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Époque coloniale et oeuvres spoliées, une problématique également suisse

La promesse française de restituer les oeuvres d'art coloniales sème le doute dans les musées européens
La promesse française de restituer les oeuvres d'art coloniales sème le doute dans les musées européens / 19h30 / 4 min. / le 17 mars 2019
Les musées européens pourraient-ils être vidés ? En 2017 la promesse d’Emmanuel Macron de restituer les œuvres pillées à l’Afrique pendant la période coloniale semait le doute sur tout le milieu culturel européen. La question se pose aussi en Suisse.

Rechercher sur le territoire suisse les objets datant de l'époque coloniale, et les restituer à leur pays d’origine, c’est ce que demande une motion, déposée en décembre dernier par le conseiller national Cédric Wermuth: "la première étape serait une reconnaissance du rôle de la Suisse dans le projet colonial européen", détaille-t-il. "Deuxièmement, un engagement proactif du gouvernement pour résoudre ces questions, notamment pour les biens culturels."

Même sans colonies, la Suisse pas épargnée

En effet, bien que n’ayant jamais eu de colonies, la Suisse, comme ses voisins européens, abrite dans ses musées de nombreux objets acquis à l’époque coloniale. Des biens arrivés dans le pays depuis des dizaines d’années mais dont le destin est remis en question depuis une déclaration d’Emmanuel Macron.

En 2017 à Ouagadougou, il recommande que d’ici cinq ans les conditions soient réunies pour restituer une partie du patrimoine africain aux anciennes colonies. L’idée n’est pas nouvelle, mais une volonté aussi affirmée d’un chef d’Etat suscite l’émoi dans toute l’Europe. Car les cas sont nombreux.

Un statut des objets difficile à définir

Exemple, une défense d’ivoire sculptée, qui figure parmi les 170’000 objets conservés dans les collections du Musée d’Ethnographie de Genève (MEG). "C’est un objet qui est issu du sac d’un pillage militaire", explique Boris Wastiau, le directeur du musée. Il se retrouve aujourd’hui dans une collection publique à Genève, acheté de bonne fois dans les années 40.

"Quel est le statut d’un tel objet?. Est-ce qu’un jour, le Nigeria, ou Benin City ou la cour de Benin City demandera une restitution? Je pense que c’est très peu probable. Mais d’un point de vue théorique on pourrait se poser la question si d’autres objets sont un jour rendus à cette cour", ajoute-t-il.

Au MEG, la réflexion a commencé. Le musée est entré en contact avec certaines communautés pour réfléchir ensemble à la manière de présenter la collection, en mettant en avant le parcours des objets, et ceux qui les ont ramenés en Suisse.

Céline Brichet/ther

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Des restitutions et des cas plus difficiles à gérer

Des cas de restitution existent d’ailleurs en Suisse. En 2014, une statuette en pierre représentant la divinité Ekeko a été rendue par le Musée d’Histoire de Berne à la Bolivie. Et depuis 2005, la LTBC, Loi sur le Transfert des Biens Culturels, a renforcé les contrôles effectués par les douanes, permettant la restitution de milliers d’objets issus du trafic illicite.

Si le droit permet de résoudre certains cas, d’autres sont plus difficiles à trancher.

Le Professeur Marc-André Renold, directeur du Centre du droit de l’art à Genève, évoque des solutions plus nuancées comme le partage de l’objet entre deux Etats. "Ce serait un peu comme une garde partagée d'enfants dans un divorce, c'est-à-dire qu'il faut décider qui va s'occuper de quoi et comment". Pour lui, la Suisse pourrait même se montreur précurseur dans la mise en place de telles solutions.