La loi sur l'imposition d'après la dépense, qui règle la question des forfaits fiscaux en Suisse, a passé la rampe au Conseil des Etats mardi par 35 voix sans opposition et 5 abstentions. Malgré des réticences déclarées, le camp rose-vert a renoncé à s'opposer au projet, renvoyant la bataille au débat qui aura lieu au Conseil national.
Gauche critique
Le projet, qui va augmenter un peu la ponction fiscale, apporte une solution équilibrée tenant compte des intérêts économiques et de la compétitivité, a estimé Martin Schmid (PLR/GR), à l'instar de la majorité de droite. Les forfaits ne correspondent pas à un "privilège fiscal, mais à une façon pragmatique d'imposer des étrangers parfois fortunés", a jugé Jean-René Fournier (PDC/VS).
A l'inverse, la gauche a critiqué l'inégalité des forfaits fiscaux, qui ne bénéficient qu'aux étrangers et contreviennent à l'esprit de la taxation d'après les moyens réels. Didier Berberat (PS/NE) a soulevé l'exemple du chanteur français Johnny Hallyday, taxé à Gstaad (BE), mais soupçonné de ne pas y séjourner les 90 jours minimaux prévus.
La solution adoptée va améliorer la situation, tout en évitant le départ des contribuables concernés, a jugé la cheffe du Département des finances Eveline Widmer-Schlumpf. Les recettes de la Confédération pourraient doubler et atteindre 284 millions, si les intéressés ne prennent pas la poudre d'escampette.
Facture revue à la hausse
A l'avenir, la dépense minimale prise en compte dans le cadre des impôts cantonal et fédéral devrait s'élever à sept fois le loyer ou la valeur locative du logement, au lieu de cinq actuellement. Pour les étrangers qui séjournent à l'hôtel, la barre devrait correspondre à trois fois le prix de la pension pour l'hébergement et la nourriture (deux fois aujourd'hui).
Pour l'impôt fédéral direct (IFD), le seuil du revenu imposable serait fixé à 400'000 francs. Les cantons devraient définir un montant minimal de leur choix. Par 30 voix contre 11, le Conseil des Etats a refusé de revoir les montants proposés. Au nom de la justice, une minorité de gauche a proposé vainement des seuils de 500'000 francs, dix fois le loyer annuel et quatre fois le prix de la pension annuelle.
Vers un débat tendu au National
Les forfaits fiscaux devraient couvrir aussi l'impôt sur la fortune. Et les époux ne pourraient plus prétendre à être imposés d'après la dépense que si chacun d'eux remplit les conditions requises.
Pour les contribuables étrangers bénéficiant actuellement de cette imposition à la dépense, un délai transitoire de cinq ans est prévu avant l'application des nouvelles règles. Les forfaits fiscaux offerts aux ressortissants suisses l'année de leur arrivée seraient quant à eux supprimés.
La question risque d'être plus controversée au Conseil national, la gauche misant sur une abrogation des forfaits fiscaux alors que l'UDC ne veut rien savoir des modifications proposées. La Gauche a lancé une initiative au ni9veau fédéral pour interdire ces instruments de politique fiscale.
ats/dk
Forfaits supprimés dans plusieurs cantons
Ces dernières années, l'imposition d'après la dépense a dû faire face à une critique grandissante. Plusieurs cantons sont appelés à se prononcer.
Jusqu'à présent, seuls Zurich et Schaffhouse ont supprimé les forfaits fiscaux. St-Gall et Thurgovie ont décidé de les maintenir tout en durcissant les conditions d'octroi.
Les citoyens de Lucerne et d'Appenzell Rhodes-Extérieures se prononcent dimanche.
Les forfaits fiscaux, une tradition controversée
S'ils sont actuellement controversés, les forfaits fiscaux ont une longue tradition en Suisse. Vaud offrait déjà un système semblable en 1862 pour les étrangers nantis, a signalé Konrad Graber (PDC/LU) au nom de la commission.
Aujourd'hui, ce régime attire des contribuables dans les cantons qui le pratiquent et assure 668 millions de francs de recettes annuelles aux communes, aux cantons et à la Confédération. Vaud offre quelque 1400 forfaits fiscaux, le Valais plus de 1100 et Genève 690, contre 28 pour Neuchâtel.