La TV "intelligente" et "connectée" en vedette du CES 2012

A l'occasion de l'ouverture du CES (du 10 au 13 janvier 2012) à Las Vegas, l'attention des spécialistes et des consommateurs devrait se diriger cette année sur les efforts fournis par les fabricants pour proposer une nouvelle génération de téléviseurs connectés à internet. Les arguments vantant les mérites de la 3D, technologie qui peine à convaincre le grand public, sont pour leur part mis de côté. Après des débuts timides, la bataille est donc relancée.

Google TV passe la seconde

Sortie il y a un an avec notamment la participation de l'entreprise vaudoise Logitech, la Google TV a jusqu'ici été un échec cinglant. La firme de Mountain View ne s'est toutefois pas apitoyée sur son sort et passe aujourd'hui la deuxième vitesse avec l'appui des plus grands constructeurs (Sony, LG et Samsung). La Google TV adopte la version 2.0 et sera disponible sur plusieurs appareils compatibles.

Ce service, pour l'heure seulement accessible aux Etats-Unis, permet d'utiliser des applications (sur le même modèle que les smartphones et tablettes tactiles) directement sur la TV, surfer sur internet et les réseaux sociaux, accéder à des services de vidéo à la demande (VoD) et jouer.

Android aussi de la partie

Signe de l'intérêt croissant pour ce marché, des fabricants plutôt estampillés "informatique" se lancent également sur le créneau des téléviseurs. Le géant chinois Lenovo (qui a racheté IBM en 2005) a par exemple présenté deux TV véhiculées par le système d'exploitation Android, l'OS mobile de Google pour smartphones et tablettes!

Les modèles Lenovo K81 et K91 (respectivement 42 et 50 pouces) sont par ailleurs propulsés par un processeur bien connu du monde de la téléphonie mobile: le Snapdragon. Ces "tablettes géantes" (qui disposent de web-cam en façade) seront commercialisées dans les prochains mois en Chine.

Aucune date de commercialisation en Europe n'a en revanche été annoncée, mais Lenovo a fait part de son intention d'en écouler aussi sur le Vieux Continent.

Le numéro un des téléviseurs ne se relâche pas

Samsung a de son côté lancé en avril 2011 Smart TV (parfois nommé Smart Hub), un concept similaire à la Google TV, avec un certain succès. Ce produit associé à des TV ou des lecteurs-enregistreurs n'a par ailleurs cessé de se développer depuis son lancement.

Mais à l'occasion du CES, le fabricant coréen a souhaité malgré tout asseoir sa domination sur le marché des téléviseurs avec une nouveauté somme toute logique: la reconnaissance vocale et gestuelle. Le concept découle du Kinect que Microsoft commercialise depuis plus d'un an pour sa console de salon Xbox360. Microsoft vient d'ailleurs de présenter un nouveau Kinect plus évolué spécialement dévolu aux ordinateurs.

La télécommande aux oubliettes?

La série ES8000 des téléviseurs de Samsung, également équipée de processeurs intégrés, devrait pointer le bout de son nez "dans le courant de l'année", comme le disent souvent les fabricants lors de ces grands raouts. On attendra donc encore un peu pour vérifier si cette reconnaissance vocale et gestuelle permet de remplacer avantageusement la télécommande traditionnelle.

Mais les banderilles plantées dans le flanc de la zapette se multiplient. Un autre acteur important, le japonais Sony, a présenté une télécommande/clavier tactile liée à la Google TV précitée. Le géant de l'électronique a également introduit un outil de reconnaissance vocale dans un lecteur Blu-Ray (toujours compatible Google) qui répond au doux nom de TV NSZ-GP9 (TV NSZ-GP7 pour la télécommande). Le compte à rebours est lancé.

Apple devrait faire le grand saut

Si la reconnaissance gestuelle avait fait une percée importante lors de la sortie du Kinect, la reconnaissance vocale s'est pour sa part émancipée dans le domaine de la téléphonie mobile grâce à l'iPhone 4s. Mais Apple voit plus loin et semble décidé à décliner son assistant vocal Siri dans des téléviseurs. Selon des rumeurs de plus en plus insistantes, la firme de Cupertino s'apprête en effet à lancer sa propre gamme de téléviseurs (iTV?) et y déployer tout son savoir-faire en matière de design et d'ergonomie.

