Publié

La dernière note de Mstislav Rostropovitch

Rostropovitch était entré dans l'Histoire devant le Mur de Berlin
Rostropovitch était entré dans l'Histoire devant le Mur de Berlin
Le violoncelliste et chef d'orchestre russe Mstislav Rostropovitch est décédé vendredi à 80 ans, a annoncé sa porte-parole. Monstre sacré de la musique, il était une des figures de la résistance à l'oppression soviétique.

Mstislav Rostropovitch, malade depuis plusieurs mois, avait
effectué ces derniers temps plusieurs séjours à l'hôpital. Le
violoncelliste restera dans l'histoire comme un défenseur de la
liberté et un virtuose qui a marqué le paysage musical
international par ses interprétations d'oeuvres contemporaines et
du répertoire.

Homme de convictions

Né le 27 mars 1927 à Bakou (Azerbaïdjan), il commence
précocement l'étude du piano puis celle du violoncelle avant
d'entrer au Conservatoire de Moscou, où il suivra l'enseignement de
Chostakovitch. Remportant de prestigieux concours internationaux
(Prague 1947, Budapest 1949), il est distingué comme gloire
nationale (Prix Staline en 1951 et 1953, prix Lénine en 1964) puis
comme «Artiste du peuple de l'URSS» en 1966.



Musicien honoré, il est également homme de convictions. Ami fidèle
de deux compositeurs critiqués par Staline, Prokofiev et
Chostakovitch, il accueille chez lui l'écrivain dissident Alexandre
Soljénitsyne en septembre 1970, et n'hésite pas à défendre sa cause
dans une lettre ouverte qui provoquera sa disgrâce.

Déchu de sa nationalité

Contraint à l'exil en Occident en 1974, il est déchu de la
nationalité soviétique le 15 mai 1978. Il ne reviendra dans son
pays, en compagnie de son épouse la soprano Galina Vichnievskaïa,
que dix ans plus tard. Il retrouve sa nationalité en 1990.



En novembre 1989, «Slava» célèbre la chute du Mur de Berlin en
improvisant sur place un concert dans une atmosphère de liesse et
de recueillement. Violoncelliste, il s'affirme aussi comme
interprète, chef d'orchestre et enseignant. Il dirige l'Orchestre
symphonique national de Washington de 1977 à 1994 et donne son nom
à un concours international de violoncelle à Paris.



Le musicien avait fêté ses 80 ans en mars au Kremlin en présence
du président Vladimir Poutine et de quelque 500 invités. Père de
deux filles, il a créé avec son épouse une fondation consacrée à
des programmes de santé pour les enfants. Il était «représentant
spécial» du programme de l'Onu sur le Sida.



Agences/cab

Publié

Concert historique au pied du Mur

Un vieil homme sur une chaise au pied d'un mur qui s'écroule, un violoncelle et les premières notes d'une suite de Jean-Sébastien Bach qui s'élèvent: le concert improvisé par Rostropovitch devant le mur de Berlin le 11 novembre 1989 est resté dans l'Histoire.

"J'ai dit aux quelques spectateurs qui se rassemblaient: c'est aujourd'hui un jour heureux, car le Mur est tombé. Mais beaucoup de gens sont morts à cause de ce mur. Je joue aussi en leur mémoire", avait raconté le violoncelliste et chef d'orchestre russe.

C'est dans son appartement parisien que Rostropovitch apprend que le Mur de Berlin vient de commencer à tomber, le 9 novembre 1989, avait expliqué le virtuose russe, exilé à l'Ouest depuis 1974.

Sollicitant un riche industriel français de ses amis, il emprunte son avion privé et arrive à Berlin le 11 novembre 1989.

Il hèle un taxi et se retrouve à "Checkpoint Charlie", au pied du Mur, avec son inséparable Stradivarius.

Le virtuose, alors âgé de 62 ans, commence à jouer une suite pour violoncelle seul de Bach, "le seul choix possible à ce moment-là" selon lui.

Les images feront le tour du monde. "Ce concert a été l'un des plus beaux moments de ma vie", avait confié le musicien au Tagesspiegel.