Pas content du tout, Edward. Ce hamster a beau porter un nom princier, son royaume a la taille d’une cage et son existence suit la monotone routine d’un animal d’appartement: manger du foin, manger des graines, boire, faire un tour de roue, dormir et recommencer…
Sous la fourrure d’Edward, il y a le comédien Sébastien Ribeaux. Plutôt colosse pour incarner un petit rongeur de rien du tout, mais cette différence de taille ajoute une dimension comique au personnage. Edward est assis sur son tas de foin et dans le foyer sédunois du Théâtre de Valère, il scrute le public de "Midi Théâtre".
Aujourd’hui, c’est son anniversaire. Il a six mois et personne n’a pensé à lui. Philosophe, rebelle, révolté même, ce prisonnier, transféré de l’animalerie Tom&Jerry dans un quelconque appartement, note tout dans son carnet: "14h33. En grève de la faim depuis deux minutes. Je suis fort et déterminé. 14h36. Cela fait maintenant cinq minutes. Je commence à me sentir faible."
Journal intime d'un hamster
Avant d’être un personnage de théâtre, Edward a connu une carrière internationale dans la littérature, traduit en français chez Flammarion. Deux Anglais, frère et sœur, Elia et Miriam Ezra, auraient trouvé son journal lors d’un vide-grenier dans une banlieue du nord de Londres. Minuscule, ce carnet écrit en patte de hamster était resté au fond d’une cage vide.
Les dates d’écriture de ce rare témoignage d’un animal pourtant si familier dans nos appartements occidentaux sont éloquentes: "Edward, journal d’un hamster nihiliste. 1990-1990". L’existence d’un rongeur d’appartement a beau être brève, elle n’en est pas moins intense.
En plus de la colère et de l’ennui, Edward connaît aussi l’exaltation de la passion amoureuse. Elle a les moustaches de Camilla, une hamster artiste venue de la même animalerie et incarnée par la comédienne et metteuse en scène Mali Van Valenberg.
Edward, Camilla… chez les hamsters britanniques, on porte souvent des patronymes inspirés des Windsor. Et comme dans la célèbre famille régnante, le destin amoureux peut être tragique. Edward va aussi rencontrer un compagnon de captivité nommé Loup, joué malicieusement par le comédien Olivier Werner arborant sur son crâne un bonnet de Davy Crockett. Loup est plus crétin qu’une gerbille. Edward n’a plus qu’une pensée: l’assassiner pour s’en débarrasser.
Une belle mise en abîme
Ce texte devenu pièce de théâtre est un petit bijou d’humour féroce et de malice anthropomorphiste. Quelle belle mise en abîme pour celles et ceux, humanoïdes, qui possèdent ou sont tenter d’acheter un petit animal de compagnie à placer en cage pour le plus grand bonheur de leurs enfants. Si l’on en croit Edward, les enfants se résument à ça: des petits sadiques inconséquents.
Thierry Sartoretti/aq
"Edward, le hamster", mise en scène de Mali Van Valenberg. Chaque midi dans le cadre de "Midi Théâtre". A Delémont, CCRD Forum St-Georges, mardi 15 janvier. A Bienne, Nebia, le 16 janvier. A Villars-sur-Glâne, Nuithonie le 17 janvier. A Vevey, Théâtre du Reflet, le 22 janvier.