Des chercheurs d'oeuvres d'art pensent avoir trouvé des traces d'une fresque inachevée du génie italien de la Renaissance Léonard de Vinci, dans le cadre d'une opération controversée qui les a amenés à percer des trous dans une oeuvre de Giorgio Vasari à Florence.
Ces traces ont été découvertes à l'aide de micro-caméras et de sondes passées à travers une fresque de Giorgio Vasari décorant l'une des principales salles du Palazzo Vecchio, le siège de la mairie, à Florence, selon ces experts, qui disent avoir trouvé des traces d'une peinture noire, "anormale, spécifique", de la même nature que celle utilisée pour la Joconde et le "Saint-Jean Baptiste" de Léonard de Vinci.
"Ces données sont très encourageantes. Même si nous sommes dans la phase préliminaires des recherches et qu'il y a encore beaucoup de travail à faire pour résoudre ce mystère, les preuves nous suggèrent que nous cherchons au bon endroit", a déclaré le professeur d'histoire de l'art Maurizio Seracini.
Pas de réponse définitive
Ces recherches, partiellement financées par National Geographic, sont le résultat d'une enquête que le professeur Seracini, qui enseigne à l'Université de San Diego (Californie, Etats-Unis), mène depuis une dizaine d'années. Elles ont permis de retrouver aussi de la laque rouge et de la peinture marron sur un vieux mur caché par un autre sur lequel Vasari avait peint sa fresque.
Les experts ont cependant tenu à souligner lundi que les découvertes n'apportaient pas une réponse "définitive" et que d'autres analyses chimiques étaient encore nécessaires. "Les données fournies par les analyses chimiques suggèrent la possibilité que la fresque de Léonard de Vinci, que l'on croyait détruite vers le milieu du XVIème siècle, puisse exister derrière le Vasari", ont indiqué les chercheurs.
Les plus hautes autorités culturelles de Florence dont l'Office de la pierre dure (célèbre institut de recherche et restauration d'oeuvres picturales), soutenues par le maire de gauche Matteo Renzi, sont elles aussi convaincues que Vasari a peint en 1563 sa "Bataille de Marciano" en recouvrant la "Bataille d'Anghiari" de Léonard.
Une oeuvre perdue et néanmoins célèbre
"Ce sont de premiers résultats très significatifs. Maintenant, nous devons chercher à comprendre ce qui reste du tableau de Léonard et ce que l'on peut en récupérer sans toucher à la fresque de Vasari", a déclaré le maire de Florence, Matteo Renzi. Ce dernier a été vivement critiqué par l'historien d'art Tomaso Montanari, enseignant à la Faculté de Naples.
Le professeur napolitain est convaincu que l'oeuvre de Léonard n'a pas survécu au passage de plus de quatre siècles. Matteo Renzi "s'est jeté tête basse dans cette recherche tragi-comique de La Bataille d'Anghiari perdue. Ce tableau ne sera jamais retrouvé mais l'important est l'effet d'annonce", a dénoncé M. Montanari sur son blog.
"La Bataille d'Anghiari", opposant des troupes de Milan à des forces florentines, peinte en 1505 pour montrer l'horreur de la guerre avec des chevaux ensanglantés et que Léonard n'a pas terminée car les couleurs s'estompaient, a été perdue vers la fin du 16e siècle. Mais elle est devenue célèbre car des artistes comme Rubens ont eu le temps de s'en inspirer ou de la reproduire.
afp/dk
Le milieu de l'art en effervescence
Ces recherches ont soulevé une vaste controverse: des centaines d'historiens d'art et d'experts ont signé une pétition affirmant que l'opération n'est qu'une publicité "à la Dan Brown", l'auteur du "Da Vinci Code", et que l'introduction de micro-sondes a endommagé la fresque de Vasari.
Le maire a rétorqué qu'il ne s'agit "pas d'une croisade d'un fou amateur de mystères", soulignant que ces recherches sont "très importantes" pour Florence, d'autant que très peu d'oeuvres de Léonard ont été retrouvées.
Parmi les instruments spéciaux utilisés dans cette opération figure une caméra à haute résolution, réalisée par un physicien nucléaire américain, Robert Smither, et normalement utilisée pour réaliser des images de cancers dans le corps humain.
Fin décembre, une enquête a été ouverte pour des actes de vandalisme présumés qui auraient été commis sur l'oeuvre de Vasari et la police a effectué des contrôles à Palazzo Vecchio.