La liste est longue: Jean-Jacques Rousseau, Alexandre Dumas, Théophile Gautier, Robert Schumann, Richard Wagner, Ferdinand Hodler, Le Corbusier, Paul Morand, Oskar Kokoschka, Gustave Courbet, Clara Haskil, Stravinsky, Mary Shelley, Lord Byron, Jean Tschumi, Charlie Chaplin, Ernest Hemingway, Vladimir Nabokov ou encore Freddie Mercury, tous ces écrivains, musiciens, peintres, cinéastes ou architectes ont séjourné sur la Riviera vaudoise.
Pourquoi une région si petite a-t-elle attiré une telle densité artistique? Comment a-t-elle réussi à rayonner dans le monde grâce à ces festivals musicaux parmi les plus prestigieux? Un collectif d'historiens formés à l'Université de Lausanne tente d'y répondre dans une monographie de 500 pages et autant d'illustrations, "Entre arts et Lettres. Trois siècles de rayonnement culturel autour de Vevey et de Montreux" (éditions Infolio).
Vevey au 18e siècle est une ville assez importante, parce qu'elle est un point nodal du trafic commercial et qu'elle bénéficie d'une bourgeoisie éclairée et humaniste issue des Lumières. Elle est une ville refuge pour les huguenots qui participent activement à son développement, notamment par l'imprimerie.
Mais celui qui va faire de la région, et plus particulièrement de Clarens, l'éden de tous les amoureux, c'est Rousseau avec sa "Nouvelle Héloïse" (1761). Ce roman épistolaire qui raconte la passion amoureuse entre Julie d'Etange, jeune noble, et son précepteur d'origine modeste, Saint-Preux, va connaître un succès éditorial sans précédent à la fin du XVIIIe siècle.
Le livre soulève un tel engouement, qu'il engendre rapidement un tourisme de pèlerinage littéraire. On vient au bord du Léman pour retrouver les lieux décrits dans le roman. Si Rousseau a ému le public francophone, Byron, grand admirateur de l'écrivain et philosophe genevois, rendra sensible le public anglophone à ce haut lieu du romantisme dans "Le prisonnier de Chillon".
Naissance des palaces
La Riviera vaudoise devient ainsi lieu de villégiature et la région développe une hôtellerie qui voit large et beau, avec toute la technologie de pointe de l'époque, eau chaude et ascenseur, notamment.
Il fallait voir grand puisqu'à l'époque, les gens restaient longtemps sur place, près de six mois, avec famille et toute la domesticité.
Au XIXe siècle, le tourisme change de nature: la durée des séjours diminue, mais on veut de plus en plus d'émotions. D'où l'installation de lieux d'accueil et d'attractions, le développement des lignes de trains et de bateaux, l'aménagement des quais, avec ses promenades et ses bancs. La Riviera ressemble de plus en plus à une perfection miniature, une sorte de Disneyland avant l'heure.
C'est à ce moment-là que le mythe de la Suisse des glaciers blancs commence à être critiqué et déconstruit. En 1860 Alphonse Daudet donne une vision ironique du château de Chillon avec son anti-héros, Tartarin de Tarascon, emprisonné dans le cachot de Bonivard.
Et la musique vint
Avec le XXe siècle, et la possibilité de l'enregistrement, s'installe un autre art qui va régénérer la région: la musique. Déjà présente par le foisonnement des chorales, fanfares et harmonies locales, elle doit aussi beaucoup au trio Ramuz, Stravinsky et Ansermet. Entre l'annuel Septembre Musical, consacré à la musique classique, la Fête des Vignerons, événement rarissime aux répercussions mondiales, et le Montreux Jazz Festival, l'offre est complète. Une chanson de Deep Purple - "Smoke on the water" - est même dédiée à un événement montreusien, l'incendie qui ravagea le Kursaal en 1971, alors que s'y produisait Frank Zappa.
Même le cinéma a trouvé sa place dans la région grâce à Charlie Chaplin qui y finira ses jours. Mais qui savait qu'à la fin des années 30, Vevey, toujours à la pointe, avait comme projet de construire un studio de cinéma? Le manque de volonté politique et la guerre auront pourtant raison de cette belle ambition.
Sujet proposé par Nicole Duparc pour Versus-Penser.
Réalisation web: Marie-Claude Martin
>> "Entre arts et Lettres. Trois siècles de rayonnement culturel autour de Vevey et de Montreux" (éditions Infolio), collectif de David Auberson, Ariane Devanthéry, Yves Gerhard et Yves Guignard.