient chaque jour. Je n'ai pas vu une seule arme durant ces manifestations. Il n'y avait aucune agressivité. Au contraire, j'ai été témoin de beaucoup d'entraide et une forte organisation pour permettre le déroulement de ces manifestations dans le calme.

Les personnes les plus âgées calmaient les plus jeunes. J'ai vu une une réelle volonté de mener une révolution pacifique. Le reste du temps, la vie se poursuivait le plus normalement du monde à Hama. Malgré les chars et les forces de sécurité qui entouraient la ville.

Désinformation

Les autorités syriennes pratiquent une désinformation de masse pour justifier leurs interventions. Le régime a fait état de "bandes armées" qui terrorisaient la population pour justifier son intervention dimanche dernier. Or, les seules armes que j'ai vues sont celles portées par les forces de sécurité. La télévision d'Etat a également montré des images d'hommes en civil qui tiraient sur la population, dans une ville qui était identifiée comme Hama. Je n'ai rien vu de tel en dix jours de présence sur place. Quelques armes sont apparues dimanche, lors de l'intervention des chars, mais les gens qui sont descendus dans la rue pour protéger la ville demandaient de ne pas en faire usage. Je l'ai vu de mes propres yeux.

Dans la ville, le régime policier est très présent. Je ne pouvais pas interviewer n'importe qui à n'importe quel moment. Il est hors de question de sortir son micro ou son appareil photo. A Al-Rastam, j'ai moi-même été photographié par les forces de sécurité qui m'observaient depuis un bâtiment et elles ont arrêté le véhicule dans lequel je circulais. Comme nous les avions repérées, j'en étais déjà sorti, mais le chauffeur a été interrogé.

Gaëtan Vannay/pc

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