Sorties CD: Abd Al Malik revisite le patrimoine

Abd Al Malik est un slammeur
intelligent, sensible et ambitieux. Son 3e album, intitulé "Dante",
est à son image.

Un "Dante" des plus ambitieux

Ambitieux, "Dante" l'est sans aucun doute, lui qui veut rendre
hommage à des "grands" de la chanson française (Brel, Nougaro,
Reggiani, Gréco). Sensible aussi, avec une orchestration plus riche
que dans les albums précédents, plus classique aussi. Enfin
intelligent grâce à des textes souvent bien trouvés et bien
tournés.



Et même si Abd Al Malik se tourne vers le patrimoine français, ses
thèmes de prédilection demeurent: identité française, inégalités,
vie dans les cités et nécessité de ne pas se laisser abattre.

Juliette Gréco slammeuse, fallait oser!

"Dante" débute avec un duo improbable mais magique entre le
rappeur de Neuhof et Juliette Gréco, qui contre toute attente est
une sacrée slammeuse. Un titre qui raconte la recherche du vrai
amour entre des Roméo et Juliette paumés dans notre société moderne
et rationnelle à l'extrême.



Plusieurs autres perles sur cet album, dont le "Conte alsacien"
(avec un slam en Alsacien), "Paris mais" (ode à la ville à la sauce
Nougaro) et le très soul "Lorsqu'ils essayèrent".



On regrettera cependant une certaine tendance chez Abd Al Malik à
faire la morale et à voir le monde en noir ou blanc, sans toutefois
lui en tenir vraiment rigueur.

A la grâce de Jane Birkin

Jane Birkin possède une grâce bien à elle. Cela vient
peut-être de son accent pour le moins persévérant. Ou de cette voix
fragile. Ou de ce temps qui ne semble pas avoir de prise sur
elle.



Jane pourrait se reposer sur ses lauriers. Sa vie artistique est
déjà hors du commun. Mais avec "Enfants d'hiver" , la belle se lance un nouveau défi, en
écrivant elle-même tous les textes.



Histoire de voir comment elle allait se débrouiller sans Serge,
sans autre auteur, toute seule. Cela donne douze titres simples,
mélancoliques mais jamais tristes, qui retracent des petits bouts
d'enfance.

Un poème pour Aung San Suu Kyi

Le propos sonne juste, la verve est là et l'accompagnement est
simple et efficace. Jane Birkin a particulièrement bien réussi ses
"Enfants d'hiver".



Qu'elle parle de souvenirs de jeunesse ("Enfants d'hiver"),
d'amour à tout âge (Prends cette main") ou de la douleur de
l'absence ("Je suis au bord de ta fenêtre"), Jane Birkin fait
mouche, avec simplicité et sincérité.



Sans oublier le très beau poème en anglais dédié à l'opposante birmane
Aung San Suu Kyi, qui a passé 12 des 18 dernières années en
détention. Un titre qui prend aux tripes, dans lequel Jane Birkin
se bat contre l'oubli. (Voir ci-dessus la vidéo de Jane
Birkin présentant son dernier album durant le 12:45)

Anaïs, un simple feu de paille

La jeune Anaïs
avait fait un gros carton avec "The Cheap Show", un premier album
drôle, décapant et décalé. Le phénomène pourrait s'arrêter là, tant
son deuxième album est insatisfaisant.



De l'impertinence et de l'humour qui faisaient sa marque de
fabrique et de la simplicité de "The Cheap Show", que reste-t-il
dans "The love album" ? Pas grand chose,
il faut bien l'avouer.



Globalement, le disque est très "plan-plan" et manque cruellement
de relief. On est bien en mal de trouver un seul titre à
conseiller, à l'exception peut-être de "Je sais pas", qui ressemble
malheureusement trop à du Camille en moins bien.



Cécile Rais