Il faut d'abord se souvenir que les studios Disney ont absorbé récemment plusieurs de leurs concurrents, notamment Pixar, Marvel, Lucasfilm, le producteur de Star Wars, et cette année, la Century Fox. Ces rachats lui ont permis de se diversifier, sans parler des parcs à thèmes ou des jeux vidéo.
Disney se trouve donc en position dominante, mais elle a d'autres atouts dans sa manche, notamment sa stratégie de sortie des films. Disney en sort moins qu'avant, mais partout en même temps et en ménageant le suspense: rien ne filtre et il y a peu d'exploitants qui ont vu le film en avance.
L'originalité, "une prise de risque"
Prenons l'exemple du "Retour de Mary Poppins", qui sort mercredi. Didier Zuchuat, exploitant de deux salles genevoises, a pu le voir il y a quelques semaines. Il y a retrouvé les recettes classiques du succès Disney, que sont l'émotion, la poésie et un grand soin porté à la technique, mais aussi un ingrédient plus surprenant: l'originalité.
"A partir de personnages connus, d'univers que l'on pourrait imaginer et déjà explorer (...), Disney arrive à chaque fois faire une nouvelle oeuvre originale", estime-t-il. A ses yeux, "il y a une prise de risque certaine dans ces productions et l'originalité est un des ingrédients qui me paraît être le plus important".
A partir de personnages connus, d'univers que l'on pourrait imaginer et déjà explorer (...), Disney arrive à chaque fois faire une nouvelle oeuvre originale.
Mais il y a toujours le risque, en proposant des nouveautés, de perdre un public acquis. "C'est une tension. Disney doit être à la fois conforme, approprié pour les tout-petits et rester dans l'inscription d'une marque un peu aseptisée, qui est adaptée aux enfants, pour les adultes qui s'en préoccupent. Mais aussi suivre les générations montantes, les adolescents, qui en général cultivent un esprit rebelle contre cet esprit enfantin", analyse Alexandre Bohas, auteur de l'ouvrage "Disney, un capitalisme mondial du rêve".
Entrer "dans l'intimité" des gens
Et pour Disney, le défi se pose avec d'autant plus d'acuité, que le monde du cinéma est en train de basculer et que les jeunes regardent de moins en moins des films en salle obscure.
Il faut aller trouver les gens sur leur terrain, et leur terrain, c'est leur intimité. C'est leur téléphone portable, leur ordinateur.
"Tout le monde a une histoire avec Disney. Parce que quand vous êtes un petit Australien, un petit Suisse ou un petit Américain, les premiers films que vous êtes allés voir au cinéma, ce sont des films Disney. Et le logo, la musique, les personnages Disney, nous ont permis d'accéder au monde du cinéma. Il faut le préserver, parce que c'est leur trésor de guerre", estime Lionel Baier, réalisateur et responsable du Département cinéma à l'Ecole cantonale d'art à Lausanne.
Mais pour lui, avec l'évolution du cinéma, Disney "ne peut pas se résumer à cela. Il faut aller trouver les gens sur leur terrain, et leur terrain, c'est leur intimité. C'est leur téléphone portable, leur ordinateur... c'est aller les trouver dans leur intimité à eux, et ne plus leur demander de venir vous chercher dans une salle de cinéma".
Dans le passé, les studios Disney ont souffert d'un essoufflement de créativité, ils ont aussi raté le virage de la 3D. L'an prochain, ils vont tenter de concurrencer Netflix avec la création d'une plateforme de streaming.
Sylvie Lambelet/jvia