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Colombie: Jean-Pierre Gontard blanchi par la justice

Jean-Pierre Gontard, ici lors de son passage à Mise au point en 2008.
Jean-Pierre Gontard, ici lors de son passage à Mise au point en 2008.
Jean-Pierre Gontard a été blanchi par la justice colombienne. Après quatre ans de procédure, l'ancien émissaire suisse a été libéré de toutes les charges qui pesaient contre lui, comme l'a appris la RTS.

Le parquet colombien a rendu une ordonnance de non-lieu le 16 janvier dernier à l'égard de Jean-Pierre Gontard, ancien directeur adjoint de l'Institut universitaire d'études du développement (IEUD). Celui-ci dit n’avoir "jamais douté de cette issue positive".

Jean-Pierre Gontard avait été inculpé en juillet 2008 pour "gestion de fonds d'une organisation terroriste". On lui reprochait d'avoir versé, en 2001, une rançon de 500'000 dollars pour faire libérer deux employés de l’entreprise pharmaceutique Novartis.

L'instruction avait été ouverte sur la base de mails saisis dans l’ordinateur de Raul Reyes, le numéro deux Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), mort en mars 2008 dans un bombardement en Equateur. Plus largement, le parquet colombien, la Fiscalia, a enquêté sur son rôle de facilitateur et ses liens avec les FARC.

Pas de comportement illicite

L'ordonnance de non-lieu conclut que "Jean-Pierre Gontard n'a jamais eu de comportement illicite". "Les preuves réunies au cours de l’enquête montrent qu'il n’a jamais agi au bénéfice des FARC. Il ne partage ni leurs idées, ni leur idéologie (…) Ses intentions ont toujours été éminemment humanitaires."

Infatigable homme de terrain, Jean-Pierre Gontard a durant des années joué les médiateurs entre Bogota et la guérilla marxiste , et aussi l’Armée de libération nationale(ELN). Il a sillonné la jungle colombienne à cheval, à pied, en bateau, rencontrant à de nombreuses reprises les chefs des FARC. Il a aidé à la libération de centaines de militaires, et de quelques otages étrangers.

Mandaté par Joseph Deiss

En 2001, le conseiller fédéral Joseph Deiss l'avait mandaté après l'enlèvement de deux employés de Novartis. Le dossier est alors au point mort: le géant pharmaceutique a déjà versé 2 millions de dollars, mais la dernière tranche 500'000 dollars a disparu, détournée par un guérillero.

Jean-Pierre Gontard se rend chez Manuel Marulenda, le grand chef des FARC (mort en mars 2008). Il obtient que les otages soient libérés avant le versement de la dernière tranche. Son nom apparaît alors dans plusieurs mails "Pour couvrir Novartis, j’avais demandé aux FARC de ne mentionner que mon nom. C'était une grosse erreur", reconnaît-il.

Cette "vieille" histoire lui vaudra une inculpation. "Novartis n'a pas manifesté beaucoup d’empressement à me défendre", juge l’universitaire. Le géant pharmaceutique n'a jamais voulu produire une lettre pour attester du fait que ce sont deux de ses cadres qui avaient remis la rançon à Panama, alors qu'au même moment le professeur Gontard se trouvait à Genève.

Actif durant la détention d'Ingrid Betancourt

En 2004, il obtient une mission de facilitation au nom de la Suisse, de la France et de l'Espagne. Il a été actif durant toute la détention d’Ingrid Betancourt et fournira à Paris les premières preuves de vie de l’otage.

Mais en juillet 2008, au lendemain de la libération musclée par Bogota de la Franco-Colombienne, le vent tourne brusquement. "Le gouvernement colombien a pensé qu'il était mieux de ne pas avoir de facilitateurs et d'intermédiaires et de se retrouver seul face à la guérilla", estime Jean-Pierre Gontard. Les partisans de la méthode forte avec les FARC dénoncent alors sa trop grande proximité avec les guérilleros.

Soutenue par le Département fédéral des affaires étrangères, la stratégie aura toujours été "de laisser la justice poursuivre son travail, alors que l'affaire était au départ éminemment politique". En décembre 2011, la magistrate colombienne chargée de l’instruction avait pris la décision de fermer l'enquête. Mais Jean-Pierre Gontard et ses avocats se sont battus pour qu'un non-lieu soit prononcé.

Agathe Duparc

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