Sur la planète hip-hop, The Roots tient une place particulière. Une aura bien spéciale qui s'explique par un rap résolument ancré dans une tradition musicale, celle du jazz, du funk et de la black music, ainsi que par un attachement profond aux instruments "live" au détriment des boîtes à sons. La sortie d'un album des Roots est donc toujours un événement.
"Undun", 11e galette de la formation de Philadelphie, ne fait pas exception à la règle. Dans cet album-concept, le groupe retrace, dans un ordre anti-chronologique, la brève et tragique existence d'un personnage de fiction, un petit criminel nommé Redford Stephens.
"Undun", vie et mort de Redford Stephens
"Dun" ouvre l'album. Des voix lointaines, une petite musique spectrale, le son aigu et continu d'un électroencéphalogramme plat : c'est fini, Redford Stephens, 25 ans à peine, est décédé ! Deuxième titre : "Sleep". Les dernières pensées d'un homme mourant plongé dans le coma. Un rap triste servi par le flow lent et posé du MC Black Thought.
Le troisième morceau, "Make My", sonne comme une prière. Conscient de la vacuité de sa vie de gangster, Redford demande le pardon du Tout-Puissant avant de se donner la mort. Un titre puissant et entraînant, à défaut d'être le plus abouti, qui a été choisi comme premier single de l'album.
The Roots pas loin de la perfection
Les morceaux suivants content l'apogée criminel de Redford Stephens, son ascension vertigineuse dans le milieu des gangsters, sa folie meurtrière, ses doutes, son besoin d'échapper à ses origines par la réussite matérielle. L'album se termine sur un quadruple titre instrumental, suite en quatre mouvements, dont le superbe "Redford" signé Sufjan Stevens.
Les 14 morceaux s'enchaînent superbement, le plaisir d'écoute atteint des sommets. Un seul titre, malheureusement, fait tache au milieu de ce chef-d'oeuvre : "Lighthouse", une chanson que l'on aurait davantage vu chez Rihanna que dans un album du combo de Philadelphie.
Avec "Undun", The Roots signe un album noir, nostalgique et envoûtant. Un rap appuyé, un flow ravageur, des refrains accrocheurs, des textes acérés et des instrus superbement maîtrisées : sorti en décembre dernier, "Undun" est sans aucun doute l'un des meilleurs albums de 2011, et peut-être l'un des meilleurs de l'histoire du hip-hop.
Un extrait de "Maky My", une vidéo promotionnelle des Roots :
The Black Keys : une recette inchangée
Depuis plus de dix ans, les Black Keys livrent un rock teinté de blues aux sonorités rétro. Une marque de fabrique encore accentuée avec "Brothers", leur plus grand succès sorti en 2010.
Pour leur 7e album studio, "El Camino", les Black Keys n'ont rien changé à la recette qui a fait leur fortune. Ils ont ainsi fait appel à Danger Mouse, déjà aux manettes pour "Brothers". Membre des Gnarls Barkley, ce DJ américain a notamment produit des albums de Gorillaz, Beck ou encore Martina Topley-Bird.
Dès les première notes de "Lonely Boy", qui ouvre l'album, la musique des Black Keys donne une furieuse envie de se trémousser. Le rythme est entraînant, la guitare de Dan Auerbach crisse et gronde : du Black Keys à l'état pur. Ceux qui veulent du neuf vont déchanter, mais les fans absolus du duo d'Akron vont adorer.
Des réussites, un raté et deux chefs-d'oeuvre
Les Black Keys enchaînent les titres aussi courts (un seul morceau dépasse les 4 minutes) qu'accrocheurs. Les choeurs sont omniprésents - jusqu'à l'excès diraient certains -, donnant du relief à une partition minimaliste. Le résultat fonctionne à merveille, à l'instar du terrible "Run Right Back". Ce petit bijou succède à "Money Maker", seule faute de goût de l'album avec son insupportable effet "reverb", bien trop exagéré.
