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Procès Eternit: Stephan Schmidheiny condamné

Stephan Schmidheiny était accusé d'avoir provoqué "une catastrophe sanitaire" et enfreint la sécurité au travail. [www.stephanschmidheiny.net]
Stephan Schmidheiny (photo non datée) était accusé d'avoir provoqué "une catastrophe sanitaire" et enfreint la sécurité au travail. - [www.stephanschmidheiny.net]
Le tribunal de Turin a condamné lundi le milliardaire suisse Stephan Schmidheiny et le baron belge Jean-Louis de Cartier, absents de l'audience, à seize ans de prison dans le procès de l'amiante. Les deux ex-propriétaires d'Eternit-Italie ont été reconnus coupables d'homicide involontaire. La défense fera appel.

Le milliardaire suisse Stephan Schmidheiny (65 ans) et le baron belge Jean-Louis Marie Ghislain de Cartier (90 ans), qui ne se sont jamais présentés aux audiences, ont été jugés responsables de la mort d'environ 3000 personnes en Italie, anciens ouvriers ou habitants de quatre localités où Eternit-Italie avait ses usines. Le tribunal a en revanche jugé que les faits étaient prescrits dans les cas de Bagnoli et Rubiera, où étaient situées deux autres usines.

Le parquet avait requis vingt ans de prison, alors que la défense avait plaidé l'acquittement. Les deux hommes ont aussi été condamnés à verser plusieurs dizaines de millions d'euros aux diverses parties civiles. La verdict du tribunal de Turin est "totalement incompréhensible", estime la défense de Stephan Schmidheiny, qui a annoncé lundi vouloir faire appel. Cette procédure peut durer plusieurs années et aller jusqu'en Cassation, ce qui pourrait repousser à très loin un jugement définitif.

Un séjour en prison ne semble pas près de se produire. Comme la majorité des pays européens, la Suisse se réserve le droit de refuser l’extradition de ses propres ressortissants. Par ailleurs, Stephan Schmidheiny vit essentiellement en Amérique latine et ne revient que rarement à son domicile de Schwytz.

Réparations

Le procès Eternit  s'était ouvert en décembre 2009 à Turin. [DAMIEN MEYER]
Le procès Eternit s'était ouvert en décembre 2009 à Turin. [DAMIEN MEYER]

Les deux anciens propriétaires du groupe Eternit S.p.a. Gênes et leurs sociétés devront notamment verser 25 millions d'euros à la commune de Casale Monferrato, 20 millions d'euros à la région Piémont et quinze millions d'euros à l'Inail, l'équivalent italien de la SUVA. Jean-Louis de Cartier devra également verser quatre millions d'euros à la commune de Cavagnolo.

Les deux hommes devront en outre verser entre 70'000 et 100'000 euros à huit associations, dont des syndicats et le WWF. Les victimes de l'amiante et leurs familles recevront quant à elles des indemnités s'élevant pour la plupart entre 30'000 et 35'000 euros, selon la liste lue par le président du tribunal.

Considérés comme responsables effectifs d'Eternit-Italie, les deux hommes étaient accusés d'avoir provoqué "une catastrophe sanitaire et environnementale permanente" et enfreint la sécurité au travail. Les accusés affirmaient de leur côté avoir tout fait pour limiter les risques dus à l'amiante et informer le public.

Plus de 6000 plaignants

Le procès s'était ouvert en décembre 2009 à Turin. Il a compté plus de 6000 parties civiles. Les victimes de l'amiante dans d'autres pays, qui réclament, notamment en France, des procès similaires, espèrent qu'il puisse faire jurisprudence et créera un précédent.

Le groupe Eternit de Stephan Schmidheiny a été un important actionnaire d'Eternit-Italie de 1976 à 1986. Jean-Louis Marie Ghislain de Cartier de Marchienne a été actionnaire minoritaire et administrateur d'Eternit-Italie au début des années 1970. La société a fait faillite en 1986, six ans avant l'interdiction de l'amiante dans le pays.