On ne devrait toutefois pas en savoir davantage lors de ce CES, puisque Apple réserve ses annonces à ses propres keynotes (Microsoft en fera de même à l'issue du CES 2012). La firme américaine n'est toutefois pas novice sur ce marché. Un premier boîtier multimédia que l'on branche au téléviseur, l'Apple TV, permettant de lire le contenu d'iTunes sur téléviseur et d'accéder à la VoD a en effet été lancé en 2007 déjà aux Etats-Unis. La Suisse a pour sa part attendu jusqu'en novembre 2010 pour avoir accès à cette offre.

Microsoft affairé à autre chose

En revanche, le grand rival Microsoft est toujours affairé à rattraper son retard dans les systèmes d'exploitation pour téléphones mobiles et tablettes, ainsi qu'à peaufiner son nouvel OS multi-plateforme Windows 8. Rien ne devrait donc être annoncé quant à une nouvelle offre TV du géant de Redmond. Etonnant, surtout que même Ubuntu (système d'exploitation gratuit et open source basé sur Linux) a annoncé son voeu de lancer une Ubuntu-TV!

Microsoft n'est néanmoins pas totalement absent du secteur, puisque sa bonne "vieille" Xbox360 propose de la vidéo à la demande et des applications. La console devrait même se muer, via une mise à jour, en enregistreur numérique. Sa principale rivale, la Playstation 3 du japonais Sony, propose d'ailleurs également de la "video on demand" (VoD).

Les autres "nouveautés" du CES

Ce Consumer Electronic Show ne sera pas celui de la révolution dans les autres secteurs multimédia. Les principales annonces concernent les ultrabooks, ordinateurs portables très légers et performants, ainsi que les tablettes et les smartphones. Mais aucune fiche technique ne sort du lot puisque la plupart de ces produits ne sont généralement que des mises à jour de produits présentés l'an passé.

Arrivé à maturité, le marché des tablettes tactiles voit ainsi l'irruption de nombreux nouveaux modèles sans qu'une diagonale d'écran (en général de 7 à 10 pouces) ne s'impose réellement comme étalon. Outre la généralisation des processeurs à deux et surtout quatre coeurs, la seule annonce suscitant la curiosité réside en l'apparition d'écrans Full-HD (1920x1080).

L'incontournable iPad devrait par conséquent poursuivre son règne, tandis que du côté d'Android (l'OS de Google qui passe à la version 4), l'Asus Transformer Prime - modèle équipé d'un clavier détachable annoncé en 2011 et qui devrait très prochainement être disponible en Suisse - devrait s'en tirer avec les honneurs aux côtés de la Samsung Galaxy Tab (disponible depuis l'automne dernier).

Des mobiles à foison sans révolution matérielle

Hormis quelques ajustements hardware (écrans plus grands et processeurs plus puissants), les téléphones tactiles ne suscitent pas plus de curiosité chez les "early adopters" (consommateurs avides de nouveautés qui vendraient leur famille pour du nouveau matériel dernier cri). HTC, Motorola, Sony, LG et Samsung poursuivent la démultiplication de leurs modèles et l'on y perd de plus en plus son latin en voyant leurs catalogues.

En revanche, Nokia et Microsoft - en retardataires du segment de la téléphonie mobile - éveillent tout de même la curiosité. Le tandem a présenté un nouveau modèle haut de gamme (le Lumia 900) qui remporte un joli succès d'estime. Reste à voir si leur vendange tardive sera sanctionnée par un succès commercial alors qu'Apple et Android se sont déjà taillé la part du lion.

L'oeil sur plusieurs écrans

Pour boucler la boucle - et puisque les téléphones mobiles et les tablettes ont changé plusieurs modes de consommation, y compris celui de la télévision - signalons enfin l'arrivée des applications dites de "second écran".

Les diffuseurs et l'industrie ont en effet compris qu'il y avait un potentiel à exploiter dans ces nouveaux petits écrans que l'on peine à quitter des yeux, même enfoncés dans le canapé du salon. C'est ainsi que commencent à proliférer des applications liées au programme TV que le téléspectateur est en train de regarder.

Certains de ces logiciels sont directement liés à ce que l'on nomme la Social TV. Ils permettent ainsi de commenter en direct les programmes TV sur des forums ou des réseaux sociaux. D'autres applications proposent du contenu additionnel au programme regardé, un peu comme les bonus des DVD que l'on peut consulter en même temps que le film.

Certains extrapolent déjà... On se prend ainsi à rêver de voir d'un nouvel angle (par exemple une caméra derrière la ligne de but) le goal victorieux de la coupe du monde en direct sur un téléphone, alors que le match est diffusé traditionnellement sur téléviseur. Le strabisme risque bien de devenir une qualité dans cette prolifération des petits et grands écrans.

Jérôme Zimmermann