Au final, "El Camino" c'est donc de nombreuses réussites et un raté, mais c'est surtout deux véritables chefs-d'oeuvre : "Sister" - un riff de gratte infernal et une ligne de basse surpuissante - et "Little Black Submarines" - un titre qui commence en douceur, en acoustique, puis qui explose dans un déluge sonore digne des plus grandes heures du rock.
"Lonely Boy", premier single du dernier album des Black Keys :
La noirceur de "Millenium" mise en musique
La saga "Millenium" retrouve le grand écran la semaine prochaine. Mais la bande originale du film, signée Trent Reznor et Atticus Ross, est elle déjà dans les bacs, sous le titre anglais "The Girl with the Dragon Tattoo".
Après la bande originale de "The Social Network", maintes fois primée - l'album de Trent Reznor et Atticus Ross avait notamment obtenu l'Oscar de la meilleure musique de film l'an dernier -, il s'agit de la deuxième collaboration entre le cinéaste américain et le leader de Nine Inch Nails.
Du premier titre, "Immigrant Song", reprise de Led Zep', au dernier, Trent Reznor et son compère réussissent à installer et maintenir une atmosphère sombre et oppressante, en parfaite adéquation avec le roman de Stieg Larsson.
La reprise du titre "Immigrant Song" de Led Zeppelin :
Didier Kottelat
Les sorties à venir
Le Peuple de l'Herbe, "A Matter of Time" (16 janvier)
Death by Chocolate, "From Birthdays to Funerals" (20 janvier)
Nada Surf, "Stars are Indifferent to Astronomy" (20 janvier)
Zebda, "Second tour" (23 janvier)
Juliette Gréco, "Ça se traverse et c'est beau..." (23 janvier)
Leonard Cohen, "Old Ideas" (27 janvier)
Lana del Rey, "Born to Die" (27 janvier)
Bob Sinclair, "Disco Crash" (30 janvier)
Tal, "Le droit de rêver" (30 janvier)
Paul McCartney, "Kisses On The Bottom" (3 février)
Air, "Le voyage dans la Lune" (3 février)
Mark Lanegan, "Blues Funeral" (3 février)
Van Halen, "A Different Kind Of Truth" (3 février)
The Fray, "Scars and Stories" (7 février)
The Cranberries, "Roses" (14 février )
Katie Melua, "Secret Symphony" (2 mars)
Rufus Wainwright, "Out of Game" (17 mars)
Leona Lewis, "Heart Glass" (23 mars)
Bruce Springsteen, "Wrecking Ball" (30 mars)
L'information musicale de la semaine
Un morceau inédit de Brahms, découvert presque 160 ans après sa composition, sera joué en première mondiale sur la BBC la semaine prochaine. Cette pièce très courte - deux minutes -, a été écrite par Brahms en 1853 quand il n'avait que vingt ans.
Cette page de piano, intitulée "Albumblatt", est "une petite pièce, mais parfaitement construite", selon la BBC. Elle a été trouvée par hasard par le chef d'orchestre et musicologue britannique Christopher Hogwood, alors qu'il consultait des manuscrits dans une bibliothèque de Princeton aux Etats-Unis.
"C'est une incroyable découverte qui donne un aperçu fascinant du travail de ce grand compositeur", a souligné Roger Wright, le directeur de Radio 3, la station de musique classique de la BBC. Christopher Hogwood a trouvé ce morceau dans un livre qui avait appartenu à un chef d'orchestre à Göttingen, en Allemagne.
"Il a vu les signatures de plusieurs musiciens célèbres qui étaient allés dîner chez lui, dont Liszt et Schumann, et a été stupéfait de découvrir cette petite pièce complète de Brahms, écrite quand il avait 20 ans", a expliqué Tom Service, présentateur de l'émission Music Matters sur BBC3 durant laquelle sera joué le morceau.
Le thème d'Albumblatt a été utilisé par Brahms douze ans plus tard dans le second mouvement de son trio pour piano, violon et cor, opus 40. Interprété par le pianiste hongrois Andras Schiff, cet inédit sera diffusé le 21 janvier, à 12h15 GMT (13h15 en Suisse), sur Radio 3. (afp)