UN MATÉRIAU DE CAUCHEMAR

Victimes de l'amiante: procès géant en Italie
Victimes de l'amiante: procès géant en Italie

Matériau miracle qui a tourné au cauchemar, l'amiante a été utilisée massivement en raison notamment de sa résistance à la chaleur et au feu, avant son interdiction dans certains pays, notamment européens. Le pic de production a été atteint dans la seconde moitié des années 70, avec plus de 5 millions de tonnes annuelles. Ce produit a été utilisé jusque dans les années 80 et a été interdit en Suisse en 1990.

Selon un rapport de l'OMS datant de 2007, environ 125 millions de travailleurs sont exposés à l'amiante sur leur lieu de travail et au moins 90'000 meurent chaque année de maladies liées à l'amiante.

Selon le Comité d'aide et d'orientation des victimes de l'amiante (Caova), plus de 6000 travailleurs ont été exposés à l'amiante dans les usines d'Eternit en Suisse, soit près d'un millier à Payerne et plus de 5000 à Niederurnen (GL). Près de 400 d'entre eux ont développé un cancer lié à ces fibres.

Les fibres d'amiante peuvent être à l'origine de maladies incurables qui ne se manifestent souvent que 20, 30, 40 ans ou plus tard encore après l'exposition. L'amiante est nocif lorsqu'il est inhalé. De faibles concentrations de poussières d’amiante dans l’air suffisent à provoquer l’apparition de maladies pulmonaires, explique le Forum amiante Suisse (plate-forme commune de l'Office fédéral de la santé publique, de l'Office fédéral de l'environnement et de la Suva).

De structure cristalline, les fibres d’amiante ont la propriété de se diviser dans le sens de la longueur pour prendre une taille toujours plus petite. L'organisme humain n'en élimine ou n’en décompose qu'une infime partie.

Lorsque ces fibres restent pendant des années dans les tissus pulmonaires, elles peuvent provoquer diverses maladies, parfois des cancers. Il est donc important que l’exposition de la population à des fibres d'amiante présentes dans l'air soit aussi faible que possible.

afp/cab

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Les procès de l'amiante dans le monde

Le procès Eternit du drame de l'amiante est le tout premier au pénal et pourrait créer un précédent pour les autres pays d'Europe et du reste du monde concernés.

En Suisse, il n'y a plus de plaintes au pénal, trois recours déposés contre les ex-propriétaires d'Eternit dans le pays, Thomas et Stephan Schmidheiny, ayant été jugés prescrits en 2008.

Les procédures en cours concernent désormais surtout la reconnaissance du cancer du poumon ou du cancer de la plèvre (provoqués par l'amiante) comme maladie professionnelle par la Suva (Caisse nationale suisse d'assurance).

Cette qualification donne droit à diverses prestations dont une rente d'invalidité, une indemnité pour atteinte à l'intégrité, et en cas de décès une rente pour les proches.

Selon Henri Mathis, porte-parole de la Suva, depuis le 1er janvier 2009, il y a eu 23 procès en Suisse sur l'amiante, dont 4 en attente de jugement et 19 qui ont été tranchés. Dans 11 cas, les juges ont donné raison à la Suva, qui avait refusé la qualification de maladie professionnelle, et dans 8 cas aux victimes.

En France, les premières plaintes de travailleurs exposés datent de 1996, mais il n'y a eu aucun grand procès à ce jour alors que l'amiante, interdite en 1997, est jugée responsable de 10 à 20% des cancers du poumon et pourrait provoquer 100'000 décès d'ici 2025, selon les autorités sanitaires.

En Belgique, pays de l'autre principal accusé au procès de Turin, le baron Jean-Louis Marie Ghislain de Cartier de Marchienne, ex-actionnaire d'Eternit Italie, un tout premier jugement au civil a accordé le 28 novembre dernier une indemnisation de 250'000 euros à la famille de victimes de l'amiante.

Le tribunal civil de Bruxelles a jugé le fabricant belge d'amiante Eternit responsable de la mort en 2000 de la femme d'un ingénieur de l'usine décédé 13 ans plus tôt à cause de l'amiante et dont deux des cinq fils ont succombé pour la même raison.

Hors d'Europe, au Japon, une loi adoptée en 2006, accorde aussi des dédommagements aux victimes de maladies liées à l'amiante ou à leurs familles.