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Nouvelles mesures de la BNS contre le franc fort

La BNS est entrée en jeu mercredi pour tenter de soulager le franc suisse. [Ennio Leanza]
La BNS est entrée en jeu mercredi pour tenter de soulager le franc suisse. - [Ennio Leanza]
La Banque nationale suisse (BNS) réagit à l'accélération du mouvement d'appréciation du franc intervenu mardi. L'institut d'émission va mettre 40 milliards de francs supplémentaires à disposition des banques sur le marché monétaire. Elle estime que la situation actuelle pourrait déstabiliser les prix.

Dans un communiqué publié mercredi, la banque centrale indique qu'elle va en outre conclure des swaps de change, opérations de politique monétaire qui permettent la création de liquidités en francs. La BNS avait utilisé pour la dernière fois cet instrument en automne 2008.

Une "menace pour l'économie"

Dans son bref commentaire, l'institut d'émission rappelle que "la très vive surévaluation du franc constitue une menace pour l'évolution de l'économie". Le mouvement d'appréciation de la devise helvétique au regard du dollar et de l'euro a encore accru les risques d'une dégradation de la stabilité des prix, son objectif principal.

Dans un contexte d'incertitudes quant à la reprise économique aux Etats-Unis ainsi que de craintes liées à la dette américaine et des économies fragilisées de la zone euro, le franc tient plus que jamais son rôle de valeur refuge, avec l'or. Tant l'euro que le dollar n'ont ainsi cessé ces dernières semaines de glisser vers de nouveaux plus bas par rapport au franc.

Le franc réagit positivement

L'annonce de cette nouvelle intervention, la deuxième en une semaine, a quelque peu réduit la pression sur le franc. Après s'être rapprochée de la parité avec l'euro dans la soirée de mardi, avec un nouveau plus haut historique à 1,0201 franc, la devise helvétique fléchissait vers 10h00 à 1,0414 franc pour un euro.

Il y a trois semaines, le devise européenne se traitait encore à 1,1923 franc, contre 1,0285 franc un quart d'heure avant l'annonce de la BNS, soit vers 08h45. Le dollar a également inscrit un nouveau plus bas contre le franc mardi soir, le billet vert ne valant plus que 71,45 centimes. Mercredi à 10h00, il cotait 72,45 centimes.

Mardi soir, la banque centrale des Etats-Unis (Fed) a indiqué qu'elle allait garder son taux d'intérêt directeur près de zéro "au moins jusque mi-2013". Elle envisage par ailleurs de nouvelles mesures de relance pour aider l'économie.

Après plusieurs hésitations, et dans un climat toujours marqué par une volatilité extrême, les investisseurs ont finalement réagi favorablement au message de la Réserve fédérale. Les places boursières européennes, dont la Bourse suisse, ont clôturé la séance de mardi en hausse. Dans la foulée du fort rebond de Wall Street à la clôture de mardi, la Bourse suisse a confirmé la tendance de la veille, ouvrant mercredi en nette hausse. A lire: Marchés financiers

2e intervention en une semaine

Pour mémoire, la BNS est intervenue une première fois il y une semaine, estimant alors la monnaie helvétique "extrêmement surévaluée". Elle a réduit de 0%-0,75% à 0%-0,25% la marge de fluctuation du Libor à trois mois, son principal instrument de politique monétaire.

La banque centrale avait dans la foulée annoncé son intention d'accroître les avoirs que les banques commerciales détiennent en comptes de virement à la BNS de 30 à 80 milliards de francs. Pour ce faire, l'institut d'émission a mis fin avec effet immédiat à ses opérations de résorption de liquidités (reverse repos) et aux Bons de la BNS arrivant à échéance. La BNS a indiqué qu'elle rachètera l'encours de ces titres jusqu'à ce que les avoirs détenus par les banques en comptes de virement aient atteint le niveau visé.

Possibles mesures supplémentaires

La banque centrale réaffirme mercredi suivre très attentivement l'évolution sur les marchés des changes et financiers. Si la situation l'exige, elle prendra des mesures supplémentaires contre la vigueur du franc.

