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Philipp Hildebrand aurait été forcé de démissionner

Si elle est plus rapide que prévu, la démission de Philipp Hildebrand ne surprend pas les médias. [Peter Klaunzer]
Si elle est plus rapide que prévu, la démission de Philipp Hildebrand ne surprend pas les médias. - [Peter Klaunzer]
Inévitable mais rapide, c'est ainsi que la presse suisse qualifie la démission de Philipp Hildebrand. Mais il semble aussi que le désormais ancien patron de la Banque nationale suisse était au courant de l'achat de dollars par son épouse et même que l'idée venait de lui.

Le Blick donne mardi des précisions sur le déroulement des faits qui ont mené à la démission de Philipp Hildebrand lundi: les onze membres du conseil de la Banque nationale suisse ont menacé Philipp Hildebrand de démissionner en bloc, s'il ne s'en allait pas.

Il semble que ces onze membres aurait reçu vendredi dernier la copie d'un mail qui les a plongés dans un abîme de perplexité. Un mail qui prouverait que c'est effectivement Kashya Hildebrand, la femme de Philipp Hildebrand qui a acheté des dollars en août dernier, mais que l'idée de cet achat venait de Hildebrand lui-même.

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Incapable de prouver sa bonne foi

"Le capitaine jette l'éponge pour sauver la crédibilité du navire BNS qui menaçait de prendre l'eau en éclaboussant son principal armateur, le Conseil fédéral", estime de son côté Le Quotidien Jurassien après la démission attendue de Philippe Hildebrand, tout en se disant surpris qu'elle intervienne aussi rapidement.

24 heures revient lui sur l'incapacité de Philipp Hildebrand à prouver sa bonne foi, raison de sa démission en fin de compte. "Sa sincérité est convaincante, mais elle est insuffisante". Le quotidien vaudois évoque un acte digne, qui "montre un sens du devoir et de l'Etat" de la part du patron de l'institut d'émission.

Le Matin s'en prend pour sa part au rôle de la banque centrale. "Il est grand temps que la BNS se réveille, sorte de son laxisme et se dote enfin de règles claires concernant les membres de sa direction. Pour le bien de tous".

Voir l'analyse de Bernard Rappaz, rédacteur en chef de la TSR:

Démission de Philipp Hildebrand: les précisions de Bernard Rappaz
Démission de Philipp Hildebrand: les précisions de Bernard Rappaz / 19h30 / 2 min. / le 9 janvier 2012

Christoph Blocher grand vainqueur

Les éditorialistes relèvent également la dimension politique de l'affaire. "Cette démission subite fera bomber le torse aux détracteurs de Philipp Hildebrand", référence à Christoph Blocher. "Une revanche qui versera du baume sur les plaies électorales de l'UDC, qui restent douloureuses à son stratège", estime Le Quotidien Jurassien.

A ce propos, 24 heures parle d'un Christoph Blocher "qui dans ce dossier joue sur du velours... et sur la haine des élites qu'il entretient depuis longtemps". Toutefois, Philipp Hildebrand "lui a tendu l'arme qui le poignarde aujourd'hui", l'arme constituée par la transaction sur devises controversée effectuée par son épouse. Pour Le Temps, le tribun zurichois remporte dans ce contexte une double victoire, personnelle et politique.

A lire, Affaire Hildebrand

L'analyse politique de Fabrice Gaudiano, de la RSR:

La prestation de Philipp Hildebrand devant les médias a convaincu les éditorialistes. [Steffen Schmidt]Steffen Schmidt
Philippe Hildebrand jette l'éponge, la BNS décapitée / Forum / 13 min. / le 9 janvier 2012

Un général qui part au mauvais moment

En ce qui concerne Philipp Hildebrand lui-même et son réseau international, Le Temps estime qu'avec son départ "la Suisse perd un homme de valeur, le seul relais avec le G20 et ses forums".

