Le magasin de Loisel et Tripp ouvre à nouveau

Régis Loisel est un dessinateur-scénariste de BD unanimement
salué pour ses chefs-d'oeuvre que sont notamment "Peter Pan" et "La
Quête de l'Oiseau du Temps" (voir ci-contre).

Jean-Louis Tripp est plus un artiste s'exprimant dans divers
domaines. Tous deux ont décidé de travailler ensemble pour la série
"Magasin général", qui vient de sortir en librairie.

Deux talents conjugués

Tous deux sont Français, tous deux sont amis, tous deux vivent à
Montréal, tous deux sont fous de BD. Leur collaboration semblait
des plus logiques. Depuis 2003, Tripp fréquente ainsi assidûment
l'atelier de Loisel dans la Belle province.



Le résultat de cette complémentarité est des plus réussis: dans un
premier temps, Loisel met en scène l'histoire de son coup de crayon
si reconnaissable; ensuite, Tripp joint son trait et sa maîtrise
des lumières et des ombres. Le tout donne naissance à un auteur
virtuel, à quatre mains, à quatre yeux. Et même six si l'on rajoute
le coloriste François Lapierre.



Au début, Loisel et Tripp souhaitaient réaliser seulement trois
tomes. Puis, dès l'écriture du second, ils se sont dit que cela ne
suffirait pas. Ils ont opté pour quatre, cinq, puis six épisodes.
On en est là, mais beaucoup espèrent que la série se prolonge après
la sortie du sixième. Tant on aime la simplicité de cette vie
québecoise, entre le magasin, l'école, l'église et les quelques
bâtisses de Notre-dame-des-lacs, un coin perdu du Québec de
l'entre-deux-guerres.

Un langage savoureux

Loisel et Tripp ont choisi de narrer une intrigue qui se déroule
au Québec avec sa langue parlée si savoureuse. Mais l'idiome de la
Province n'étant pas forcément très accessible pour les lecteurs
francophones, les deux auteurs ont fait appel à Jimmy Beaulieu, un
auteur de Montréal, pour les aider à trouver un juste niveau.



Le résultat est très agréable et satisfait tant les amateurs des
deux côtés de l'Atlantique. Les "C'est correct", "maudit tabernac",
"tabarouette", "magasiner", les "ti-cul" ou "J'suis pas si pire"
jalonnent donc l'histoire, pour le plus grand bonheur de tous.
Certaines envolées des personnages sont à la limite de la
compréhension, mais cela donne encore plus de saveur: "Coudonc, y
s'passe quoi icitte?"

Une fresque pittoresque

Dans ce 4e tome intitulé sobrement "Confessions", le lecteur
retrouve avec plaisir les personnages qui ont déjà fait les beaux
et les mauvais jours des trois premiers: Marie, la gérante du
magasin général, Serge le Français de France, Gaëtan, le simplet si
gentil; Isaac le borgne, les vieilles soeurs Gladu, aussi commères
que mauvaises, les frères Latulippe. Et aussi un curé plutôt
libertaire qui s'est lié d'amitié avec Noël, un vieil original qui
milite contre toutes les formes de religion et qui passe ses
journées à fabriquer un bateau.



Le premier tome, "Marie", évoquait les difficultés de Marie à
reprendre le magasin général après le décès de son mari. Le second,
"Serge", voyait l'arrivé d'un étranger suspect dans la bourgade et
l'ouverture d'un restaurant. Le troisième, "Les hommes", était
marqué par le vif différend entre les hommes et les femmes du
village à propos de Serge le restaurateur. Dans ce 4e tome, le
village se demande si Marie et Serge vont officialiser leur
relation. La vie, la simple vie, s'écoule à Notre-dame-des-lacs,
avec ses tracas et ses amourettes, ces hommes et ces femmes si
attachants.



Calice, on en redemande!



Frédéric Boillat