Dans son essai sur l'"Aktualität des Verzichts" (l'actualité du jeûne), le philosophe autrichien Thomas Macho a analysé les démarches ascétiques. Il répond aux questions de nos collègues de SRF.
SRF: Le jeûne et les privations en tous genres sont devenus tendance. Pourquoi?
Thomas Macho: Lorsque l'on regarde de près la liste des bestsellers, on ne trouve pas que des ouvrages consacrés à la nutrition et des livres de cuisines – comme c'est le cas depuis de nombreuses années – mais aussi, et c'est nouveau, des guides sur le jeûne intermittent, la discipline ou encore la décroissance.
Le renoncement est devenu une posture sociétale qui va bien plus loin que la simple question de la nourriture, à l'instar du "mouvement zéro déchet". Renoncer est le sujet sociétal du moment.
Ne peut renoncer que celui qui consomme et possède beaucoup. Cette tendance est-elle un phénomène cantonné au riche Occident?
Oui. C'est tout d'abord un phénomène de société opulente. Ensuite, cela s'inscrit dans la continuité de la religion, à l'ère de la sécularisation.
Avec le temps, nous sommes tous plus ou moins devenus accros à une certaine religion de la santé, qui promet beauté et longue vie pour peu qu'on en suive les préceptes.
La tendance au renoncement est-elle devenue une religion de remplacement?
Hier, jeûner était une pratique religieuse – un rituel de purification. Aujourd'hui, c'est toujours un rituel de purification, mais il tient d'idéaux en termes de santé.
Le renoncement est devenu un style de vie intelligent, adapté à notre contexte.
Renoncer et jeûner est bien sûr une réaction à l'opulence et à la surabondance.
Quand l'on pense aux étalages des supermarchés dans les années 50 et à ceux d'aujourd'hui... L'évolution a été fulgurante – mise en rapport avec notre espérance de vie – l'offre est pléthore et on n'en a même plus la vue d'ensemble.
Jeûner et renoncer sont-ils plus que de simples tendances santé – dans un monde pétri de problèmes sociaux et environnementaux?
Bien sûr que cela influence notre comportement, notre propension au renoncement. L'homme a de plus en plus conscience du monde dans lequel il vit: au train où il va, où il consomme, les prochaines générations sont véritablement en péril. C'est tout un style de vie qu'il faut revoir.
Le jeûne et le renoncement – aussi paradoxal que cela puisse paraître – y font logiquement écho. Le renoncement est devenu un style de vie intelligent, adapté à notre contexte.
Une interview d'Eduard Erne (SRF)/mh
Cet article a été publié sur SRF Kultur: "Verzicht ist unsere neue Religion"