La semaine passée, la BNS a relevé que les perspectives de l'économie mondiale se sont assombries depuis son dernier examen de la situation économique et monétaire, qui remonte à la mi-juin. A l'issue de cette analyse, elle avait décidé de laisser inchangé le Libor à trois mois, le dernier assouplissement monétaire de la banque centrale datant alors de mi-mars 2009.

ats/cmen


A L'APPROCHE DES ÉLECTIONS, LES RECETTES DES PARTIS

Le PS propose un cours fixe du franc ou son arrimage provisoire à celui de l'euro, des taux d'intérêt négatifs et la restriction ponctuelle des transferts de capitaux. Les banques devraient s'engager à ne pas spéculer contre le franc. Quant aux entreprises, elles devraient publier leurs plus-values monétaires. Le Conseil fédéral est prié de créer un cadre légal pour appliquer ces mesures.

Le PLR considère comme du poison les mesures inédites proposées par le PS. Il préconise à l'inverse des recettes connues: réduire impôts, taxes et bureaucratie, conclure davantage d'accords de libre-échange et renforcer la concurrence. Pour soutenir le secteur des importations, les coûts de production doivent être baissés rapidement et de manière efficace.

L'UDC veut elle aussi une réduction des impôts et d'autres taxes, des solutions flexibles sur le marché de l'emploi pour les entreprises, moins de régulation et de lois, moins de bureaucratie.

Le PDC demande la mise en place d'une "taskforce", composée de représentants du Conseil fédéral, de la Banque nationale, du surveillant des Prix et de la Commission de la concurrence. Le but est de prendre "des mesures de politique économique efficaces" pour soutenir l'économie d'exportation. Les démocrates-chrétiens demandent en outre que les gains de change à l'importation soient répercutées sur les consommateurs.

Enfin, le PBD, représenté au gouvernement par la ministre des finances Eveline Widmer-Schlumpf, veut prolonger les mesures de politique économique prises pendant la crise financière et qui arrivent à échéance à la fin de l'année. Les réductions du temps de travail doivent ainsi rester possibles. Les bourgeois-démocrates veulent eux aussi faire sauter les prix imposés et répercuter les gains de change sur les consommateurs et entreprises.

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Les syndicats mi-figue, mi-raisin

Accusant la BNS et le Conseil fédéral de faiblesse, au vu des mesures insuffisantes qu'ils proposent, l'Union syndicale suisse (USS) estime mercredi dans un communiqué qu'ils causent des dommages importants à la Suisse et la "poussent vers une crise économique".

Avec les effets de l'appréciation du franc, la centrale syndicale craint d'assister à des délocalisations et à des fermetures d'entreprises. Par ailleurs, l'USS réclame que l'institut d'émission introduise un cours de change plancher par rapport à l'euro (sur ce sujet, lire l'encadré ci-contre).

L'Union suisse des arts et métiers (USAM) estime pour sa part que la BNS envoie un signal important aux marchés. La faîtière suisse des petites et moyennes entreprises salue également le moyen utilisé par la banque nationale. Une augmentation des comptes de virement des banques s'avère selon elle plus judicieux qu'une intervention directe sur les marchés.

Mais l'USAM s'attend aussi à une action sur le plan politique. Selon elle, le Conseil fédéral doit abolir les taxes qui pèsent sur les entreprises. Par des mesures structurelles, la faîtière entend ainsi réduire la pression sur les coûts.

Comme un air de déjà-vu

Tout comme l'USS, le professeur Tobias Straumann estime que les mesures annoncées par la BNS ne suffiront pas. En s'inspirant des décisions prises en 1978, comme la fixation d'un cours plancher, la tendance pourrait s'inverser.

A la fin des années 70, le franc s'est apprécié par rapport au Mark allemand, alors que le dollar s'affaiblissait depuis plusieurs années dans un contexte de crise pétrolière, compare Tobias Straumann, professeur d'histoire économique à l'Université de Zurich. De plus, le système monétaire était déstabilisé depuis la fin des taux de change fixes en 1973.

Dans le cadre des mesures prises par la BNS en 1973, seule la fixation d'un cours plancher avait fonctionné. Avec un tel instrument, la BNS pourrait aujourd'hui encore intervenir de manière illimitée en achetant des euros jusqu'à ce que le niveau de cours plancher fixé au préalable soit atteint. Plusieurs économistes ont d'ailleurs réclamé une solution de ce type.

Les décisions moins radicales de la BNS pourraient laisser croire que les membres du directoire de l'institut d'émission, que préside Philipp Hildebrand, ne partagent pas le même avis sur l'ampleur des mesures à mettre en oeuvre, note M. Straumann.