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Sur le bout des langues: retour sur l'histoire des gros mots

Sur le bout des langues - Le caca convivial
Sur le bout des langues - Le caca convivial / RTSculture / 3 min. / le 19 novembre 2018
Entre sa dimension sacrée ou obscène, retour sur l’histoire des jurons et autres insultes pour comprendre que ce qui choquait hier, ne choque plus personne aujourd’hui. Chronique linguistique animée par Anna Lietti.

Aujourd’hui on ne risque pas de blesser quelqu’un en lui envoyant dans un message l’émoticône "tas de caca".

Un gros mot, qu’est-ce que c’est ? C’est un mot que l’on prononce pour choquer ou pour insulter. Mais ce qui choquait hier ne choque plus nécessairement aujourd’hui. C’est ce qu’explique Melissa Mohr dans un livre sur l’histoire des gros mots dans les sociétés occidentales.

Le tabou religieux et le corps

Cette historienne américaine divise le vaste paysage des jurons et insultes en deux grandes catégories. Celle du sacré et celle de l’obscène. D’un côté ce qui transgresse le tabou religieux, les "nom de Dieu" et autres "tabernacle". De l’autre, ce qui touche aux fonctions corporelles, de "va te faire foutre" à "va chier dans ta caisse".

Au Moyen Âge, dans une société imprégnée de la crainte de Dieu, c’est le juron religieux qui était le plus grave. On allait jusqu’à croire qu’il pouvait blesser physiquement le Christ.

Avec la Renaissance, la toute-puissance des institutions religieuses entame son déclin. Peu à peu, jurer par le corps humain devient plus grave que jurer par la divinité.

Aux 18e et 19e siècles, on atteint le sommet de la pruderie verbale. Au point que toute allusion au corps est bannie de la conversation. C’est à ce moment-là qu’est née, dans la bonne société française, cette règle étrange: l’interdiction de se souhaiter "Bon appétit". Pourquoi? Parce que "Bon appétit" rappelle l'existence d'un appareil digestif qui rapproche l'homme de la bête.

Les variations culturelles

Dans un autre livre, le linguiste Benjamin Bergen décrit des variations non seulement dans le temps, mais aussi entre les cultures. Il distingue les fucking languages –par exemple le chinois ou l’anglais, les holy languages –préférées des catholiques, et les shit languages, comme l’allemand.

Tous les experts en gros mots s’accordent sur un point: aujourd’hui, l’injure la plus grave n’est plus ni religieuse ni obscène. Elle appartient à une catégorie de gros mots qui s’est développée à partir du 19e siècle: l’insulte raciste.

Anna Lietti/mcc

>> Un nouvel épisode disponible chaque lundi, jusqu'au 17 décembre sur le site de Bon pour la tête et RTS Culture.

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