L’artiste bernois, qui avait fait polémique en 2004 autour d'une performance sur Christoph Blocher, est un habitué des expositions dans le domaine public. La "Robert Walser-Sculpture" est la plus grande oeuvre jamais réalisée par Thomas Hirschhorn qui compte à son palmarès pas moins de 70 projets de ce type. "Je suis passionné par le travail dans l'espace public. C'est une aventure, c'est l'opposition avec le réel. C'est aussi une manifestation de la démocratie, aller vers la population, vers le public non-exclusif, des gens qui ne sont pas forcément intéressés par l'art. C'est pour ça que ce retour à Bienne me donne beaucoup de joie", confesse-t-il au micro de La Matinale de la RTS.
Et qui dit espace public, dit cohabitation avec la population seelandaise. Cette promiscuité peut générer certaines tensions, mais c’est justement ce qui fait l’intérêt d’une telle démarche pour le plasticien: "C'est normal que dans cet espace tout le monde puisse s’exprimer librement, penser ce qu'il veut. Dire: 'c'est de la merde, du gaspillage d'argent public'…ou pas. D’autres disent: On a hâte, on est fiers que Bienne permette ça. C'est ça l'honneur et la joie, mais aussi la difficulté de travailler dans l'espace public. On confronte la réalité des gens."
Roman Luterbacher est responsable du chantier qui se dresse sur la place de la gare, il est quotidiennement amené à côtoyer les pendulaires: "Le jeu c'est de confronter les passants à cette construction et créer des tensions". Il y a énormément de gens qui râlent, qui ne sont pas contents parce qu'on change leurs habitudes. On a l'impression de chambouler leur vie, alors qu'en fait c'est un petit détour."
Financement toujours en suspens
Le budget du projet n'est toujours pas bouclé. Sur les deux millions de francs nécessaires à la réalisation de l'oeuvre, seul 1,3 million a déjà été trouvé, ce qui n'a pas empêché l'artiste et son équipe de déjà lancer les travaux depuis près d'un mois..
"La question de l'argent fait partie du travail de l'artiste. Je suis impliqué moi-même dans cette recherche. Je ne renie pas cette tâche. Tous les artistes savent que l'argent c'est important. Mais à un moment il faut commencer le travail, parce qu'on a une mission, on a quelque chose à faire, et le meilleur moyen d'en trouver c'est pendant les deux mois de montage", explique Thomas Hirschhorn, qui a notamment exposé à New York.
"Robert Walser? Un héros!"
Thomas Hirschhorn voue une adoration à l’écrivain biennois Robert Walser, auteur notamment des romans "Les enfants Tanner" et "Le Brigand", un livre publié à titre posthume.
"Pour moi, c’est un héros pour plusieurs raisons: d’abord, c'est quelqu’un qui s'intéressait aux choses faibles, aux choses qu’on ne regarde pas, qu’on ne trouve pas importantes. Lui, les a observées, il leur a donné de l’importance. C’est un héros car il n’avait pas peur de confronter l’abysse de la pensée, dans laquelle on circule en tant qu’être humain, le non-succès aussi. Il a travaillé d’une manière gaie et joyeuse sur ce thème. Et finalement, dans les dernières années de sa vie, dans un asile psychiatrique à Hérisau (AR), il a refusé d'écrire car il ne pouvait le faire que dans la liberté."
Propos recueillis par Ludovic Rocchi et Alain Arnaud
Adaptation web: Jérémie Favre
Un lieu symbolique
La "Robert Walser-Sculpture" se tiendra pendant trois mois à partir du 15 juin sur une surface de 1800m2 à la place de la gare à Bienne. Ce lieu est hautement symbolique puisque dans un de ses textes, l'écrivain raconte son retour dans la cité seelandaise après un long séjour à Berlin. Composée de centaines de palettes en bois, cette sculpture s'inventera en permanence pendant 87 jours. Thomas Hirschhorn la perçoit comme un "lieu de rencontre".