L'homme fort de la Russie, Vladimir Poutine a remporté la présidentielle de dimanche avec 63,9% des voix, selon les résultats portant sur 98,47% des bureaux de vote annoncés par la commission électorale centrale. (lire: Elu président, Poutine s'est imposé comme un dirigeant autoritaire).
Le communiste Guennadi Ziouganov arrive en deuxième position avec 17,18% des voix. Suivent le milliardaire libéral Mikhaïl Prokhorov obtient 7,7%, le populiste Vladimir Jirinovski 6,24% et le centriste Sergueï Mironov 3,84%. La participation a atteint 64%.
Comme à l'accoutumé, Vladimir Poutine a obtenu son meilleur score dans la république caucasienne de Tchétchénie où le futur chef du Kremlin a raflé 99,73% des voix pour une participation de 99,59%, selon Interfax.
Fraudes dénoncées
Avant la clôture du vote, les représentants de certains candidats, des opposants, les organisations d'observation électorale comme l'association Golos et la Ligue des électeurs ainsi que des médias indépendants ont affirmé avoir recensé quantité de fraudes. Si elles sont confirmées, ces allégations pourraient saper la légitimité de la victoire de Vladimir Poutine et alimenter le mouvement de contestation.
Le site control2012.ru, mis en place pour comptabiliser les infractions constatées par la Ligue des électeurs, le parti démocrate Iabloko et les partisans de M. Prokhorov, avait comptabilisé dans la nuit 5947 cas. Ce site recensait notamment 132 cas de bourrage d'urnes et 327 cas de "transport massif d'électeurs", une technique qui permet à un groupe de voter plusieurs fois dans différents bureaux grâce à des autorisations frauduleuses.
Un journaliste de l'AFP a vu sur une place centrale de Moscou plus d'une centaine de bus ayant conduit à Moscou des milliers de jeunes venus d'autres régions. Ces personnes n'ont pas voulu dire qui avait organisé leur déplacement, mais ont confié être venues spécialement pour voter pour Poutine. La loi électorale permet à une personne de voter dans un autre bureau que le sien, une règle qui, selon l'opposition, facilite les fraudes.
Un bourrage d'urnes qui fait scandale
Dans un bureau de vote du Daguestan, dans le Caucase russe, une webcam a enregistré le bourrage d'une urne. Les images font scandale. Les images, visibles sur le site internet YouTube (voir la vidéo ci-dessous), montrent plusieurs personnes qui, pendant plusieurs minutes, glissent des dizaines de bulletins dans deux urnes, sans se dépêcher et sans s'interrompre quand viennent voter d'autres électeurs.
"Nous avons reçu des plaintes de ce bureau. Je vous assure que le résultat de ce bureau sera invalidé", a déclaré le vice-président de la commission électorale centrale Léonid Ivlev, cité par l'agence Ria Novosti. Le chef de la campagne de Vladimir Poutine a estimé qu'il ne s'agissait pas forcément d'un bourrage d'urnes. "Mais si la fraude se confirme, nous allons contester les résultats dans ce bureau", a-t-il souligné.
L'opposition a appelé à une manifestation massive lundi dans le centre de Moscou. De son côté, la mission d'observation électorale de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) doit donner ses conclusions sur le scrutin lundi. (voir ci-contre)
24 ans au pouvoir?
A 59 ans, l'ancien colonel du KGB a déjà été président de 2000 à 2008, enchaînant deux mandats de quatre ans. La Constitution ne lui permettant pas de briguer un troisième mandat consécutif, il a ensuite servi comme Premier ministre, laissant la présidence à son dauphin, Dimitri Medvedev, qui devrait désormais le remplacer à la tête du gouvernement.
Pendant la parenthèse Medvedev, le mandat présidentiel a été allongé à six ans renouvelable une fois, ce qui permettrait à Vladimir Poutine, s'il est réélu, de passer douze nouvelles années au Kremlin. Il cumulerait 24 années de pouvoir, plus que tout autre dirigeant soviétique ou russe avant lui, excepté Joseph Staline.
agences/hof/dk
Révision de l'affaire Khodorkovski ordonnée
Dmitri Medvedev a chargé le procureur général Iouri Tchaïka "d'analyser d'ici le 1er avril la légitimité et le bien-fondé de jugements" concernant 32 personnes condamnées, dont Mikhaïl Khodorkovski et son principal associé Platon Lebedev qui purgent une peine de 13 ans de prison, selon un communiqué diffusé dimanche.
Le président sortant réagit ainsi à la demande de l'opposition qui lui a transmis une liste de personnes considérées comme des "prisonniers politiques", lors d'une rencontre le 20 février.
La libération de prisonniers politique était l'une des exigences des grandes manifestations d'opposition à Moscou qui ont suivi les législatives contestées du 4 décembre. L'un des avocats de Mikhaïl Khodorkovski a pris la nouvelle avec quelque réserve.
Emprisonné depuis 2003, Mikhaïl Khodorkovski a été condamné pour fraude fiscale, blanchiment et détournement de pétrole, dans une affaire considérée par de nombreux observateurs comme un règlement de comptes entre le pouvoir et l'homme d'affaires qui avait tenu tête au Kremlin et finançait l'opposition.
Lutte "honnête" contre scrutin "indigne"
"Nous avons gagné dans une lutte ouverte et honnête", a lancé Vladimir Poutine, devant plus de 100'000 partisans réunis dimanche soir à Moscou place du Manège, face au Kremlin.
Nos électeurs "savent faire la différence entre le désir de renouveau et les provocations politiques dont le but est de détruire notre Etat et d'usurper le pouvoir", a-t-il ajouté. Une allusion claire à la contestation sans précédent dans le pays ces trois derniers mois, qu'il a à plusieurs reprises accusée de servir les intérêts de puissances étrangères.
"C'est une élection de voleurs, absolument malhonnête et indigne", a déclaré le communiste Guennadi Ziouganov, en ajoutant: "Nous ne reconnaissons pas ces élections".
Le libéral Vladimir Ryjkov, un des leaders de la coalition qui a mobilisé des dizaines de milliers de manifestants depuis les législatives de décembre, a jugé de son côté que "pas un paramètre ne permet de considérer cette élection comme légitime".
Mikhaïl Prokhorov n'a pour sa part pas voulu s'exprimer sur la légitimité du scrutin, tandis que Vladimir Jirinovski et Sergueï Mironov ont reconnu la victoire de Vladimir Poutine.
De nombreux indices de manipulation des élections présidentielles russes ont été remarqués par le conseiller national socialiste et observateur électoral Andreas Gross. Le politicien suisse était stationné dans la ville d'Astrakhan, près de la Mer Caspienne, sur mandat de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE).