Plus de 206 millions d'euros (305 millions de francs) d'oeuvres
modernes et impressionnistes sont partis en moins de trois heures
lundi soir, alors que la vente se poursuit encore mardi et mercredi
sous l'impressionnante nef du Grand Palais, à Paris.
Matisse à 36 millions d'euros
La précédente plus grosse vente d'une collection privée avait
recueilli 163 millions d'euros en 1997 à New York, pour la
collection Victor et Sally Ganz. Une des plus belles émotions de la
soirée est venue d'un record mondial décroché par un tableau de
Matisse, "Les coucous, tapis bleu et rose", vendu 35,9 millions
d'euros avec les frais.
Déception en revanche pour un tableau de Picasso, "Instruments de
musique sur un guéridon". Il s'agissait de la pièce estimée la plus
chère parmi les 730 mises en vente. Elle n'a pas trouvé preneur, la
plus haute enchère de 21 millions d'euros restant en deçà du prix
minimum fixé. "Je suis très heureux parce que je vais le garder", a
réagi Pierre Bergé. "Non seulement ma vente a atteint une somme
inestimable, mais en plus j'ai gagné un Picasso", a-t-il plaisanté,
précisant qu'il donnerait la toile à la Fondation Bergé-Saint
Laurent.
"Yves Saint Laurent aurait été très heureux"
L'homme d'affaires s'est dit "très
heureux" du résultat et a ajouté, évoquant son compagnon, le
couturier Yves Saint Laurent décédé le 1er juin dernier: "je pense
qu'Yves aurait été très heureux aussi". Plusieurs oeuvres ont battu
des records mondiaux.
Une sculpture du roumain Constantin Brancusi, "Madame L.R", a été
vendue 29,1 millions d'euros (avec frais), une oeuvre de Marcel
Duchamp, un flacon de parfum dans sa boîte en carton détourné par
l'artiste (Belle haleine - Eau de voilette) est parti à 8,9
millions d'euros (avec frais). Record également pour Piet Mondrian
("Composition avec bleu, rouge, jaune et noir") à 21,5 millions
(avec frais), James Ensor ("Le désespoir de Pierrot") à 5 millions
(avec frais) et Paul Klee ("Gartenfigur") 3,9 millions (avec
frais).
Des célébrités
Selon Christie's, 30% des acheteurs étaient des Américains et
quelque 70% des Européens, dont 12% des Français. Ces enchères
avaient attiré de nombreux marchands venus acheter pour le compte
de clients soucieux de leur anonymat, mais aussi des célébrités
comme Bianca Jagger ou le Vicomte Linley, fils de la princesse
Margaret.
On pouvait croiser aussi bien un expert américain, Pablo
Schugurensky, venu représenter un mystérieux client de Seattle pour
"cet événement majeur", que la représentante de la Fondation d'art
moderne Beyeler de Bâle, Catherine Couturier. "Cela arrive tous les
cent ans. C'est comme un rêve", commentait une collectionneuse
japonaise, Misako Takaku, venue de Tokyo dans l'espoir d'étoffer sa
collection d'oeuvres de Manet.
afp/mej
L'Etat français a acheté trois oeuvres
L'Etat français a préempté trois oeuvres: le centre Pompidou a acquis pour une somme record de 11 millions d'euros (avec frais) un tableau de Giorgio de Chirico, "Il ritornante" (il en possède déjà six), et le musée d'Orsay a acheté un tableau d'Edouard Vuillard ("Les Lilas" pour 320'000 euros) et un autre de Ensor ("Au conservatoire" pour 480'000 euros).
Enchères de pièces chinoises
Deux pièces d'art chinois réclamées par la Chine seront pour leur part mises aux enchères mercredi, après le rejet d'une procédure en référé pour suspendre leur vente.
"Je suis absolument prêt à donner ces deux têtes (de bronze) à la Chine, tout ce que je demande à la Chine en contrepartie est de donner les droits de l'homme, la liberté au Tibet et d'accueillir le dalaï-lama", a répété Pierre Bergé.
L'homme d'affaires et esthète a annoncé que l'argent irait à la Fondation Bergé-Saint Laurent et à la recherche médicale, notamment sur le sida.