La Liberté constate elle que "la Suisse perd son général au plus mauvais moment, alors que perdure la guerre engagée pour éviter au franc d'atteindre un niveau suicidaire". Le quotidien fribourgeois, qui voit en Philipp Hildebrand un "omnipotent patron de la politique monétaire", craint un climat alourdi avec sa démission.

La presse met aussi en avant une certaine suffisance de la part du désormais ex-président de la BNS. "La conviction que rien ne pouvait l'atteindre", résume 24 heures. Pour Le Matin, "un banquier central, aussi brillant soit-il, ne peut vivre avec le moindre doute pesant sur son honnêteté".

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Tout le monde devra rendre des comptes

Outre-Sarine, la plupart des éditorialistes réagissent avec regret et respect au renoncement de Philipp Hildebrand, qu'ils voient cependant comme inévitable aussi. La NZZ dénonce, au-delà de l'attitude de Philipp Hildebrand et de son épouse, les faits ayant conduit au vol de données bancaires au sein de la Banque Sarasin. Le quotidien zurichois attend que les responsables répondent de leurs actes, Christoph Blocher compris.

Le Tages-Anzeiger suppose lui que la décision de démissionner de Philipp Hildebrand n'est pas tombée de manière autonome, laissant entendre que celui-ci a subi la défiance en rapide extension du Conseil de banque de la BNS. Quant à la Basler Zeitung, elle souligne que "Philipp Hildebrand n'est pas une victime et qu'il devait partir".

Le quotidien bâlois, via Markus Somm, son rédacteur en chef et biographe de Christoph Blocher, relève qu'un maintien à la tête de la BNS aurait créé une situation inacceptable face à l'étranger en termes de réputation.

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CRAINTES SUR LA STABILITE DU FRANC DANS LA PRESSE ETRANGERE

Philipp Hildebrand quitte avec effet immédiat la BNS. [Peter Klaunzer]
Philipp Hildebrand quitte avec effet immédiat la BNS. [Peter Klaunzer]

La démission de Philipp Hildebrand fragilise la place financière suisse, estiment de leur côté plusieurs quotidiens étrangers. Leurs craintes se portent en particulier sur la stabilité de la monnaie suisse. D'autres relativisent, soulignant que la BNS n'a pas prévu de modifier sa politique monétaire.

"L'abrupte sortie de Philipp Hildebrand fait naître le doute quant à la capacité de la banque centrale de maintenir le taux de change plancher à 1,20 franc pour un euro fixé en septembre 2011", écrit mardi le Wall Street Journal. "La crédibilité de la place financière helvète est en jeu", renchérit le quotidien Le Figaro.

Le Financial Times relativise: si le franc a connu un sursaut à l'annonce de la démission de Philipp Hildebrand, il est retombé au moment où la BNS a annoncé qu'elle ne changerait pas sa politique monétaire, souligne le journal mardi dans son édition européenne. La démission de Philipp Hildebrand ne devrait pas affecter la décision de la banque centrale de fixer le franc suisse à l'euro.

Une surprise

"Cette démission était une surprise", souligne de son côté le New York Times. La semaine dernière encore, Philipp Hildebrand semblait avoir le soutien du Conseil qui surveille la BNS, relève le journal américain.

"Stupeur dans la finance helvète", commente le quotidien français Libération, pour qui "Philipp Hildebrand fuit la Banque centrale" suisse. "Les populistes jubilent", titre pour sa part le site allemand Spiegel Online. Les soupçons ont suffi pour offrir une cible aux adversaires du banquier, estime-t-il. Et "Philipp Hildebrand a été livré pratiquement sans défense aux reproches". Ses ennemis les ont résolument utilisés, abandonnant même en route certains principes importants qu'ils brandissent sans cesse. "Le secret bancaire suisse par exemple", poursuit-il.

"Une fois les soupçons éveillés, il n'est plus possible de les balayer entièrement", renchérit le site Zeit online. Christoph Blocher et la Weltwoche ont qualifié Hildebrand "d'escroc" et de "spéculateur". Et même si les sources des accusations se sont révélées de plus en plus minces, "rien n'a pu aider le banquier".

ats/boi

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