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La note de la dette américaine baissée d'un cran

USA dette [Carolyn Kaster]
La perspective de la dette américaine a été abaissée à "négative", Standard & Poor's envisageant une nouvelle dégradation. - [Carolyn Kaster]
L'agence d'évaluation financière Standard and Poor's a abaissé vendredi la note de la dette publique des Etats-Unis. Pour la première fois de leur histoire, ils perdent la meilleure note possible, "AAA", en raison du poids de la dette et des incertitudes politiques. S&P a annoncé avoir porté cette note à "AA+".

Elle a en outre abaissé la perspective à "négative", ce qui signifie que Standard and Poor's pense que la prochaine fois que cette note changera, ce sera pour être abaissée de nouveau. La perte de ce sceau d'excellence devrait avoir des répercussions brutales sur les marchés financiers, difficiles à imaginer dans l'immédiat (lire  Dette américaine). Cette décision devrait notamment augmenter le coût des emprunts pour l'administration américaine, les sociétés et les particuliers.

Risques politiques

Standard and Poor's a justifié sa décision par "des risques politiques" de voir le pays prendre des mesures insuffisantes contre son déficit budgétaire. Pour elle, le débat politique sur ces questions n'est pas à la hauteur des problèmes causés par une dette publique de plus de 14'500 milliards de dollars.

"L'abaissement (de la note) traduit notre opinion que le plan de consolidation budgétaire, que le Congrès et l'administration (Obama) ont récemment approuvé, ne répond pas à ce que, de notre point de vue, serait nécessaire pour stabiliser la dynamique à moyen terme de la dette", indique l'agence dans un communiqué.

L'agence de notation financière accordait jusqu'ici la meilleure note possible, soit un AAA, aux Etats-Unis.
L'agence de notation financière accordait jusqu'ici la meilleure note possible, soit un AAA, aux Etats-Unis.

Les Etats-Unis étaient notés "AAA" par Standard and Poor's depuis la création de cette agence en 1941. Ils le restent chez les deux autres grandes agences, la doyenne Moody's et Fitch Ratings.

Réaction trop tardive

Un haut responsable de Standard and Poor's a indiqué vendredi que les Etats-Unis auraient pu éviter l'abaissement de la note "AAA" attribuée à la dette publique du pays en relevant plus tôt le plafond de celle-ci. "La première chose qui aurait pu être faite était de relever le plafond de la dette en temps voulu afin d'éviter que le débat ne commence", a déclaré sur la chaîne CNN John Chambers, président du comité d'évaluation de S&P.

Il a souligné que, par le passé, ce plafond avait été relevé de 60 à 70 fois "sans qu'il y ait tant de débat", faisant référence aux nombreuses discussions sur le sujet qui ont eu lieu ces dernières semaines au Congrès et à la Maison Blanche.

Il a également indiqué que la responsabilité étaient partagées et incombait à l'administration Obama, mais également à "l'administration précédente", insistant sur le fait que les problèmes budgétaires américains devaient être "placés sous contrôle".

Erreurs de calculs

Le gouvernement américain a accusé S&P de fonder sa décision sur des erreurs graves de calculs. "Une appréciation entachée d'une erreur de 2000 milliards de dollars parle d'elle-même", a affirmé à la presse un porte-parole du département du Trésor. Les médias américains ont affirmé que le gouvernement avait sévèrement contesté les projections des analystes de l'agence après avoir examiné les conclusions de S&P. En vain.

"L'incertitude quant aux effets sur le marché est élevée", affirmait récemment la banque d'affaires Goldman Sachs, en explorant les conséquences potentielles. L'abaissement de cette note devrait en effet contraindre les investisseurs à une réévaluation généralisée des risques. Les bons du Trésor américains sont une référence incontestée: un étalon du coût de l'argent, un instrument servant habituellement de "collatéral" (garantie) dans une multitude de transactions, et un refuge pour les investisseurs dans les périodes troublées.

Standard and Poor's avait prévenu dès avril qu'elle envisageait cet abaissement, au vu de la persistance d'un déficit budgétaire élevé et de la montée de la dette publique.

Seuls 16 pays au mieux

Les Etats-Unis ont eu leurs finances publiques plombées par la dure récession qu'a traversée leur économie de fin 2007 à mi-2009. Depuis, la croissance économique est revenue mais ils ne sont pas parvenus à rétablir la santé de leurs finances publiques. Il reste seize pays notés "AAA" chez Standard and Poor's, dont la Suisse et quatre du G7: l'Allemagne, le Canada, la France et la Grande-Bretagne.

agences/vkiss

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Une note difficile à regagner

Les Etats-Unis, qui ont perdu vendredi leur note "triple A" attribuée par S&P à leur dette publique à cause de dérapages budgétaires, verront qu'il est possible mais très difficile de la regagner. Rares sont les pays qui ont réussi à grimper vers cet échelon. Mais les Etats-Unis ont un exemple tout près de chez eux: le Canada, qui avait perdu en 1992 son "AAA" sur sa dette libellée en monnaie étrangère chez Standard and Poor's, l'a regagné en 2002. Entre-temps, le pays a rééquilibré son budget fédéral de l'équivalent de plus de 8% du PIB selon l'OCDE, via une succession de règles limitant le montant des dépenses autorisées à Ottawa et une vaste réflexion sur le modèle économique et le projet de société du pays. Ces objectifs et les mesures pour y parvenir faisaient l'objet d'un consensus national difficile à imaginer aujourd'hui aux Etats-Unis.

Dans la même veine, trois pays scandinaves connus aussi pour leur aptitude au consensus politique ont vu leurs efforts de redressement des finances publiques couronnés par le retour d'un "triple A" perdu les années 1990: le Danemark en 2001, la Finlande en 2002 et la Suède en 2004. L'Australie est un modèle peut-être plus difficile à imiter. Ce pays a perdu en 1986 le "AAA" attribué à sa note en monnaie étrangère par S&P, pour ne le retrouver qu'en 2003. Pendant ces 17 ans, Canberra a fait preuve d'une discipline budgétaire inflexible, arrêtant à partir de 1997 d'augmenter le montant de sa dette en dollars.

Plus récemment, trois pays européens ont réussi à se hisser vers une note "triple A", mais sans s'y maintenir. Ils avaient pour point commun une bulle spéculative dans l'immobilier qui a gonflé leurs recettes fiscales: l'Irlande de 2001 à 2009, l'Islande de 2005 à 2008, et l'Espagne de 2003 à 2010. Dans deux cas, les notes sont lourdement retombées. L'Irlande ("BBB+" chez S&P) n'est plus capable d'emprunter sur les marchés de la dette depuis fin 2010, tout comme l'Islande ("BBB-") le fut pendant trois ans, entre 2008 et 2011. Quant à l'Espagne, malgré une note encore bonne ("AA"), elle emprunte aujourd'hui avec les taux d'intérêt les plus élevés qu'elle ait jamais connus depuis la création de la zone euro.